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mercredi 28 août 2013

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" Toute idée doit devenir un bon mot; on ne pense plus qu'en saillies ; il faut que toute vérité, la plus épineuse ou la plus sainte, devienne un joli jouet de salon, lancé, puis relancé comme un volant doré par les mains mignonnes des dames, sans faire tache sur les sabots de dentelle d'où pendent languissamment leurs bras fluets, sur les guirlandes que déroulent dans les panneaux les Amours roses. Tout doit reluire, scintiller ou sourire. On atténue les passions, on affadit l'amour, on multiplie les bienséances, on outre le savoir-vivre. L'homme raffiné devient un sensible. » De sa douillette de taffetas, il tire incessamment le mouchoir brodé dont il essuiera le commencement d'une larme ; il pose la main sur son cœur, il s'attendrit, il est devenu si délicat et si correct que les Anglais tour à tour le prennent pour une femmelette ou pour un maître de danse . Regardez de plus près cependant ce freluquet enrubanné qui roucoule les chansons de Florian dans un habit vert tendre. L'esprit de société qui 1'a conduit dans ces fadaises l'a aussi conduit ailleurs; car la conversation, en France du moins, est une chasse aux idées. Encore aujourd'hui, dans la défiance et la tristesse des mœurs modernes, c'est à table, pendant le café, qu'apparaissent la haute politique et la philosophie première. Penser, surtout penser vite, est une fête. L'esprit y trouve une sorte de bal; jugez de quel empressement il s'y porte! Toute notre culture vient de là."

  Taine, sur les salons français des Lumières, Histoire de la littérature anglaise, tome 3, ch. III, première éd. 1863, cité d'après la troisième édition , 1878 ( Gallica)



"La question de savoir, en revanche, comment la philosophie travaille ou entrave la peinture, ou comment la peinture, à l'inverse, prolonge, relance ou fait taire la philosophie, la question du corps à corps entre une philosophie dont l'un des premiers désir fut d'exclure de la Cité des peintres automatiquement renvoyés du côté de l'ombre ou du simulacre et une peinture qui, très vite, a résisté, contre-attaqué, voire défié la philosophie sur le propre terrain où elle régnait, cette question demeure obscure et c'est d'elle qu'il s'agit ici.
L'exposition proposera un itinéraire à travers ces œuvres de l'esprit qui se déploiera en sept "séquences" :
Première séquence : La Fatalité des ombres.
Deuxième séquence : Technique du coup d'état.
Troisième séquence : la Voie Royale.
Quatrième séquence : Contre-Être.
Cinquième séquence : Tombeau de la philosophie.
Sixième séquence : La revanche de Platon.
Septième séquence : Plastèmes et philosophèmes." 


"Un va et vient entre art ancien, moderne et contemporain ; entre une crucifixion de Bronzino et de Basquiat ; une Sainte Véronique du XV° siècle et sa réinterprétation par Picabia ou Jim Dine ; entre un tableau de Paul Chenavard prétendant illustrer Hegel et une autre de Joseph Kosuth prétendant, lui, dépasser et prolonger l'hégélianisme, tel est le principe d'une exposition qui pourra se lire comme un grand récit de l'âme et dont le narrateur ne fera mystère ni de la subjectivité de ses choix, ni de ses éblouissements."


     

4 commentaires:

  1. Il nous fallait un nouveau Benda, vous l'étiez fort bien déjà en pointillé,désormais vous voilà très présent en scalpel!
    On ne peut que franchement s'en réjouir et vous applaudir.
    Longue vie à votre blog!

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  2. Oui,comme Benda, Taine mérite d'être réhabilité en le détachant de son étiquette de "déterministe réductionniste".

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  3. Merci du coup de chapeau . Mais Benda n'aimait pas les oiseaux moqueurs:

    « Un autre aspect de mon amour le la pensée est mon horreur de la moquerie, toujours d’une psychologie si courte, souvent totalement fausse. Je dis avec le psalmiste : « Heureux qui ne s’assied pas au banc des moqueurs », non pas seulement parce que celui qui s’y complaît a l’âme d’une méchante pie, mais parce qu’il manque dl’intelligence. L’analyse poussée et exacte est très souvent, d’ailleurs, bien plus cruelle que la moquerie, mais elle ignore qu’elle l’est, et ne s’en jouit point. Je l’aime comme j’aime l’implacabilité de la justice. » (Exercice d'un enterré vif, Gaillimard 1969,p. 306)

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    1. C'est le côté spinoziste de Benda, je crois d'ailleurs que Benda appelle Spinoza le Maître.

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