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vendredi 16 juillet 2021

Radio days

 

TSF 1950



Vers 13h15, depuis les années 50, tous les jours, ma grand mère ouvrait sa TSF et écoutait La minute de Saint Granier, qui s'appelait aussi La minute de bon sens. C'est ainsi que très jeune j'ai appris ce qu'était le bon sens. Mais comme je n'en avais pas encore, je n'avais aucun moyen de le reconnaître. A part cette fugace minute, je n'ai jamais eu accès dans mon enfance à la culture radiophonique, encore moins à la grande musique, et ce n'est qu'avec la vague yéyé que j'eus vaguement conscience de l'existence d'une musique populaire.  Mais les lecteurs de Tintin et de Pilote ( et Georges Perec ) savaient qui était Zappy Max. Plus tard encore, la voix de Lucien Jeunesse était devenue canonique.

En ce temps là, les hommes de radio avaient une voix théâtrale: il parlaient haut et fort, lentement, et articulaient, souvent à la limite du chevrotant, alors qu'aujourd'hui on parle très vite en avalant les mots, comme pour saturer l'espace sonore. On ne dit pas nécessairement des choses plus intelligentes, mais on donne l'impression de dire beaucoup, alors qu'on ne dit rien. Onfray ou Finkielkraut, Pivot jadis ou les commentateurs politiques de BFM TV disent-ils réellement plus que ce que disait Saint Granier dans sa minute? 

A la fin de sa vie, Benda est allé assez souvent à la radio. Il a plus le ton de Saint Granier que celui de Sacha Guitry, mais quand il dialogue, il reprend un rythme normal. Le ton de la causerie radiophonique est un peu celui de la conférence, où le conférencier lit un papier. On mesure à quel point on est passé d'une culture écrite à une culture visuelle, où les mots doivent mimer les gestes et les mouvements du corps plutôt que l'inverse. 

Il y a des entretiens célèbres avec Léautaud , transcrits ici qui ont été assez commentés, et une série de 12 entretiens avec Pierre Sipriot, colloques d'un clerc, 1953 (INA). 

Mais il y a aussi une émission de 1949, récemment passée (15/07/21) sur France culture, "Julien Benda qui êtes vous?" qui est très vive et substantielle, et où il a l'occasion de parler , outre de lui-même, son sujet favori, de la nouvelle physique, ainsi que de brocarder Bachelard . Il y est tout sauf gâteux.