Torre dei Corsari, Sardaigne
NOUS
N’AVONS JAMAIS ÉTÉ POST-MODERNES [1]
Il y a de multiples raisons de s’intéresser
à Julien Benda. Il est une figure de l’histoire littéraire, qui appartient à
cette famille d’esprits qu’Antoine Compagnon a appelés les
« antimodernes », parmi lesquels il range Chateaubriand, de Maistre,
Baudelaire, Renan, Bloy, Péguy, Maritain, Thibaudet, mais aussi Gracq, Breton
et Barthes, et dont il a dressé la liste de quelques traits qui, sans suffire à
former un type, dessinent des ressemblances de famille :
contre-révolution, rejet des Lumières, pessimisme, obsession du péché originel,
esthétique du sublime, vitupération. On voit tout de suite que nombre de ces
traits, qui peuvent convenir à un Bloy ou à un Péguy, ne conviennent pas à
Benda, qui est un défenseur ardent des Lumières et de la raison. Il est en ce
sens l’anti-Taine et l’anti-Renan, alors même qu’on a souvent vu en lui un
héritier de ceux-ci. Il n’est pas pessimiste, du moins pas au sens de Nietzsche
ou de Schopenhauer. S’il ne croit pas au progrès de la raison, à l’instar de
Renouvier et contre Comte, il croit
pourtant, en bon Aufklärer, que la raison peut et doit
nous éclairer. Bien qu’il soit souvent malebranchiste et parle, dans son Essai d’un discours cohérent sur les
rapports de Dieu et du monde d’une chute ontologique du monde infini dans
le fini, il ne croit guère au péché originel. Il déteste l’esthétique
romantique en général, et celle du sublime en particulier, et s’il
vitupère il le fait souvent de manière froide, bien qu’il soit tout à fait juste
de dire de lui qu’il cultive ce qu’Hazlitt appelle le plaisir de haïr. Mais
Antoine Compagnon prend soin aussi de nous dire qu’il n’entend pas définir un
type, et que la notion d’antimoderne est très contextuelle. Benda, comparé à
Péguy, est un moderne. Benda est un réactionnaire, comme nombre d’antimodernes,
mais un réactionnaire dreyfusard et de gauche, et même dans les années trente.
Il est démocrate en politique, mais il est parfaitement réactionnaire en
littérature, au point que son classicisme a souvent été comparé à celui de
Maurras, et lui a valu la sympathie des gens de la NRF, du moins avant qu’il ne
crache sur leur « littératurisme » dans La France byzantine. Fait important
- mais auquel il ne faut pas, à mon sens, accorder une importance
disproportionnée dans la formation de
son esprit - Benda est le seul de toute
la liste de Compagnon qui soit juif. Pourtant il déteste un bon nombre de ses contemporains juifs,
qu’il s’agisse de Bernard Lazare dont il refuse le dreyfusisme
« larmoyant », des intellectuels comme Daniel Halévy dont il dénonce
la dérive droitière, de Blum en qui il ne voit qu’un esthète, ou de Proust
qu’il ne semble jamais avoir lu sérieusement.
Benda n’est pas tant réactionnaire que réactif. Il a tendance à se
définir sans cesse contre quelque contemporain, y compris ceux qu’il a admire:
contre Barrès, contre Bergson, contre Péguy, contre Romain Rolland, contre Gide, contre Thibaudet, contre Valéry, contre
Paulhan, contre Sartre, etc. mais aussi souvent avec eux.
On peut trouver ce genre de figure
misanthrope insupportable, et ce fut le cas pour la plupart de ses
contemporains. Benda est un polémiste ardent, qui cherche, semble-t-il à se
faire détester, et qui y prend manifestement plaisir, un peu comme ces enfants
grognons de Maurice Sendak qui vont dans leur chambre contempler les
maxi-monstres et broyer du noir, en espérant que Maman viendra les embrasser, ou , pour prendre une
autre métaphore, il est un peu comme Groucho Marx dans Horse Feathers , habillé en
président d’université bougon et
chantant :
I don't
know what they have to say,
It makes no difference anyway,
Whatever it is, I'm against it.
No matter what it is or who commenced it,
I'm against it.
It makes no difference anyway,
Whatever it is, I'm against it.
No matter what it is or who commenced it,
I'm against it.
Il
fut de fait l’un des personnages les plus détestés du siècle passé – par les
maurassiens comme par les marxistes - et quand on lit encore aujourd’hui ce que
disent de lui Louis Albert Revah ou Alain Minc, on voit que la haine contre lui
ne tarit pas. Quelques réactionnaires amis ont célébré son style
scrogneugneu : Etiemble et Jean François Revel, qui rééditèrent ses livres
dans les années 60, mais ils ne sont guère allés au-delà de l’idée que c’était
un emmerdeur qui nous prévenait contre les maux de l’époque, une sorte de précurseur du Lepage de Marcel Aymé dans Le confort intellectuel. Benda a aussi, si
l’on peut dire, été victime d’hommages de la part d’auteurs que, s’il était
encore des nôtres, il aurait sans doute
flétri, pour parler comme lui, les idées et le style. Mais le problème avec les réactionnaires est
qu’on finit par les oublier parce qu’on oublie souvent ce contre quoi ils
réagissent. Benda a été en partie victime du fait que l’on a oublié
l’importance de Barrès et de Maurras dans la France du début du vingtième
siècle, et qu'on a oublié quelle avait été
la gloire de Bergson, celle de Gide. Au fur et à mesure que ces figures - et leurs doubles contemporains-
reviennent, Benda reviendra avec elles.
On aurait tort, cependant, de ne voir dans
l’œuvre de Benda qu’une œuvre réactive, qui ferait de lui une
sorte de sous Péguy – pour la mystique devenue politique – ou de sous Gide – pour
sa conception classiciste de la littérature, dont il partage bien des articles
avec lui - ou de sous-Paulhan - bien des thèmes des Fleurs de Tarbes étaient
anticipés par Benda , ou de sous Valéry – pour l’intellectualisme, même si
l’intellectualisme de Valéry est foncièrement différent de celui de Benda, ou
de sous-Thibaudet – la Trahison des
clercs paraît en même temps que La
république des professeurs, et le commun au deux auteurs constat du fait
que les professeurs qui s’élevaient au nom de la vérité à l’époque de l’affaire
Dreyfus sont devenus les cadres de la Troisième République. On a tendance à voir Benda plus comme un
épigone parce qu’on a retenu de lui seulement qu’il avait été contre la plupart
des courants de son temps. On fait un peu trop souvent comme s’il occupait,
pour parler comme Bourdieu, dans le champ symbolique du littéraire de
l’entre-deux guerres, la position d’une sorte de fou du roi, allié tantôt avec
les uns, tantôt avec les autres, mais jamais ami d’aucun d’eux. Mais Benda n’était
pas seulement une sorte de négatif de son époque. Il avait, sur bien des
points, des positions profondes et originales, que j’ai essayé d’analyser dans
mon livre, et que je ne peux ici qu’indiquer.
Il a d’abord, me semble-t-il, très bien
vu ce qui se passait dans la philosophie de son temps. Dans la haine
anti-bergsonienne qui forme le leitmotiv de son œuvre, il a parfaitement vu
combien profonde avait été l’influence de Bergson même sur les courants
philosophiques qui lui étaient au départ opposés. Il nous a rappelé qu’il y
avait du Bergson dans Georges Sorel, dans Brunschvicg , dans Jean Wahl, dans
Bachelard, dans le marxisme, dans Sartre, dans Merleau-Ponty. Il avait bien vu en Alain une resucée du scepticisme
montagnien, et suspecté dans le culte de Pascal chez ses contemporains le vieux
fonds mystique. Il a combattu sans relâche le culte du devenir,
du « dynamique » , du « se faisant » , du refus du
« tout fait » , au nom du statisme de la raison. Sa thèse est celle
de Renouvier : il y a un certain nombre d’oppositions et de problèmes
constants en philosophie, qui sont le reflet des constantes de l’esprit humain.
Ces constantes sont des invariants de la raison qui demeurent malgré le
devenir. Thèse qui n’est pas originale, puisqu’elle forme le fond du kantisme,
mais que Benda a su mettre en avant de manière originale sous la forme d’une
critique de la culture de son temps.
Ensuite, Benda a très bien vu, comme Musil
à la même époque, mais aussi chez les philosophes
Brentano, Husserl et Scheler, que le problème central de la philosophie
était celui des valeurs. Pas seulement les valeurs éthiques, les valeurs
esthétiques, mais aussi les valeurs intellectuelles. Quand il parle de vérité et de justice, il ne
cesse d’en parler comme des valeurs « désintéressées », par quoi il
désigne ce que Brentano appelait la valeur intrinsèque et ce que G.E. Moore
appelait la notion non naturelle du Bien (à noter que les membres du groupe de
Bloomsbury, comme Virginia et Leonard Woolf, qui étaient les disciples de Moore,
s’intéressèrent beaucoup à Benda). Comme tous les grands écrivains satiristes,
tels que Swift, Benda est obsédé par le problème de la bêtise, qu’il tient
comme un vice non seulement cognitif, mais éthique. Benda n’assimile pourtant
pas les valeurs intellectuelles aux valeurs morales. Contrairement à ce que
nous avons tendance à croire, dans notre époque qui prise la morale partout
mais ne cesse en même temps de dénoncer le moralisme, Benda ne moralise pas
dans le domaine intellectuel. Il demande seulement que les valeurs
intellectuelles, devant lesquelles les clercs sont responsables, soient
respectées à leur juste valeur et dans leur sphère propre.
En troisième lieu, Benda a, malgré son
classicisme qui semble purement et simplement faire de lui le réactionnaire des
lettres du XXme siècle, le champion de l’antimodernité littéraire par
excellence, des idées sur la littérature. Pas seulement parce que, comme le
disait Etiemble, il eût haï la pensée et rhétorique structuraliste tout autant
qu’il haïssait le belphégorisme, le culte valéryen, blanchotien et paulhanien de la littérature pure. Il détestait
Bataille et Caillois, et ceux-ci
le lui rendirent bien. On peut aisément parier qu’il n’ eût pas aimé le nouveau
roman. Il a d’ailleurs parfaitement vu,
dès les années 40, quand il écrivait La
France byzantine , le tour qu’allaient prendre les choses pendant la seconde moitié du vingtième siècle
dans le domaine littéraire. Aurait-il pris, s’il avait vécu à notre époque,
place parmi les nouveaux réactionnaires des lettres dont notre époque est, tout
comme les précédentes, friande ? Certes, il n’eût pas célébré, comme nous
ne cessons de le faire, Céline, à qui il reprochait, alors que ce dernier avait
fait de lui une de ses têtes de turc, non pas son antisémitisme, mais son culte
de l’émotion et de la spontanéité de la pensée. Il eût aussi sans doute senti
le toc chez les « hussards » comme Nimier ou Jacques Laurent. Aurait-il été l’ami de nos
Houellebecq, Philippe Murray, Richard Millet ? Sans doute pas, car ces
auteurs incarnent le pessimisme schopenhauerien et la pensée politique
réactionnaire qu’il détestait. Ils pensent tous qu’avoir raison est littéraire, parce que littéraire. Benda n’a jamais
pensé cela, et en particulier il n’a jamais pensé que parce qu’on est écrivain
on est automatiquement dédouané de ses fautes et de ses crimes, et c’est la
raison pour laquelle il prit si violemment position pour l’Epuration à la
Libération, et pourquoi il ne pardonna jamais à Valéry d’avoir été
anti-dreyfusard et pétainiste . En revanche Benda ne pense pas, contrairement à
Gide, que ce qui est littéraire est nécessairement vague, et qu’on ne puisse
pas, en littérature, avoir raison ou tort .
Mais pas parce qu’on est littéraire au sens où l’on a un beau
style. On peut avoir raison ou tort en
littérature parce qu’on peut exprimer des pensées, et même qu’on le doit. Pour
Benda, les vraies œuvres littéraires sont des œuvres de pensée, même si elles
expriment, comme il le croyait au sujet de Montaigne ou de Proust , des pensées
fausses. Il pense que la littérature
doit pouvoir contribuer à la connaissance et qu’elle a, tout comme la
philosophie à répondre de la vérité, même si elle n’est ni science ni
philosophie. Ici aussi il me semble qu’il faut recourir à sa conception des
valeurs intellectuelles : Benda pensait qu’une oeuvre littéraire peut être
juste, ou sonner juste, si elle est sensible aux bonnes valeurs. Cela ne fait
pas de lui un moraliste en littérature pour autant, mais cela fait au moins de
lui, comme les satiristes, un tenant de la morale de l’intellect. Il ne rend
pas toujours très clair, dans ses livres en quoi la littérature a une valeur
cognitive, mais il donne assez d’indications dans la France byzantine et dans un livre qu’on lit très peu, du style d’idées, sur ce que pourrait
être le genre de l’essai, une fois bien compris. Ses propres tentative
littéraires, cependant, ont été des échecs, que ce soient ses romans, comme l’Ordination et Les amorandes, ou ses dialogues , comme Délice d‘Eleuthère ou songe
d’Eleuthère. En revanche ses mémoires, la
Jeunesse d’un clerc, Un régulier dans le siècle, et Exercice d’un enterré vif, qui ont été
souvent comparées aux Mots de Sartre
(et l’ont inspiré sans doute), sont son chef d’œuvre et chacun de ses grands
essais, Belphégor , la Trahison des
clercs et la France byzantine, peut bien être tenu, comme des formes accomplies
de la littérature d’idées.
Dans le domaine politique enfin, Benda est
original. Il a certes beaucoup varié, de son dreyfusisme de jeunesse, de
sa défense de l’union sacrée en 14, puis de son militantisme de gauche dans les années 30 à son
compagnonnage communiste de son ultime vieillesse – si l’on peut parler de
jeunesse et de vieillesse chez un clerc qui aime à se décrire comme vieux dès
l’âge de 6 ans, et qui a toujours pensé que la raison valait mieux que les bonbons. Il est original parce qu’il a, comme l’ont
mieux vu que nous les italiens comme Croce et Bobbio, qui le lisaient dès les
années 30, défendu avec une constance admirable une forme de républicanisme
renouviérien, qui fait de lui l’un des défenseurs les plus sérieux de ce que
l’on peut appeler l’individualisme démocratique français, notamment dans son
grand livre de 1940, La grande épreuve
des démocraties. Certes ce
qu’Antoine Compagnon appelle le « culte buté de la vérité » de Benda
trouve ici ses limites. Comme le disait Aron dès sa recension de la Trahison de
clercs en 1927, on ne peut pas en politique, supposer que le contraste entre le
réel et l’idéal se manifeste aussi nettement que sous l’Affaire Dreyfus, ou
pour reprendre l’idée de Sartre, que l’on n’ait jamais été aussi libre que sous
l’occupation allemande. Il est vrai que la politique a pris, durant toute la
fin du vingtième siècle, des tours tels qu’il devenait bien difficile pour les
clercs de se lever pour la vérité et la justice, et de faire nettement le
partage de qui a raison et qui a tort. Mais il y eu pourtant de tels moments,
pendant la guerre d’Algérie, au moment de celle du Vietnam, et il y en a encore
aujourd’hui. Il est loin d’être sûr que l’on doive, comme Lefort et
Merleau-Ponty, défendre des formes de néo machiavélisme.
Antoine Compagnon a raison de dire que des
termes comme moderne et antimoderne sont à géométrie variable. Cela rend-il
pour autant impossible de réutiliser les arguments de Benda contre les penseurs
de son époque aujourd’hui ? Faut –il admettre qu’un penseur comme lui
appartient irréductiblement à son époque et à nulle autre, et qu’il relève
seulement de l’histoire littéraire ? J’en doute fort. Si la littérature - la bonne - est , comme le pensait Benda,
une littérature d’idées, elle doit bien , comme toute œuvre d’idée, être
capable d’exprimer des pensées dont le sens transcende le contexte historique
et social dans lequel elles sont nées. En tous cas c’est ce que pensait Benda,
contre un bon nombre de ses contemporains déjà convertis au culte du devenir,
du contexte, du relatif, et du temporel.
Dans La pensée et le mouvant,
Bergson dénonce de manière célèbre ce
qu’il appelle le mouvement rétrograde du vrai, dans lequel il identifiait une
conception fausse du possible, supposé fixé avant son actualisation dans le
temps. Il refuse, par exemple, l’idée qu’il y aurait du romantisme dans le
classicisme. Selon ce même raisonnement, il refuserait l’idée qu’un penseur de
la première moitié du vingtième siècle puisse anticiper des pensées d’un siècle plus tard, parce que
le devenir empêche toute rétroprojection
du possible. Benda trouvait cette conception bergsonienne absurde. Pour lui il
y a des types éternels dans la pensée
philosophiques comme dans les œuvres littéraires. Je trouve aussi cette
conception absurde. Et je voudrais, pour finir, essayer de proposer un
mouvement rétrograde du vrai.
Bruno Latour semble une parfaite illustration du
bergsonisme quand il soutient sa fameuse inférence sur la tuberculose de Ramsès
II : ce dernier n’a pas pu mourir de la tuberculose car le bacille de Koch
n’avait pas encore été découvert à son époque.
Mais on peut tirer de Benda une inférence encore plus surprenante que
celle de Latour, même si elle est, symétrique inverse : Benda a en fait prédit l’avènement de la pensée
post-moderne, et il a en quelque sorte prédit Bruno Latour et des penseurs du
même genre, dont on aime à dire qu’ils incarnent du mieux possible notre
époque.
Ce
que Benda disait en 1927 que les clercs trahissaient est devenu un siècle plus
tard pour les clercs d’aujourd’hui une source de fierté :
« Je ne pense pas en termes de « preuve »,
de « vérité », mais d’efficacité existentielle. » (Michel
Onfray, Le monde des livres 29 oct 2004)
"Considérer
le relativisme comme une injure est inouï quand on pense à l'éloge continu que
l'on fait d'Einstein et de la relativité, s'insurge Bruno Latour. Le fait qu'en
morale ou en droit le relativisme est une vertu appréciée rend d'autant plus
étrange que le malaise s'installe dès qu'on prononce le mot. C'est la peur du
relativisme qui est cause que l'on s'accroche à cette catégorie toute faite que
l'on appelle le social."(LE MONDE DES LIVRES |
27.04.06)
« Il
n’y a pas de monde commun. Il n’y en a jamais eu. Le pluralisme est avec nous
pour toujours. Pluralisme des cultures, oui, des idéologies, des opinions, des
sentiments, des religions, des passions, mais pluralisme des natures aussi, des
relations avec les mondes vivants, matériels et aussi avec les mondes
spirituels. Aucun accord possible sur ce qui compose le monde, sur les êtres
qui l’habitent, qui l’ont habité, qui doivent l’habiter. Les désaccords ne sont
pas superficiels, passagers, dus à de simples erreurs de pédagogie ou de
communication, mais fondamentaux. Ils mordent sur les cultures et sur les natures,
sur les métaphysiques pratiques, vécues, vivantes, actives
(Latour,
« Il n'y a pas de monde commun : il faut le composer », Multitudes,
2011/2 n° 45, p. 38-41
« Il
n'y a pas à choisir entre d'un côté l'idée que la réalité existe indépendamment
des humains et que les sciences seules nous y donnent accès ; et, de l'autre,
l'idée que les humains ne font que projeter des images du monde. Il n'y a pas
d'un côté la nature, de l'autre le social. Il y a des agents humains et non
humains qui existent également en s'entre-définissant par leurs actions réciproques"
Patrice
Maniglier, "Qui a peur de Bruno Latour?", LE MONDE DES LIVRES | 21.09.2012
[1] Rencontre débat avec A. Compagnon et L.Pinto, organisée par les
Editions Ithaque , Faculté de théologie protestante de Paris, 2.05. 13 « Faut-il ressusciter Julien
Benda » ( voir http://www.youtube.com/watch?v=FLRjPEqH1bY
)
en réalité personne n'est absolument relativiste, car personne ne pense vraiment que "tout se vaut". par contre la pensée pragmatiste qui consiste à établir deux niveaux de vérité (vérité conventionnelle et vérité ultime) se trouve déjà chez le penseur bouddhiste nagarjuna dans son traité du milieu et rorty ne dit pas autre chose dans le petit livre que vous avez écrit avec lui.
RépondreSupprimercordialement
denis hamel
Il faut certes distinguer le relativisme du quidam ( "cela dépend", " faut voir selon le point de vue") du relativisme des philosophes ( qui ne se donne jamais comme tel en effet, car il sait que la doctrine est contradictoire ou de formulation obscure, aussi ses défenseurs préfèrent-ils parler de pluralisme; quant son rapprochement par Latour avec la théorie de la relativité einsteinienne ,cela fait plutôt rire).
RépondreSupprimerVous parlez de pragmatisme. La définition usuelle du pragmatisme, c'est la thèse selon laquelle la vérité n'est pas un concept profond et se mesure à l'utilité et que le sens d'un énoncé se définit par ses effets sur l'action. Je ne vois pas en quoi la distinction entre vérité conventionnelle et vérité ultime serait pragmatiste: elle me semble plutôt platonicienne. Rorty me semble tout à fait pragmatiste au sens ci-dessus. Nagarjuna , je ne sais. Le pragmatisme me semble être lui aussi, bien souvent ( car j'admets qu'il y en a des versions plus ou moins subtiles) une forme de relativisme. Evidemment il y a aussi un relativisme trivial. Si je dis "J'ai faim" ce n'est vrai qu'une fois qu'on a fixé la référence de "je" et le temps. La plupart des énoncés sont indexicaux en ce sens et ne sont vrais qu'un fois qu'a fixé des paramètres.