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dimanche 27 octobre 2013

Bouvard et Pécuchet font un MOOC







 (sur une idée de Fréderic Nef)



     La saison avait été pluvieuse comme jamais en pays normand, et Bouvard et Pécuchet avaient passé l’automne au coin du feu à l’abri. La moindre sortie occasionnait des rhumes, et l’humidité suintait dans la maison dès qu’on s’éloignait de la cuisinière ou de la cheminée. Si on poussait au dehors, on revenait trempé. Pécuchet pourtant ne négligeait jamais d’aller chercher le journal chez le postillon, et il avait à chaque fois l’occasion de voir dans l’échoppe des citoyens absorbés par des écrans, soit d’i-phone, soit de tablettes lumineuses. Dès qu’il vit cela, il fut révulsé et revint à  Chavignolles en colère.

-            « Ces gens ont toute la journée le nez fourré dans des écrans ! Ils n’ouvraient déjà pas de livres, et à présent les voilà en train de browser et de surfer toute la sainte journée ! C’est la ruine de la culture ! La ruine des Humanités ! Qu’aurait-on dit si Erasme, Rabelais, Voltaire, même Rousseau, avaient eu le nez tout le temps sur des écrans ! Que serait notre culture aujourd’hui ! Rousseau aurait-il pu faire ses promenades, penché sans cesse sur son i-phone, Voltaire aurait-il pu à Ferney accepter que ses hôtes s’absorbassent, en pleine conversation civilisée, dans la lecture d’un mobile, comme on le vit récemment faire à Monsieur de Sarkozy sous le nez même du Saint Père Benoît XVI dans Saint Jean de Latran ?
-          Tu as tort, lui dit Bouvard ! L’internet, les écrans, les lucarnes, les tablettes, sont un extraordinaire moyen d’éducation et de culture ! Tout ce que nous avons lu dans de coûteuses encyclopédies que nous faisions venir de Caen ou de Falaise est à présent à portée d’un clic. Tout le savoir humain est dans notre poche ! Quel formidable moyen d’élévation des foules ! C’est le futur ! Ce sont les Humanités numériques, bien plus humanistes encore que celles des humanistes de la Renaissance !
-          Parlons-en ! Dès que je vais dans le vallon, mon i-phone cesse de marcher, et le signal ne va pas jusque dans les combes ! Quand je consulte des traductions de L’Iliade, elles sont toutes vieillottes et fausses ! Et j’ai beau ouvrir n’importe quel site, je ne fais que tomber sur des réclames ou de la pornographie !
-          L’internet c’est le Diable ! renchérit l’abbé Jeufroy, qui venait d’entrer dans la salle à manger et avait surpris une partie de la conversation. Je suis bien d’accord avec vous, Pécuchet.
-           Pas du tout !  interpella Bouvard. Vous n’êtes pas obligé de vous attarder quand vous voyez des scènes d’inceste ou d’orgie. Vous êtes libre de surfer comme vous le voulez, et vous y trouvez tout le savoir humain. Vous devriez, Monsieur l’abbé, regarder les pages Wikipédia sur la Bible. Elles sont excellentes, et vous devriez les faire lire par vos enfants du catéchisme.
-          Pour y lire que Marie Madeleine avait couché avec Jésus, ou que celui-ci n’a jamais fait de miracle à la Piscine probatique ! Merci bien !
-          Bien sûr, répartit Bouvard, il y a quelques erreurs, mais le nombre des informations vraies l’emporte sur celui des fausses. Rendez-vous compte, on a tout le savoir du monde sous la main. Il y a même sans doute une notice sur vous dans Wikipedia
-          Pardi ! C’est même moi qui l’ai écrite. Je l’ai d’ailleurs réduite au minimum, pour ne pas donner l’impression que j’étais plus important que Félix Dupanloup, qui n’a pourtant droit qu’à une vingtaine de lignes. »
       Bouvard eut du mal à convaincre Pécuchet de l’intérêt d’internet. Ce dernier regimbait, il se considérait comme le dépositaire de l’ancienne culture, celle qu’on trouve dans les livres. Il vantait, citant le poète,  les longues soirées d’hiver au coin du feu, un volume à la main, le chat «  puissant et doux, orgueil de la maison » aimé des « savants austères » et ronronnant sur leurs in-folios: comment pourrait-on avoir la même sensation avec une liseuse Kindle ou un écran ? Il invoquait l’odeur du papier, le velouté des pages, le plaisir de les couper, la contemplation des volumes rangés dans la bibliothèque. Il invoqua Borgès et la bibliothèque de Babel, et les Grands Résistants à la Barbarie numérique : Alain Finkielkraut, qui malgré sa présence permanente sur les ondes et les lucarnes, n’a, dit-on, ni ordinateur ni téléphone portable ; Alberto Manguel, qui vit reclus dans une ferme bourguignonne au milieu des livres ; Roberto Casati et Raffaele Simone, opposants à la Colonisation Numérique. Il pestait contre la civilisation de l’image, de la vitesse, le papillonnage sur internet, la dispersion sur les sites et les hyper-textes, en leur opposant la concentration, la patience, la linéarité de l’écrit, la sagesse des vieux livres.  
Bouvard haussait les épaules. « La Petite Poucette » aura raison des « Grand-Papas Ronchons ». Ce sont les jeunes qui vivent le mieux cette mutation du savoir. Regardez-les, ils sont sans cesse branchés. Crois-tu qu’ils en savent moins que les grands ados dadais de la génération précédente ? Pas du tout. En tweetant, on apprend sans cesse, bien plus qu’en s’ennuyant sur des bancs d’école ou d’université, face à des profs grincheux et ennuyeux.
    Un jour, en cliquant sur un site presque par hasard, Bouvard eut vent des MOOCS. Il passa plusieurs jours collé à son écran : on ne le voyait plus sortir. Pécuchet s’inquiétait. Il le croyait déjà sur Facebook, à guetter les « friends » qui cliqueraient sur ses « posts » où il racontait sa vie dans la campagne normande, mettait des photos de son chien et racontait ses moindres aventures culinaires. Mais Bouvard n’était pas sur Facebook. Il traîna Pécuchet devant l’écran. 
-          « Comme tu vois,  les MOOCs, ce sont des cours universitaires en ligne libres, massifs  et gratuits ! Pas besoin d’aller écouter en amphithéâtre les cours de l’Université de Caen, ou de ses antennes de Falaise et de Bayeux, avec leurs professeurs barbants ! Même pas besoin d’aller écouter Michel Onfray sur place, d’affréter des autos pour se rendre aux cours de l’Université Populaire du Bocage ! Il vient à vous sur les écrans !
-          Je te ferai remarquer que j’ai depuis longtemps Onfray en cassette et en CD, et que je me le repasse en boucle, lui dit Pécuchet.
-          Mais mon pauvre Pécuchet, si tu regardais les MOOCs, tu n’aurais plus besoin de ton Onfray ! »
 
   Pécuchet contempla donc le programme de plusieurs MOOCs sur la plateforme Coursenligne. On y voyait des professeurs avenants, souriants, décontractés, proposant avec compétence et brio des introductions à tous les sujets universitaires ou à peu près, mais aussi à quantité d‘autres, moins académiques. Il cliqua sur un cours de mécanique quantique, qui l’attira surtout parce que l’enseignante était jolie, puis sur un cours de guitare de jazz, puis sur un autre qui disait tout sur les manières de repérer l’Alzheimer chez son conjoint, et encore sur un autre consacré aux guerres Médiques, et enfin sur un cours dont le sujet était Calvin. Il les jugea tous fort bien faits. Il en suivit bientôt près d’une quinzaine en parallèle. Dans certains cas, il fallait payer, mais uniquement quand on parvenait à un niveau avancé. Il fallait bien aussi faire à certains moments des exercices. Mais ce n’était pas très fatigant. Il suffisait de répondre, de temps à autre, à quelques questions. Et quand on collait, les autres répondaient pour vous. Il ne termina pas le cours de mécanique quantique, ni celui de guitare jazz, mais il compléta avec succès celui sur les guerres médiques. Il était incollable sur Darius, Marathon, les Thermopyles, Salamine, même si, à un moment dans les questions, il confondit le roi Xerxès avec le vin de Xérès. A la fin, il reçut un certificat électronique, attestant qu’il avait suivi dix séances. Il se crut en possession d’un diplôme. Il était ravi. 
   Après plusieurs semaines, Pécuchet eut une idée, qu’il confia à Bouvard : « Et si nous faisions notre propre MOOC ? » Après tout, avança-t-il, cela ne semble pas si difficile. Ce qui leur plaisait particulièrement était le fait que les MOOCs étaient gratuits, que le moindre Malgache dans sa brousse, le moindre Malaisien sur des îles reculées, ou que les pêcheurs du Mozambique allaient pouvoir y accéder. Cette démocratie mondiale les enchantait. Ils s’y mirent. 
    Ils cherchèrent d’abord sur quoi faire le MOOC. Sur l’un des sujets qu’ils avaient pratiqué jadis ? L’agriculture ? La chimie ? L’astronomie ? Le droit ? Ils en étaient lassés. Ou bien sur des sujets plus spécialisés tels que l’Histoire du Calvados, la fabrication du  cidre ou celle des tripes à la mode de Caen ? Ces sujets leurs parurent trop triviaux. Après une semaine de recherches sur internet, ils se décidèrent pour un MOOC sur la pensée française contemporaine. C’était, après tout, un sujet d’intérêt mondial, sur lequel ils se sentaient quelques compétences, pour avoir suivi l’Université populaire de Michel Onfray, lu quelques livres de Luc Ferry et les chroniques de Libération et du Monde
    Mais par où commencer ? Fallait-il partir de la Libération, de l’existentialisme, de Camus, qui revenait à la mode ?  Ce dernier plaisait beaucoup à Pécuchet, parce qu’il tempérait la révolte incarnée par Sartre. Bouvard trouvait ce dernier plus profond, et aimait sa théorie selon laquelle on est jeté dans le monde et responsable de sa liberté. Mais fallait-il parler de Derrida, auquel on ne comprenait rien, de Deleuze, que tout le monde trouvait génial, mais dont le vocabulaire lacano-spinozo-gauchiste rebutait ? Pécuchet refusa, au motif que ses livres sentaient trop leur situationnisme nietzschéen. Parlerait-on de Levinas, qui conciliait Totalité et Infini ?  Bouvard trouva que cela sentait un peu trop le Talmud. Foucault emportait leur adhésion commune. Mais que de dire de lui comme philosophe à part le fait qu’il avait critiqué le pouvoir et les prisons, prôné une sexualité libérée ? Et ne fallait-il pas aussi inclure des penseurs comme Althusser, figure de proue du marxisme, dont on ne comprenait pas bien, toutefois,  à quoi il avait pu contribuer, mais aussi de penseurs plus spiritualistes comme Jean Guitton ou Jankélévitch ? La tâche leur parut trop ardue.  Et puis il aurait fallu, pour comprendre tous ces auteurs, remonter à Hegel, à Nietzsche,  à Marx, voire à Bergson - et qui sait même -  à Kant, mais aussi lire Lacan, Husserl, Heidegger, ce qui leur donnait le tournis. Ils ne voyaient décidément pas comment mettre tout cela en ordre. 
    Ils se décidèrent pour un MOOC sur la philosophie française directement contemporaine, celle des vingt dernières années. C’était plus simple, et c’était le sujet qui avait le plus de chances d’attirer les étudiants du monde entier. Il suffisait de lire les journaux, d’aller sur internet, de parcourir les devantures des libraires. Ils firent une visite à la librairie le Bouillon de culture à Caen, en revinrent avec une caisse de livres des essayistes du moment, et se mirent à lire leurs livres (ceux qu’ils ne trouvaient pas à Caen, ils les commandèrent sur Amazon). Ils lurent plusieurs numéros du Nouvel Observateur sur Les grands penseurs contemporains – dont les listes différaient peu à dix années de distance –    et consultèrent les listes sur Wikipedia, rassurés par le fait que l’on y retrouvât bien toujours les mêmes noms : Alain Finkielkraut, Luc Ferry, Michel Onfray, Alain Badiou, Bernard Henri Lévy,  Jean Luc Marion, Ruwen Ogien, François Laruelle, Barbara Cassin, Marcel Gauchet, Alain Renaut, et des figures plus mineures. Ils hésitèrent sur Pascal Bruckner et Todorov, mais les jugèrent plus littéraires. Certaines listes incluaient bien Zizek ou  Sloterdjik, mais ils les exclurent car non français. On leur conseilla Tristan Garcia, mais ils hésitèrent à nouveau, attendant, tel Alphonse Allais, qu'on aille à la poste hériter. Grâce à un ouvrage qui décrivait l’évolution de la pensée française et ses « moments », et quelques volumes d’entretiens, ils parvinrent à boucler leur plan. Pécuchet aurait voulu consulter des professeurs de philosophie de l’Académie de Caen. Mais Bouvard l’en dissuada : « Ce ne sont que des ignorants, des profs, d’ailleurs jaloux du succès médiatique de leurs collègues ». Pécuchet, qui avait lu les diatribes d’Onfray  contre la philosophie universitaire, acquiesça. Au bout d’un mois, ils avaient un « script ».  Mais il fallait tourner le MOOC, prendre avis, et surtout lui trouver une plateforme. Ils firent venir de Caen un cinéaste amateur, qui avait jadis tourné avec Rohmer comme  adjoint de Nestor Almendros sur le film L'Arbre, le maire et la médiathèque. On commença le tournage, dans la salle à manger de la ferme, puis, comme le décor était un peu rustique, on dut installer l’ancienne écurie, repeindre les murs à la chaux pour faire un fond d’écran plus clair.   
    On enregistra huit séances, ce qui prit plus de deux mois. Car il leur fallait jouer comme des acteurs, apprendre par cœur des passages entiers de Luc Ferry, de Badiou ou de Michel Onfray, voire de Quentin Meillassoux. Ils se les récitaient le soir avant de s’endormir. Les passages de Jean Luc Marion furent particulièrement durs à apprendre. Pécuchet s’emmêlait dans ses notes, mais il parvenait parfois à se lancer, et il se trouvait bon sur les rushes. Plusieurs fois le cinéaste fit défaut, il se disait retenu à Paris. Son assistant faisait l’affaire, et Bouvard s’essaya même à filmer les séances où Pécuchet parlait d’abondance. Mais on finit par avoir tout sur video. 
    Les podcasts achevés, il fallut trouver une plateforme. Ils furent surpris d’apprendre, en s’adressant à Coursenligne qu’il fallait payer une somme conséquente, et même un abonnement (mais qui se réduirait si le MOOC avait du succès), et aussi avoir une affiliation universitaire. Ils durent aller voir la présidente de l’Université de Caen qui, craignant d’engager son établissement, leur accorda avec réticence le droit de faire figurer le MOOCs sous la rubrique « Antenne universitaire de Falaise ». 
     Le grand jour arriva. On convia tout le village à visionner le MOOC. Un panneau avait même été apposé à l'entrée de Chavignolles, qui pointait mystérieusement vers " Mouque deuxième à droite", mystère redoublé par le fait qu'un plaisantin des cités voisines avait rayé la direction et ajouté "ta mère").

    Madame Bordin vint accompagnée de sa cuisinière, Marianne, Marescot de sa femme, Vaucorbeil de son domestique, l’abbé Fleuroy du bedeau, Larsonneur, et même les valets de ferme de Madame Castillon furent invités. Quelques assistants des Universités populaires de Caen étaient là, un peu à l'affût. 

     Pour ne pas leur faire visionner un grand écran, comme dans les patronages, et pour restituer l’ambiance qui doit être celle des consultations internet, on leur distribua à tous des tablettes, qu’ils posèrent sur leurs genoux. Comme bien peu savaient comment les opérer, Bouvard passait des uns aux autres pour actionner les machines. Nombre d'entre elles étaient mal synchronisées, tant et si bien qu’au démarrage de la séance test du MOOC, certains en étaient déjà à Luc Ferry, quand d’autres en étaient encore à écouter la présentation par Bouvard de la pensée de Finkielkraut.  Le résultat était mitigé. L’éclairage des sessions du MOOC n’avantageait pas Bouvard, dont les rougeurs sur le visage apparaissaient à plein sous la lumière du projecteur. Il avait mis sa chemise la plus propre, au col grand ouvert, pour avoir l’air un peu d’un BHL, mais elle dépassait de son pantalon, et ses bretelles lui donnaient l’air d’un joueur d’accordéon sorti tout droit d’un bal musette. Quant à Pécuchet, il bafouillait sur quasiment tous les podcast, et on le voyait souvent consulter ses notes. Les videos étaient mal cadrées,le son souvent déficient, filmées comme des souvenirs de vacances ratés. Pis que tout :  on n’y comprenait rien. Ils avaient beau présenter les grands penseurs, on ne voyait pas ce qu’ils avaient en commun. On retenait qu’ils étaient révoltés, mais on ne voyait pas contre quoi, critiques impitoyables de leur temps, mais on peinait à comprendre pourquoi ils l’étaient à ce point, tant ils énonçaient des banalités qu’on aurait pu trouver dans n’importe quel journal. Il y avait  quand même quelques signes encourageants. L’abbé Fleuroy, qui s’était endormi sur sa tablette, se réveilla quand il entendit dire que la pensée de Luc Ferry introduisait un dialogue spirituel mais laïc avec l’Eglise. Il chercha à faire backwards sur son podcast, mais n'y parvint pas.  Il pestait contre la technique. Madame Bordin s’enthousiasma d’apprendre que Bernard-Henri Lévy avait à la fois la stature de Malraux, ayant mené, comme lui, des campagnes militaires victorieuses, et celle d’un humaniste de la Renaissance, ayant dirigé des expositions sur la vérité et la peinture. Marescot appréciait le pessimisme de Finkielkraut, et l’exposé de la pensée contestataire d’Onfray fit l’unanimité. Mais l’ensemble était décousu, confus et mal ficelé, et au moment où, dans le MOOC, les « apprenants » durent répondre à des questions comme dans un quizz, pour tester leurs connaissances, ils confondirent la non-philosophie de Laruelle avec les certitudes négatives de Marion, et crurent que  Gorgias était contemporain de Barbara Cassin, et Germaine s'étonnait de ce qu' Hypathie soit une néoplatonicienne et pas une cynique comme Hypparchia. 
    Bouvard pourtant ne se décourageait pas. « Cela ne veut rien dire », trancha-t-il, la valeur d’un MOOC ne se mesure pas aux réactions d’une poignée d’apprenants dans un village du Calvados, mais au nombre de gens qui vont le pratiquer sur internet, en accédant à la plateforme ! Il contemplait déjà en pensée les Africains qui, dans le désert du Mali ou les banlieues de Cocody, allaient s’instruire grâce à lui, les Américains du Nord, privés d’introductions aux grands penseurs français, qui allaient faire le succès du MOOC de Kansas City à San Diego.  Avec leur plateforme performante, bientôt ils allaient replacer l’Université de Falaise au centre de la carte académique mondiale. 
    Ils se remirent au travail, prenant des notes pour un MOOC sur la littérature française contemporaine, et déjà se plongeaient dans Amélie Nothomb, Anna Gavalda et Marc Lévy, quelquefois dans Pascal Quignard ou dans Patrick Modiano, avec délice.

17 commentaires:

  1. Excellent! il en manque quand même quelques uns dans la liste... Michel Serres... Comte-Sponville...

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  2. Michel Serres est évoqué via sa Poucette.

    Comte Sponville est en effet injustement négligé par B & C, qui avaient manqué un numéro du Nouvel Obs cette saison là. L'histoire ne dit pas si les Moocs peuvent être changés pour errata comme on le fait pour les manuscrits ou comme on corrige via photoshop les photos.

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    1. Dès lors que tout est vu sous l’œil prudhommesque de Bouvard et Pécuchet, qui, au juste, pourrait bien échapper au ridicule ?
      Au-delà de l'habile exercice de style, que cherche-t-on ici à prouver ? De qui se MOOC-t-on ?

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    2. Ma réaction n'est, en effet, pas plus argumentée que celle, par exemple, qui s'est montrée favorable à ce talentueux pastiche auquel, dois-je le préciser, j'ai pris un réel plaisir, sans aucune flagornerie. C'est peut-être par là que j'aurais dû commencer pour que les quelques lignes que j'ai hasardées ne s'exposent pas à une riposte qui me paraît singulièrement disproportionnée au regard de sa cause. Mais cela n'a guère d'importance et fait partie des mœurs bloggeuses ordinaires, je présume...
      Voilà donc une tentative de "bon" mot (les guillemets s'imposent) qui se solde par un échec. D'autant plus cuisant que, loin de défendre quelque MOOC que ce soit, je n'en ai appris l'existence que grâce à Bouvard et Pécuchet, version 2013.
      Lèverais-je suffisamment l'anonymat derrière lequel on me soupçonne ici de m'abriter par lâcheté, si je signe Arnaud M. une fois de plus ?

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    3. Cher A.M.

      Le genre du blog sans doute crée-t-il des situations de ce genre. Je blogue, un peu comme Celia chie, et bloguer est, je l'avoue un moyen d'expression particulier. Ici je fais de la satire . Mais ni le blog ni la satire ne sont mes seuls moyens d'expression. Cela dit, je maintiens que, face à certaines habitudes intellectuelles, notamment celle qui consiste à suivre la mode, la satire est le meilleur moyen d'expression. Elle n'entend rien *prouver.* Ce n'est pas son but. Cela ne veut pas dire qu'elle n'essaie pas de dire quelque chose !!

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  3. Bonne question.

    Il faudrait aussi la poser à Flaubert d'ailleurs ,et je crois qu'il y a répondu en son temps et avec ses moyens à lui, dont je ne prétends en rien arriver à leur cheville.

    Mais si je prends la question littéralement, je ferai remarquer que je n'apparais pas comme anonyme, et que j'ai publié des arguments - peut être mauvais j'en conviens - sur ce sujet ailleurs. Puisque vous m'incitez à y faire référence, je le fais volontiers .

    http://www.qsf.fr/2013/05/24/les-moocs-cours-massifs-ou-armes-de-destruction-massive-par-pascal-engel/

    et , si vous avez le courage de regarder d'autres posts dans ce blog
    des arguments assez explicites contre telle ou telle tendance. Sasn doute perfectibles.

    Même si les Moocs ne sont à mes yeux qu'un minuscule tubercule dans une termitière bien plus vaste .

    Maintenant, votre remarque , si elle vise l'usage du style de la satire,
    nous renvoie aux fins de ce genre , qui sont souvent mal comprises, et sur lesquelles j'ai cependant écrit et que j'ai pratiqué souvent ( mais je ne vais pas publicise plus avant car tout un chacun peut les lire avec un minimum d'effort)

    J'admets que la satire ne * prouve* rien . Le but n'est pas là. Mais les arguments n'en sont pas nécessairement la traduction. Il y a simplement des cas où comme disait l'autre, * difficile saturam non scribere".

    Ces cas sont ceux où l'adhésion à des formes , de pensée, de style ou d'action deviennent obligatoires juste parce que "tout le monde fait ainsi" et que ceci n'est pas une raison valable.

    Cela laisse, je l'admets, place pour bien des formes de réaction, dont toutes ne sont pas aussi efficaces ou pertinentes.

    Mais si vous avez l'intention de défendre les MOOCS , l'enseignement confié à des plateformes, je serai ravi de vous lire! Ce qui me manque, jusqu'à présent c'est justement une défense raisonnée.


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  4. Les élèves en fin de lycée ne sont plus en mesure de suivre un cours magistral car n'ont pas été assez cultivées leur mémoire et leur capacité d'attention ; en plus la pratique du zapping à la télé, sur le Net a entraîné l'attention brève et distraite.
    Déjà l'accompagnement du cours magistral par une projection de type powerpoint est quelque chose comme une prothèse compensant un déficit d'attention, d'ailleurs de plus en plus souvent médicalisé.
    Dans cette perspective, les MOOCS peuvent être vues aussi comme une prothèse plus efficace car le cours peut être désormais arrêté à volonté pour se repasser un passage non compris, il peut être écouté de manière fragmentaire et discontinue, on peut l'écouter en bavardant avec les camarades etc. En plus des assistants seront là pour éclairer, exposer par internet ce que l'étudiant ne peut pas comprendre seul...Vue ainsi, cette nouvelle institution n'est pas un progrès pédagogique mais une adaptation à une faiblesse intellectuelle des étudiants qui n'a rien de fatal mais qui est favorisée au lycée par le laxisme de la notation, l'allègement des programmes, des cours, des exigences etc.
    Quelle sera la future prothèse quand l'expérience aura montré que les MOOCS ne sont en rien un remède à l'échec universitaire et quand pourtant l'opinion publique continuera de croire que c'est par une invention technique qu'on peut remédier à des vices épistémiques, comme l'inattention, l'absence de rigueur, la pratique d'une langue pauvre et approximative etc. ?

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    1. Merci d'entrer en matière sur les points importants. En somme vous proposez de prendre le choléra pour atténuer un peu la peste. Nous sommes bien d accord sur le fait que ce qui rend de plus en plus difficile à la fois l'accès à l 'écrit livre et au texte traditionnel est l'extraordinaire réduction de la capacité d'attention et de concentration que la pratique de la télé, puis de l'internet ont produite sur les humains. Qu'est qui permet d penser que le MOOC améliorera ces capacités plutôt qu'il ne les aggravera? Il est assez ironique que vous citiez comme un avantage du MOOC le fait qu'il permette de revenir en arrière car c'est précisément un avantage du livre sur l'image qu'on puisse bien plus aisément revenir en arrière. La technologie Mooc est supposée attirer des milliers de gens. Comment pensez vous qu'on puisse, même sur un mooc de 2000 participants, organiser des groupes avec des assistants ? Le seul remède est de faire des forums ,comme sur moodle. Est ce que c'est la participation à ces forums qui est supposée servir de validation du cours? Les statistiques actuelles ne prouvent aucunement l'avantage du mooc par rapport à l'enseignement classique. Enfin pour faire quasiment tous mes cours avec power point depuis plus de dix ans, j ai pu en mesurer tous les défauts. Je ne prône pas le retour au cours magistral de papa pour autant. More later

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  5. Je n'ai pas été assez clair : je ne pense pas que le MOOC améliorera les capacités dont nous parlons ; j'ai essayé d'éclairer les raisons pour lesquelles il peut être apprécié des étudiants ; il paraît leur faciliter la tâche car ils n'ont plus à s'adapter à la parole du prof , c'est eux qui l'adaptent à eux. Mais on peut faire l'hypothèse que les mêmes défauts qui font que les cours magistraux ne sont plus guère suivis comme ils devraient l'être, feront que seuls les étudiants qui ont déjà les vertus épistémiques requises tireront le meilleur parti possible de cette nouvelle possibilité. D'où mon hypothèse que, si on ne rend pas plus l'étudiant responsable de son échec, il y aura encore une nouvelle parade technologique et illusoire destinée à faire croire que, par le développement technique, on peut faire l'économie d'efforts personnels et pénibles. C'est en somme une fuite en avant. Sans compter les aspects économiques de l'affaire : il est bien utile de multiplier virtuellement les professeurs quand on n'a plus la volonté politique de les multiplier réellement. Il va de soi aussi qu'un cours peut être un échange où le professeur, sensible à l'auditoire, ralentit, explicite, modifie, répond aux questions ; seul le cours-conférence-monologue est enregistrable ainsi. On s'éloigne toujours plus de Socrate en donnant ainsi aux "sophistes" le don d'ubiquité !

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  6. "C'est eux qui l'adaptent à eux" : en êtes vous sûr ?
    Beaucoup d'études actuelles montrent que le MOOC n'améliore pas l'enseignement traditionnel . Mais qu'ils ait quantité d'autres avantages pour les établissements capables d'en faire ( car ils coûtent très cher ) je n'en doute pas - je soupçonne que cela conduira à une tendance déjà massive : suppression de postes d'enseignants et augmentation de personnels administratifs ( dans notre cas administrateurs de moocs). Ceux qui ont choisi ce métier pour enseigner et faire de la recherche risquent d''être frustrés assez vite, mais ceux qui partagent le projet de faire de l'université une entreprise de management de la société de la connaissance y trouveront sans aucun doute leur compte.

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  7. Quel texte réjouissant, tel un chant d' un merle MOOC heures!
    Bien à vous.

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    1. l'oiseau moqueur a, dit-on, le don de contrefaire le chant des autres oiseaux. Gageons que l'oiseau moocqueur aussi.

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  8. Un truc tout nouveau tout chaud que la parodie n'a pas intégré, il va falloir faire le chapitre d'après. En y réfléchissant, on se dit que c'était prévisible, on était vraiment devenu un peu trop bookish ces dernier temps, http://www.slate.com/articles/technology/future_tense/2013/11/udacity_coursera_should_celebrities_teach_moocs.html

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  9. Excellent ! merci beaucoup.
    Mais pas besoin d'aller chercher Matt Damon , Penelope Cruz ou Justin Timberlake!
    Les auteurs de Moocs *seront* des stars, même si ! C'est dans la logique de l'entreprise.

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  10. C'est vrai que la peoplisation des hommes politiques n'a pas consisté (ou pas seulement, il y a quand même eu Reagan et Schwarzenegger) à remplacer les hommes politiques par des acteurs, mais à les faire agir en acteurs.

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  11. désolé mais il me semble que dans votre article il manque Raphael Enthoven !!! et Adele Van Reeth.

    il manque aussi Philo Mag, sur l'actualité philosphique du moment.
    à lire les une de ce magazine celane peut pas ne pas interresser B&P, je vous en livre quelques unes :

    - peut-on être honnête et réussir
    - pourquoi aimons-nous les animaux
    - peut-on vivre plusieurs vies en une
    - pourquoi ne sommes-nous pas heureux
    - l'art nous aide-t-il à vivre
    - votre travail a-t-il encore un sens
    - le sexe est-il aussi important qu'on le dit
    - sommes-nous faits pour vivre à deux
    - d'où viennent les idées
    - les femmes sont-elles plus morales que les hommes
    - qu'est-ce qu'un bon président
    - qu'est-ce qu'une journée réussie..... ????

    le gros problème avec les noms que vous citez c'est qu'il nous est difficile de savoir si en vérité ils sont des crétins ou bien des filous ?

    ces personnes ont d'immenses qualités, ils ont lu beaucoup, ils ont de la mémoire, ils savent réfléchir, ils ont des convictions, ils savent bien parler, à partir de là il me semble que la philosophie est plutôt bonne fille, il suffit qu'elle tombe sur un beau parleur qui lui fasse tourner la tête et hop ! elle se retrouve à faire le trottoir pour lui faire plaisir.

    d'autant que les pouvoirs publics q'y retrouvent, dnas la mesure où aujourd'hui la philosohpie est devenue le moyen le plus éfficace d'endormir les gens,
    en fait c'est hyper fasstoche : vous avez un type au bout du rouleau qui veut se révolter ? envoyez le écouter Onfray ! le type revient chez lui en parfait nietzschéen hédonisto-libertaire et là le dernier truc qui peut lui venir à l'esprit c'est de se révolter contre sa condition.

    qui aurait imaginer que la philosophie servirait un jour à endormir les foules ? à les domestiquer ? en faire de bons petits toutous hédonistes et libertaires qui carburent au Montaigne, au Spinoza et au Camus le triplet gagnant pour endormir les gens ?

    le problème est que tout le monde s'en fout ?
    les philosophes universitaires ont d'autres chats à fouetter, ils s'occupent de choses sérieuses, ils pensent qu'Onfray est bien suffisant pour le bas peuple, parce que la philo est restée un monde aristocratique : Bouveresse pour les intellos et Onfray pour les crétins !
    et voilà pour ceux qui comme moi appartiennent au petit peuple non érudit je ne peux que me taper du Onfray et du Enthoven, écouter van Reeth et lire Philo Mag !
    nous vivons dans un monde à deux vitesses.
    qu'est-ce qu'on y peut ?

    parce que votre article est sympa et drôle mais de vous à moi avez-vous déjà entendu un universitaire dire qu'Onfray est un crétin ? il est inattaquable pour l'unique raison qu'il est la poule aux oeufs d'or de son éditeur !
    la philo c'est pire que la Corse : c'est le monde l'omerta !
    j'ai écrit des tonnes de lettres en dsant : il faut arrêter le massacre, avec vos Onfray, Comte Sponville, Ferry, Finkiekrault, Enthoven et les autres nous sommes en train de produire une génération de débiles profonds, qui m'a ré"pondu ? personne ? c'est l'omerta.

    je ne vous connais pas mais je me permets de vous donner un conseil : ne mettez pas votre doigt là dendans, c'est une machine puissante, qui nous dépasse, vous mettez votre doigt entre le marteau de la philo et l'enclume de nos enclumes de philosophes médiatiques,, vous allez vous le faire écrasez !

    je suis pas sûr qu'avec Bouvard et Pecuchet vous arrivez à grand chose,
    et rappelez-vous bien l'objectif : ces types sont-ils des crétins ou bien des filous ? si vous arrivez à répondre à cette question vous aurez déjà bien avancé.

    bon et bien bon courage et bonne chance pour la suite....

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    1. Mon but n'était pas ici de faire une description de la philosophie médiatique, mais de parler des MOOCs. Quant à Bouvard et Pécuchet, par définition, ils reflètent les goûts de leur temps.

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