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mercredi 14 août 2013

Nous n'avons jamais été post-modernes





                                                         Torre dei Corsari, Sardaigne



NOUS N’AVONS JAMAIS ÉTÉ POST-MODERNES [1]


    Il y a de multiples raisons de s’intéresser à Julien Benda. Il est une figure de l’histoire littéraire, qui appartient à cette famille d’esprits qu’Antoine Compagnon a appelés les « antimodernes », parmi lesquels il range Chateaubriand, de Maistre, Baudelaire, Renan, Bloy, Péguy, Maritain, Thibaudet, mais aussi Gracq, Breton et Barthes, et dont il a dressé la liste de quelques traits qui, sans suffire à former un type, dessinent des ressemblances de famille : contre-révolution, rejet des Lumières, pessimisme, obsession du péché originel, esthétique du sublime, vitupération. On voit tout de suite que nombre de ces traits, qui peuvent convenir à un Bloy ou à un Péguy, ne conviennent pas à Benda, qui est un défenseur ardent des Lumières et de la raison. Il est en ce sens l’anti-Taine et l’anti-Renan, alors même qu’on a souvent vu en lui un héritier de ceux-ci. Il n’est pas pessimiste, du moins pas au sens de Nietzsche ou de Schopenhauer. S’il ne croit pas au progrès de la raison, à l’instar de Renouvier et contre Comte,  il croit pourtant, en bon Aufklärer,  que la raison peut et doit nous éclairer. Bien qu’il soit souvent malebranchiste et parle, dans son Essai d’un discours cohérent sur les rapports de Dieu et du monde d’une chute ontologique du monde infini dans le fini, il ne croit guère au péché originel. Il déteste l’esthétique romantique en général, et celle du sublime en particulier, et s’il vitupère il le fait souvent de manière froide, bien qu’il soit tout à fait juste de dire de lui qu’il cultive ce qu’Hazlitt appelle le plaisir de haïr. Mais Antoine Compagnon prend soin aussi de nous dire qu’il n’entend pas définir un type, et que la notion d’antimoderne est très contextuelle. Benda, comparé à Péguy, est un moderne. Benda est un réactionnaire, comme nombre d’antimodernes, mais un réactionnaire dreyfusard et de gauche, et même dans les années trente. Il est démocrate en politique, mais il est parfaitement réactionnaire en littérature, au point que son classicisme a souvent été comparé à celui de Maurras, et lui a valu la sympathie des gens de la NRF, du moins avant qu’il ne crache sur leur « littératurisme » dans La France byzantine. Fait important  - mais auquel il ne faut pas, à mon sens, accorder une importance disproportionnée  dans la formation de son esprit  - Benda est le seul de toute la liste de Compagnon qui soit juif. Pourtant il déteste  un bon nombre de ses contemporains juifs, qu’il s’agisse  de Bernard Lazare  dont il refuse le dreyfusisme « larmoyant », des intellectuels comme Daniel Halévy dont il dénonce la dérive droitière, de Blum en qui il ne voit qu’un esthète, ou de Proust qu’il ne semble jamais avoir lu sérieusement.  Benda n’est pas tant réactionnaire que réactif. Il a tendance à se définir sans cesse contre quelque contemporain, y compris ceux qu’il a admire: contre Barrès, contre Bergson, contre Péguy, contre Romain Rolland, contre  Gide, contre Thibaudet, contre Valéry, contre Paulhan, contre Sartre, etc. mais aussi souvent avec eux. 

      On peut trouver ce genre de figure misanthrope insupportable, et ce fut le cas pour la plupart de ses contemporains. Benda est un polémiste ardent, qui cherche, semble-t-il à se faire détester, et qui y prend manifestement plaisir, un peu comme ces enfants grognons de Maurice Sendak qui vont dans leur chambre contempler les maxi-monstres et broyer du noir, en espérant que Maman  viendra les embrasser, ou , pour prendre une autre métaphore, il est un peu comme Groucho Marx dans Horse Feathers ,  habillé en président d’université  bougon et chantant : 

I don't know what they have to say,
It makes no difference anyway,
Whatever it is, I'm against it.
No matter what it is or who commenced it,
I'm against it.

   Il fut de fait l’un des personnages les plus détestés du siècle passé – par les maurassiens comme par les marxistes - et quand on lit encore aujourd’hui ce que disent de lui Louis Albert Revah ou Alain Minc, on voit que la haine contre lui ne tarit pas. Quelques réactionnaires amis ont célébré son style scrogneugneu : Etiemble et Jean François Revel, qui rééditèrent ses livres dans les années 60, mais ils ne sont guère allés au-delà de l’idée que c’était un emmerdeur qui nous prévenait contre les maux de l’époque, une sorte de précurseur du Lepage de Marcel Aymé dans Le confort intellectuel. Benda a aussi, si l’on peut dire, été victime d’hommages de la part d’auteurs que, s’il était encore des nôtres, il aurait sans  doute flétri, pour parler comme lui, les idées et le style.  Mais le problème avec les réactionnaires est qu’on finit par les oublier parce qu’on oublie souvent ce contre quoi ils réagissent. Benda a été en partie victime du fait que l’on a oublié l’importance de Barrès et de Maurras dans la France du début du vingtième siècle, et qu'on a oublié quelle avait été la gloire de Bergson, celle de Gide. Au fur et à mesure que ces figures - et leurs doubles contemporains-  reviennent, Benda reviendra avec elles.     

     On aurait tort, cependant, de ne voir dans l’œuvre  de Benda  qu’une œuvre réactive, qui ferait de lui une sorte de sous Péguy – pour la mystique devenue politique – ou de sous Gide – pour sa conception classiciste de la littérature, dont il partage bien des articles avec lui -  ou de sous-Paulhan  - bien des thèmes des Fleurs de Tarbes  étaient anticipés par Benda , ou de sous Valéry – pour l’intellectualisme, même si l’intellectualisme de Valéry est foncièrement différent de celui de Benda, ou de sous-Thibaudet – la Trahison des clercs paraît en même temps que La république des professeurs, et le commun au deux auteurs constat du fait que les professeurs qui s’élevaient au nom de la vérité à l’époque de l’affaire Dreyfus sont devenus les cadres de la Troisième République. On a tendance à voir Benda plus comme un épigone parce qu’on a retenu de lui seulement qu’il avait été contre la plupart des courants de son temps. On fait un peu trop souvent comme s’il occupait, pour parler comme Bourdieu, dans le champ symbolique du littéraire de l’entre-deux guerres, la position d’une sorte de fou du roi, allié tantôt avec les uns, tantôt avec les autres, mais jamais ami d’aucun d’eux. Mais Benda n’était pas seulement une sorte de négatif de son époque. Il avait, sur bien des points, des positions profondes et originales, que j’ai essayé d’analyser dans mon livre, et que je ne peux ici qu’indiquer. 

      Il a d’abord, me semble-t-il, très bien vu ce qui se passait dans la philosophie de son temps. Dans la haine anti-bergsonienne qui forme le leitmotiv de son œuvre, il a parfaitement vu combien profonde avait été l’influence de Bergson même sur les courants philosophiques qui lui étaient au départ opposés. Il nous a rappelé qu’il y avait du Bergson dans Georges Sorel, dans Brunschvicg , dans Jean Wahl, dans Bachelard, dans le marxisme, dans Sartre, dans Merleau-Ponty.  Il avait bien vu en Alain une resucée du scepticisme montagnien, et suspecté dans le culte de Pascal chez ses contemporains le vieux fonds mystique. Il a combattu sans relâche le culte du devenir, du « dynamique » , du « se faisant » , du refus du « tout fait » , au nom du statisme de la raison. Sa thèse est celle de Renouvier : il y a un certain nombre d’oppositions et de problèmes constants en philosophie, qui sont le reflet des constantes de l’esprit humain. Ces constantes sont des invariants de la raison qui demeurent malgré le devenir. Thèse qui n’est pas originale, puisqu’elle forme le fond du kantisme, mais que Benda a su mettre en avant de manière originale sous la forme d’une critique de la culture de son temps.

    Ensuite, Benda a très bien vu, comme Musil à la même époque, mais aussi chez les philosophes  Brentano, Husserl et Scheler, que le problème central de la philosophie était celui des valeurs. Pas seulement les valeurs éthiques, les valeurs esthétiques, mais aussi les valeurs intellectuelles.  Quand il parle de vérité et de justice, il ne cesse d’en parler comme des valeurs « désintéressées », par quoi il désigne ce que Brentano appelait la valeur intrinsèque et ce que G.E. Moore appelait la notion non naturelle du Bien (à noter que les membres du groupe de Bloomsbury, comme Virginia et Leonard Woolf, qui étaient les disciples de Moore, s’intéressèrent beaucoup à Benda). Comme tous les grands écrivains satiristes, tels que Swift, Benda est obsédé par le problème de la bêtise, qu’il tient comme un vice non seulement cognitif, mais éthique. Benda n’assimile pourtant pas les valeurs intellectuelles aux valeurs morales. Contrairement à ce que nous avons tendance à croire, dans notre époque qui prise la morale partout mais ne cesse en même temps de dénoncer le moralisme, Benda ne moralise pas dans le domaine intellectuel. Il demande seulement que les valeurs intellectuelles, devant lesquelles les clercs sont responsables, soient respectées à leur juste valeur et dans leur sphère propre. 

      En troisième lieu, Benda a, malgré son classicisme qui semble purement et simplement faire de lui le réactionnaire des lettres du XXme siècle, le champion de l’antimodernité littéraire par excellence, des idées sur la littérature. Pas seulement parce que, comme le disait Etiemble, il eût haï la pensée et rhétorique structuraliste tout autant qu’il haïssait le belphégorisme, le culte valéryen, blanchotien  et paulhanien de la littérature pure.  Il détestait  Bataille  et Caillois, et ceux-ci le lui rendirent bien. On peut aisément parier qu’il n’ eût pas aimé le nouveau roman.  Il a d’ailleurs parfaitement vu, dès les années 40, quand il écrivait La France byzantine , le tour qu’allaient prendre les choses  pendant la seconde moitié du vingtième siècle dans le domaine littéraire. Aurait-il pris, s’il avait vécu à notre époque, place parmi les nouveaux réactionnaires des lettres dont notre époque est, tout comme les précédentes, friande ? Certes, il n’eût pas célébré, comme nous ne cessons de le faire, Céline, à qui il reprochait, alors que ce dernier avait fait de lui une de ses têtes de turc, non pas son antisémitisme, mais son culte de l’émotion et de la spontanéité de la pensée. Il eût aussi sans doute senti le toc chez les « hussards » comme Nimier ou Jacques Laurent. Aurait-il été l’ami de nos Houellebecq, Philippe Murray, Richard Millet ? Sans doute pas, car ces auteurs incarnent le pessimisme schopenhauerien et la pensée politique réactionnaire qu’il détestait. Ils pensent tous qu’avoir raison est littéraire, parce que littéraire. Benda n’a jamais pensé cela, et en particulier il n’a jamais pensé que parce qu’on est écrivain on est automatiquement dédouané de ses fautes et de ses crimes, et c’est la raison pour laquelle il prit si violemment position pour l’Epuration à la Libération, et pourquoi il ne pardonna jamais à Valéry d’avoir été anti-dreyfusard et pétainiste . En revanche Benda ne pense pas, contrairement à Gide, que ce qui est littéraire est nécessairement vague, et qu’on ne puisse pas, en littérature, avoir raison ou tort .  Mais pas parce qu’on est littéraire au sens où l’on a un beau style.  On peut avoir raison ou tort en littérature parce qu’on peut exprimer des pensées, et même qu’on le doit. Pour Benda, les vraies œuvres littéraires sont des œuvres de pensée, même si elles expriment, comme il le croyait au sujet de Montaigne ou de Proust , des pensées fausses.  Il pense que la littérature doit pouvoir contribuer à la connaissance et qu’elle a, tout comme la philosophie à répondre de la vérité, même si elle n’est ni science ni philosophie. Ici aussi il me semble qu’il faut recourir à sa conception des valeurs intellectuelles : Benda pensait qu’une oeuvre littéraire peut être juste, ou sonner juste, si elle est sensible aux bonnes valeurs. Cela ne fait pas de lui un moraliste en littérature pour autant, mais cela fait au moins de lui, comme les satiristes, un tenant de la morale de l’intellect. Il ne rend pas toujours très clair, dans ses livres en quoi la littérature a une valeur cognitive, mais il donne assez d’indications dans la France byzantine et dans un livre qu’on lit très peu, du style d’idées, sur ce que pourrait être le genre de l’essai, une fois bien compris. Ses propres tentative littéraires, cependant, ont été des échecs, que ce soient ses romans, comme l’Ordination et Les amorandes, ou ses dialogues , comme Délice d‘Eleuthère ou songe d’Eleuthère. En revanche ses mémoires, la Jeunesse d’un clerc,  Un régulier dans le siècle, et Exercice d’un enterré vif, qui ont été souvent comparées aux Mots de Sartre (et l’ont inspiré sans doute), sont son chef d’œuvre et chacun de ses grands essais,  Belphégor , la Trahison des clercs et la France byzantine, peut bien être tenu, comme des formes accomplies de la littérature d’idées. 

   Dans le domaine politique enfin, Benda est original. Il a certes beaucoup varié, de son dreyfusisme de jeunesse, de sa défense de l’union sacrée en 14, puis de son militantisme  de gauche dans les années 30 à son compagnonnage communiste de son ultime vieillesse – si l’on peut parler de jeunesse et de vieillesse chez un clerc qui aime à se décrire comme vieux dès l’âge de 6 ans, et qui a toujours pensé que la raison  valait mieux que les bonbons.  Il est original parce qu’il a, comme l’ont mieux vu que nous les italiens comme Croce et Bobbio, qui le lisaient dès les années 30, défendu avec une constance admirable une forme de républicanisme renouviérien, qui fait de lui l’un des défenseurs les plus sérieux de ce que l’on peut appeler l’individualisme démocratique français, notamment dans son grand livre de 1940, La grande épreuve des démocraties.  Certes ce qu’Antoine Compagnon appelle le « culte buté de la vérité » de Benda trouve ici ses limites. Comme le disait Aron dès sa recension de la Trahison de clercs en 1927, on ne peut pas en politique, supposer que le contraste entre le réel et l’idéal se manifeste aussi nettement que sous l’Affaire Dreyfus, ou pour reprendre l’idée de Sartre, que l’on n’ait jamais été aussi libre que sous l’occupation allemande. Il est vrai que la politique a pris, durant toute la fin du vingtième siècle, des tours tels qu’il devenait bien difficile pour les clercs de se lever pour la vérité et la justice, et de faire nettement le partage de qui a raison et qui a tort. Mais il y eu pourtant de tels moments, pendant la guerre d’Algérie, au moment de celle du Vietnam, et il y en a encore aujourd’hui. Il est loin d’être sûr que l’on doive, comme Lefort et Merleau-Ponty, défendre des formes de néo machiavélisme.

    Antoine Compagnon a raison de dire que des termes comme moderne et antimoderne sont à géométrie variable. Cela rend-il pour autant impossible de réutiliser les arguments de Benda contre les penseurs de son époque aujourd’hui ? Faut –il admettre qu’un penseur comme lui appartient irréductiblement à son époque et à nulle autre, et qu’il relève seulement de l’histoire littéraire ? J’en doute fort.  Si la littérature  - la bonne - est , comme le pensait Benda, une littérature d’idées, elle doit bien , comme toute œuvre d’idée, être capable d’exprimer des pensées dont le sens transcende le contexte historique et social dans lequel elles sont nées. En tous cas c’est ce que pensait Benda, contre un bon nombre de ses contemporains déjà convertis au culte du devenir, du contexte, du relatif, et du temporel.  Dans La pensée et le mouvant, Bergson dénonce  de manière célèbre ce qu’il appelle le mouvement rétrograde du vrai, dans lequel il identifiait une conception fausse du possible, supposé fixé avant son actualisation dans le temps. Il refuse, par exemple, l’idée qu’il y aurait du romantisme dans le classicisme. Selon ce même raisonnement, il refuserait l’idée qu’un penseur de la première moitié du vingtième siècle puisse anticiper  des pensées d’un siècle plus tard, parce que le devenir  empêche toute rétroprojection du possible. Benda trouvait cette conception bergsonienne absurde. Pour lui il y a des types éternels dans la pensée  philosophiques comme dans les œuvres littéraires. Je trouve aussi cette conception absurde. Et je voudrais, pour finir, essayer de proposer un mouvement rétrograde du vrai.  

      Bruno Latour  semble une parfaite illustration du bergsonisme quand il soutient sa fameuse inférence sur la tuberculose de Ramsès II : ce dernier n’a pas pu mourir de la tuberculose car le bacille de Koch n’avait pas encore été découvert à son époque.  Mais on peut tirer de Benda une inférence encore plus surprenante que celle de Latour, même si elle est, symétrique inverse : Benda  a en fait prédit l’avènement de la pensée post-moderne, et il a en quelque sorte prédit Bruno Latour et des penseurs du même genre, dont on aime à dire qu’ils incarnent du mieux possible notre époque. 

Ce que Benda disait en 1927 que les clercs trahissaient est devenu un siècle plus tard pour les clercs d’aujourd’hui une source de fierté :

 « Je ne pense pas en termes de « preuve », de « vérité », mais d’efficacité existentielle. » (Michel Onfray, Le monde des livres 29 oct 2004)
"Considérer le relativisme comme une injure est inouï quand on pense à l'éloge continu que l'on fait d'Einstein et de la relativité, s'insurge Bruno Latour. Le fait qu'en morale ou en droit le relativisme est une vertu appréciée rend d'autant plus étrange que le malaise s'installe dès qu'on prononce le mot. C'est la peur du relativisme qui est cause que l'on s'accroche à cette catégorie toute faite que l'on appelle le social."(LE MONDE DES LIVRES | 27.04.06) 

« Il n’y a pas de monde commun. Il n’y en a jamais eu. Le pluralisme est avec nous pour toujours. Pluralisme des cultures, oui, des idéologies, des opinions, des sentiments, des religions, des passions, mais pluralisme des natures aussi, des relations avec les mondes vivants, matériels et aussi avec les mondes spirituels. Aucun accord possible sur ce qui compose le monde, sur les êtres qui l’habitent, qui l’ont habité, qui doivent l’habiter. Les désaccords ne sont pas superficiels, passagers, dus à de simples erreurs de pédagogie ou de communication, mais fondamentaux. Ils mordent sur les cultures et sur les natures, sur les métaphysiques pratiques, vécues, vivantes, actives
(Latour, « Il n'y a pas de monde commun : il faut le composer », Multitudes, 2011/2 n° 45, p. 38-41


« Il n'y a pas à choisir entre d'un côté l'idée que la réalité existe indépendamment des humains et que les sciences seules nous y donnent accès ; et, de l'autre, l'idée que les humains ne font que projeter des images du monde. Il n'y a pas d'un côté la nature, de l'autre le social. Il y a des agents humains et non humains qui existent également en s'entre-définissant par leurs actions réciproques"

Patrice Maniglier, "Qui a peur de Bruno Latour?", LE MONDE DES LIVRES | 21.09.2012


[1] Rencontre débat avec A. Compagnon et L.Pinto, organisée par les Editions Ithaque , Faculté de théologie protestante de Paris, 2.05. 13  « Faut-il ressusciter Julien Benda » ( voir http://www.youtube.com/watch?v=FLRjPEqH1bY  )

2 commentaires:

  1. en réalité personne n'est absolument relativiste, car personne ne pense vraiment que "tout se vaut". par contre la pensée pragmatiste qui consiste à établir deux niveaux de vérité (vérité conventionnelle et vérité ultime) se trouve déjà chez le penseur bouddhiste nagarjuna dans son traité du milieu et rorty ne dit pas autre chose dans le petit livre que vous avez écrit avec lui.

    cordialement
    denis hamel

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  2. Il faut certes distinguer le relativisme du quidam ( "cela dépend", " faut voir selon le point de vue") du relativisme des philosophes ( qui ne se donne jamais comme tel en effet, car il sait que la doctrine est contradictoire ou de formulation obscure, aussi ses défenseurs préfèrent-ils parler de pluralisme; quant son rapprochement par Latour avec la théorie de la relativité einsteinienne ,cela fait plutôt rire).

    Vous parlez de pragmatisme. La définition usuelle du pragmatisme, c'est la thèse selon laquelle la vérité n'est pas un concept profond et se mesure à l'utilité et que le sens d'un énoncé se définit par ses effets sur l'action. Je ne vois pas en quoi la distinction entre vérité conventionnelle et vérité ultime serait pragmatiste: elle me semble plutôt platonicienne. Rorty me semble tout à fait pragmatiste au sens ci-dessus. Nagarjuna , je ne sais. Le pragmatisme me semble être lui aussi, bien souvent ( car j'admets qu'il y en a des versions plus ou moins subtiles) une forme de relativisme. Evidemment il y a aussi un relativisme trivial. Si je dis "J'ai faim" ce n'est vrai qu'une fois qu'on a fixé la référence de "je" et le temps. La plupart des énoncés sont indexicaux en ce sens et ne sont vrais qu'un fois qu'a fixé des paramètres.

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