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vendredi 30 août 2013

Michel Foucault, penseur belge?











L’expression « savoir-pouvoir » de Michel Foucault a eu un grand succès. Comme d’habitude, le maître poitevin, plutôt que la définir, et malgré le fait qu’un grand nombre de ses analyses reposent sur cette notion, préfère nous dire que ce n’est qu’une « grille d’analyse » (Dits et écrits , III, Gallimard 1994, 2001 ( 1977) : 49). C’est commode, cela permet d’en faire ce que l’on veut, et si on fait une erreur sur ce que cela veut dire, c’est de la faute du lecteur, pas celle de l’auteur qui l’a proposée (les écrits des philosophes français ressemblent souvent aux dispositions des compagnies aériennes low cost : si on est en retard sur l’horaire, c’est la faute des passagers et pas celle de la compagnie).  Telle que je l’ai toujours comprise, et telle qu’apparemment la comprennent les meilleurs commentateurs (cf. Frédéric Gros, « Une philosophie de la vérité », préface à Michel Foucault, Philosophie, Folio 2004 p. 16-17; Paul Veyne, Foucault, sa pensée sa personne, Livre de poche-Albin  Michel, biblio-essais, 2008 156), elle signifie
(i)                 Qu’un certain nombre de « formations discursives », telles que la médecine, la psychiatrie, la psychologie, la sociologie, sont, en même temps que des savoirs sur l’esprit, la société ou la maladie, parties intégrantes d’institutions et de « dispositifs de pouvoir ». « L’enjeu de tout mon travail est de montrer comment le couplage entre une série de pratiques et un régime de vérité forme un dispositif de savoir-pouvoir » (Naissance de la biopolitique, cours 1978-9, Gallimard-Seuil, p. 22)
De là, Foucault glisse, de ses études initiales sur la folie, la psychologie et la clinique, à l’idée, bien plus audacieuse, que
(ii)               Tout savoir, toute recherche et production de vérité sont en réalité non seulement associés à (« couplés »), mais aussi causés, ou produits, par un dispositif de pouvoir. Un savoir n’est autre qu’un tel dispositif (« le pouvoir était présent dès le début, dans le savoir »). Les dispositifs de pouvoir sont les « matrices » (ce qui peut vouloir dire à la fois les causes, mais aussi les raisons d’être) des savoirs. Autant de tels dispositifs, autant de « régimes de vérité », et vice versa (cf. Entretien avec Michel Foucault.1977, p.160 in Dits et écrits, 1954–1988. Paris: Gallimard, Vol. 3, 1994). Aussi une histoire du savoir, une histoire de la production des vérités, est-elle (doit-elle être) aussi une histoire des rapports de pouvoir et des rapports de domination. La volonté de savoir est une volonté de pouvoir.
(iii)             La vérité elle-même, ce que c’est pour un énoncé, un jugement ou une conception que d’être vrai ou faux est un effet de pouvoir. Le savoir qu’est que du pouvoir. (« L’analyse historique de ce grand vouloir-savoir qui parcourt l’humanité fait donc apparaître à la fois qu’il n’y a pas de connaissance qui ne repose sur l’ injustice ( qu’il n’y a donc pas dans la connaissance même, un droit à la vérité ou un fondement du vrai) et que l’instinct de connaissance est mauvais ( « Nietzsche, la généalogie et l’histoire, in Philosophie, Folio, Gallimard, 2004, p.420)
(iv)             De là un programme de libération, ne passant pas par la lutte idéologique sur le plan des idées et des thèses, mais par la révélation des « mailles fines » des dispositifs en question (prison, hôpitaux, administrations), qui sont tous normatifs et des machines à produire des normes.
(v)               Plus tard encore, vers 1976 et le début de son histoire de la sexualité, Foucault ajoute que les régimes de vérité sont des régimes de subjectivation et d’assujettissement, et que la libération est-elle-même une libération de la subjectivité. Face l’examen de soi, à la parrêsia, à la confession et à l’aveu, comme techniques de subjectivation viennent se dessiner l’éthique du souci de soi.
      Il serait intéressant de comparer ces thèses avec celles du marxisme (là où les marxistes mettaient la causalité dans l’économique, Foucault la met dans les rapports de pouvoir), avec celles de Sartre (du pratico-inerte au groupe sujet) dont elles semblent parfois des transpositions nietzschéennes, et alors même que Foucault n’a cessé de chercher à se démarquer d’elles.  Ce n’est pas étonnant, car elles reposent toutes sur des explications sociales de type fonctionnaliste déguisées en explication causales (selon une inférence fallacieuse -  la fonction de tel dispositif X est en relation avec celle du dispositif Y, donc elle le cause ; mais si la fonction du cœur est associée à celle des poumons elle ne cause pas cette dernière pour autant). Or pour expliquer causalement, il faut des mécanismes. A cela on pourrait répondre qu’il ne s’agit pas pour Foucault de donner des causes, mais de désigner des structures ( épistémai , « formations discursives ») et des fonctions seulement, la généalogie ou l’archéologie n’étant pas une  recherche d’explications causales, et encore moins de lois qui le sous-tendraient. OK, mais alors pourquoi Foucault ne cesse-t-il d’employer un langage causal et mécaniste en parlant d’ « effets », et de « mécanismes » de pouvoir : «  Savoir se réfère à toutes les procédures et à tous les effets de connaissance qui sont acceptables à un moment donné et dans un domaine défini» tandis que pouvoir « ne fait rien d’autre que recouvrir toute une série de mécanismes particuliers, définissables et définis, qui semblent susceptibles d’induire des comportements ou des discours» (1978a :49). Et le terme même omniprésent de « dispositif »  ne renvoie-t-il pas à « disposition » qui signifie traditionnellement « pouvoir » ou « cause ». Grand lecteur de Canguilhem et de Comte, Foucault ne pouvait ignorer combien ces termes sont chargés.
     J’ai toujours trouvé (i) une thèse intéressante, sans doute correcte pour bien des savoirs tels que médecine, anthropométrie, psychologie ou sociologie. Les historiens, comme Ian Hacking, Jacques Revel, l’ont bien étayée. Mais nombre des déclarations historiques de Foucault sur l’hôpital, la prison, l’émergence des sciences de l’homme ou la médecine ont été infirmées par des travaux historiques plus circonspects, moins tributaires de son romantisme positiviste.
   En revanche j’ai toujours trouvé (ii) absurde,  tout comme (iii). Tout d’abord ces thèses confondent systématiquement la vérité, qui est une propriété de nos énoncés ou de nos jugements, avec le dire-vrai, l’affirmation du vrai, et avec les « procédures de véridiction ». Elles confondent vérité et véracité (la propriété d’être sincère). Ensuite elles confondent la vérité et nos croyances sur la vérité. Quand Foucault parle d’une « histoire de la vérité », il veut dire que nos conceptions de la vérité, nos styles de dire-vrai, nos croyances sur les effets de la vérité ont changé historiquement, et qu’on peut en faire l’histoire. Rien à redire à cela, et c’est un programme important que de faire une généalogie positive (et non, comme celle de Foucault, destructive  et négative) de nos opinions sur la vérité, comme Bernard Williams en a esquissé le projet.  Mais si cela veut dire que la vérité elle-même a une histoire, c’est absurde. La vérité n’a pas d’histoire (même un fervent disciple de Foucault comme Hacking est d’accord avec cela), et sans doute même pas de géographie. Certes il y a aussi une histoire philosophique des conceptions de la vérité, mais le sens nominal de « vrai » (correspondance aux faits) n’a jamais changé (pace Heidegger et Détienne). Ensuite (ii) et (iii)  confondent le savoir théorique avec les applications pratiques du savoir, elles assimile systématiquement la psychologie et la psychologie appliquée, la science médicale avec la pratique de la médecine, la psychiatrie comme connaissance de la maladie mentale avec la psychiatrie comme pratique hospitalière, etc. Certes, pour la psychologie notamment, Foucault ne dit pas autre chose que Canguilhem : il doute que la psychologie ait jamais été autre chose que ce qu’Aristote appelle une science poïétique, un art et pas une science théorique. Mais cela me semble absurde. Enfin, il semble que Foucault assimile implicitement la connaissance théorique et la connaissance pratique, le savoir et le savoir-faire. Un savoir, aussi théorique soit-il, est toujours pratique. En généralisant on obtient la célèbre thèse de Pierre Hadot qui plaisait tant à Foucault : la philosophie grecque n’a jamais été réellement théorique, elle ne fut jamais qu’une pratique spirituelle.
      On me répondra tout d’abord que Foucault ne fait pas ces confusions, et qu’il distingue clairement le vrai du dire-vrai (par exemple dans une conférence de 1981 à Louvain ( tiens, tiens...) publiée sous le titre Mal dire, dire vrai . Mais je n’en suis pas si sûr : les « régimes de vérité » sont-ils de vérité ou des régimes de dire-vrai ? Le penseur du Poitou laisse un flou, donc il y a un loup. On me répondra ensuite que je ne peux trouver absurde  (ii)  et (iii) que parce que je fais tout simplement une pétition de principe à l’encontre de Foucault : je suppose qu’il y a quelque chose comme la vérité, la propriété réelle pour un énoncé d’être vrai ou faux. Or Foucault est un « sceptique » (Veyne, ibid.ch.3), il n’y a pas pour lui de connaissance et de vérité. Mais alors à quoi revient la distinction du vrai et du dire-vrai qu’il reconnaît par ailleurs ? Au fait qu’il n’y a pas de vérité « en soi », avec un grand V, mais toujours des interprétations particulières qui se posent chacune comme vraie, mais sont toutes en conflit et en flux historique ? Comme chez Nietzsche, l’idée selon laquelle il n’y a pas de vérité, ou qu’il y a pas de faits mais seulement des interprétations, oscille entre quatre thèses : (a) un pur et simple nihilisme (auto-réfutant, puisque l’auteur de Surveiller et punir s’appuie bien sur des faits empiriques, et doit bien supposer que ses recherches historiques, sur Pierre Rivière par exemple, ne sont pas un roman), (b) un relativisme (autant de vérités que de points de vue), (c) un fictionnalisme: il n’y a pas de vérité, mais on fait comme si (als ob) il y en avait, on a des moyens d’en parler à défaut de pouvoir la connaître , (d) une forme de pragmatisme ou de bergsonisme (la vérité ce sont ses effets, la vérité est ce qui « se fait », un « événement », etc. pas ce qui se découvre). Chacune de ces thèses me semble absurde aussi (mais par égard pour le genre du blog, je ne vais pas ici dire pourquoi). Foucault pourrait toujours me répondre, selon la stratégie sceptique bien connue, dans laquelle il était passé maître, qu’il n’a jamais affirmé (ii) ( ni (iii)-(v)), et s’est contenté de les suggérer , de les prendre comme « grille de lecture », « hypothèse de travail », etc., et que supposer qu’il a défendu une thèse, c’est dogmatiser. Il pourrait aussi me répondre par une sorte d’argument tu quoque dans le genre post-soixante-huitard: « Mais qui es-tu pour poser ces questions ? » (cf. la très intéressante note p.7 du Gouvernement de soi, Gallimard 2008, que j’ai mentionnée ailleurs).
      Tout de même, tout de même… », comme disait le proviseur Chambergnac des Enfants du limon. Mais laissons cela de côté, pour ne nous intéresser qu’à l’assimilation du savoir théorique au savoir pratique.
              J’en viens à mon histoire belge. On peut s’étonner de ce que Foucault, bien qu’il accole régulièrement les termes de « savoir » et de « pouvoir », associe le savoir à des « pratiques » et des « procédures » de véridiction et des intérêts sociaux, ne s’interroge pas sur la relation du savoir théorique et du savoir pratique en général. Certes, dans ses derniers écrits, il s’intéresse, notamment à la suite de Hadot, à la division entre la philosophie comme recherche théorique de la vérité et des essences, et la philosophie comme souci de soi et sagesse pratique. Mais il ne s’interroge pas (du moins à ma connaissance) sur la relation entre savoir et savoir-faire, entre savoir que (propositionnel) et savoir comment (savoir pratique). Il ne semble jamais s’intéresser au concept même de « savoir », à la manière dont le font les philosophes depuis le Théétète, et à la manière dont le font des philosophes neo-aristotéliciens comme Ryle dans son fameux article de 1945 « Knowing how and Knowing that », qui intéressa beaucoup Bourdieu , en revanche, dans ses analyses sur l'habitus et le savoir pratique ( Bourdieu est bien plus sensible que Foucault à la question du savoir pratique) . Quand il nous donne un peu de précisions, il dit que savoir « se réfère à toutes les procédures et à tous les effets de connaissance qui sont acceptables à un moment donné et dans un domaine défini»  et que pouvoir «ne fait rien d’autre que recouvrir toute une série de mécanismes particuliers, définissables et définis, qui semblent susceptibles d’induire des comportements ou des discours» (Ibid.). Il « définit » le savoir et le pouvoir par leurs effets, mais ne cherche pas à définir le concept. C’est normal. Foucault n’est pas un philosophe analytique, même s’il s’offre le luxe, dans une conférence de 1978 (Dits et écrits III, texte 232) d’une petite provocation, en disant tenter une « philosophie analytique du pouvoir » :

         « Après tout, la philosophie analytique anglo-saxonne ne se donne pas pour tâche de réfléchir sur l’être du langage ou sur les structures profondes de la langue ; elle réfléchit sur l'usage quotidien qu'on fait de la langue dans les différents types de discours. Il s'agit, pour la philosophie analytique anglo-saxonne, de faire une analyse critique de la pensée à partir de la manière dont on dit les choses. Je crois qu'on pourrait imaginer de la même façon une philosophie qui aurait pour tâche d'analyser ce qui se passe quotidiennement dans les relations de pouvoir, une philosophie qui essaierait de montrer de quoi il s'agit, quelles sont, de ces relations de pouvoir, les formes, les enjeux, les objectifs. Une philosophie qui porterait par conséquent plutôt sur les relations de pouvoir que sur les jeux de langage, une philosophie qui porterait sur toutes ces relations qui traversent le corps social plutôt que sur les effets de langage qui traversent et sous-tendent la pensée. »

 Mais il aurait pu suggérer par l’expression « savoir-pouvoir » que tout savoir implique une forme de capacité pratique ou un faire, autrement dit qu’il n’y a pas de savoir théorique qui ne soit associé à un savoir pratique. Qui sait peut faire. Savoir c’est pouvoir faire. C’est avoir une certaine capacité de faire, un certain pouvoir. Evidemment la thèse selon laquelle le savoir que -  le savoir propositionnel-  suppose le savoir pratique, le pouvoir faire, est bien plus générale que celle que défend Foucault, que tout « savoir » , même théorique, est « tramé » avec le pouvoir politique et vice versa (Philosophie, op cit.p.448). Le pouvoir n’est pas simplement une maîtrise des choses qu’on a soi-même et qu’on exerce sur soi-même, mais une maîtrise sur les gens. Mais ici aussi Foucault aurait pu s'aider des ressources de la lange wallonne.
     Si Foucault avait un plus poussé sa petite tentative « analytique » du côté du langage, il aurait pu remarquer qu’il y a des gens pour qui il est tout naturel d’associer le savoir et le pouvoir : ce sont les Wallons, qui disent « savoir » à la place de « pouvoir ». « Je n’ai pas su ouvrir la porte », « Tout était enneigé. Je n’ai pas su entrer dans Caen ». « Savez-vous me passer le sel ? » Il serait mal venu, en Wallonie, de répondre à ces questions en disant : « Mais pourtant vous savez bien ouvrir une porte ! », « Mais pourtant vous connaissez la ville », ou «  Bien sûr je sais passer le sel, mais pour le moment je n’ai pas envie de vous le passer. » En fait, comme le remarque Grévisse (Le Bon usage, Duculot, 1980, p.801, N°1160-1661), c’est un usage classique, que l’on trouve chez La Fontaine.
    Mais l’usage belge de « savoir » n’implique pas que nos voisins ne fassent pas de distinction entre savoir que et savoir comment. En Belgique non plus, personne ne comprendra savoir que comme signifiant pouvoir, puisque ce dernier verbe ne se construit pas avec complément d’objet propositionnel (pouvoir que), mais comme savoir-faire, le plus souvent avec une infinitive ( savoir courir, savoir ramer). Ce sont les cas de savoir-faire  qui sont équivalents aux cas de pouvoir faire, et la langue wallonne est parfaitement cohérente : qui sait (faire) en principe peut faire (sauf s’il est empêché, infirme, etc.). Mais il y a bien des cas où le savoir propositionnel que implique le savoir pratique, comme l’ont remarqué Stanley et Williamson pour l’anglais avec les questions en wh- « Knowing how, Journal of Philosophy, 2000): Do you know where to find a restaurant ? » « Savez-vous où trouver un restaurant » n’est pas seulement une question portant sur un savoir propositionnel, mais renvoie aussi à un savoir-faire: celui qui sait est le restaurant, qu'il y en a un au bas de la rue, sait aussi comment  s'y rendre. Il y a des savoir-faire propositionnels, et inversement il y a des savoirs propositionnels qui sont des savoir-faire.
     Le wallon est encore plus foucaldien que cela. On y emploie aussi "pouvoir" au sens de "permis" (flamand kunnen , évidemment venu de kennen en allemand - mais mon mini woordenboek  dit aussi que kunnen  signifie : "savoir, pouvoir" - on voit comment un réseau savoir-pouvoir existe au plan lexical à travers toutes les Flandres)). "Je ne pouvais pas venir"  = Cela m'était interdit. Cela pourrait donner des choses du genre ( mais les Wallons me confirmeront): " Je n'ai pas su venir parce que je ne pouvais pas venir". Et je pense que cela aurait beaucoup plu à Foucault de relever qu'il y a un lien sémantique de "savoir" à "pouvoir" et à "être permis": un lien du cognitif à la modalité pratique et déontique.
    Ce que Michel Foucault aurait pu dire, s’il s’était vraiment glissé dans la peau d’un oxonien et dans celle d’un wallon, c’est que le savoir théorique et le savoir pratique sont dans certains cas très voisins. Cela eût-il apporté de l’eau au moulin de ses conceptions sur le savoir-pouvoir ? C’est douteux, car il est difficile, contrairement à ce que soutiennent les « philosophes du langage ordinaire » de tirer des conclusions philosophiques de l’usage (et encore plus difficile de soutenir que toutes les questions philosophiques se résolvent en prenant acte de l'usage ordinaire). Mais il lui aurait utile de réfléchir sur le fait que les domaines respectifs de « savoir » et de « pouvoir » ne sont pas si éloignés. Et le poitevin s’en serait aperçu s’il avait un été plus attentif aux subtilités de la langue wallonne, c'est à dire du français classique.

                                                                            Merci à  Véronique Dujardin pour la photo

     PS ( 10.09.13) J'ai oublié de mentionner une autre Belgian connexion dans ce débat: le dernier travail publié par le regretté Paul Gochet , "Un problème ouvert en épistémologie, la formalisation du savoir faire", in Paul gochet et Philippe de Rouilhan, Logique épistémique et philosophie des mathématiques, Paris, Vuibert, 2007.pp. 3-24

8 commentaires:

  1. En même tant que l'on félicite les garnements du film "Merci Patron !" qui ont roulé le capitaine d'industrie de LVMH dans la farine, on célèbre la Saint-Foucault, à la Nuit Debout, Place de la République. C'est la faute à Foucault. C'est peut-être aussi l'occasion de reparler de l'introduction de la politique dans l'épistémologie et la pratique des sciences, qui n'était pas une nouveauté. Il y avait eu le matérialisme dialectique d'Engels, complémentaire du matérialisme historique, et la biologie de Lyssenko. Mais en quoi l'épistémologie de Foucault était-elle si originale, au point de fasciner plusieurs générations ? Foucault connaissait les sciences dures. Il s'était passionné pour la physique nucléaire, tant qu'il en avait eu le temps. A l'époque de "Les mots et les choses", il travaillait aussi avec le groupe de Jules Vuillemin, féru de sciences exactes. Mais comme pour le piano et la musique, ou bien la littérature, le problème, avec Foucault, c'est qu'il ne s'y intéressait déjà plus quand on en parlait, parce qu'il était passé à autre chose, en l'occurrence, sa chère politique, ou plutôt micro-politique, qui ne disait pas la vérité, mais modestement des vérités !
    Contrairement à Nietzsche, il ne cherchait pas à être inactuel. Il était si branché sur l'actualité, qu'un certain public trouvait que ses cours du Collège de France ressemblaient aux bulletins d'information de la station de radio RTL.
    Ce qui le rendait original et aussi convaincant, c'était le radicalisme libertaire de son idéologie révolutionnaire. Il y avait dans son discours la séduction d'une rhétorique. Comme sa pensée était large, ce radicalisme se conciliait avec son scepticisme. Il est vrai que l'on peut être sceptique de plusieurs façons, ce qui apporte de l'eau au moulin du sceptique.
    D'autre part, on trouvait chez Foucault les excès de la sociologie, la sociolâtrie. Foucault était un lecteur d'Auguste Comte, et le positivisme était l'autre spectre hérité du XIXème siècle, avec le communisme. La sociologie romantique de Comte faisait de la société un organisme vivant, qu'une physique sociale pouvait étudier. Mais il y avait aussi des intuitions fulgurantes, chez Comte, comme le biocène de la Terre comme Grand Fétiche.
    Après Comte, il y eut d'autres débordements sociologiques dans le domaine cognitif. Ainsi Durkheim attribuait à la société l'origine de l'orientation dans la pensée. S'il y a une droite et une gauche qui disposent le monde de notre sens commun, c'est parce que la société, à l'origine, dans toute réunion qui avait un sens quelconque pour elle, faisait mettre les garçons à droite, et les filles à gauche !
    En ce qui concerne l'intérêt du wallon pour les analytiques, il est indéniable. Pourquoi dit-on ou fait-on les choses "une fois" ? Et pourquoi y a-t-il un Roi des Belges et non un Roi de Belgique ?

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  2. Cher Gérard

    Il y a dans tout ce que vous dites beaucoup d'exactitude et de vérité, et j'y souscris parfaitement. Quand vous dites : "Mais en quoi l'épistémologie de Foucault était-elle si originale, au point de fasciner plusieurs générations ?" je souscris , et , en tant que fasciné de base, je m'interroge. Je crois que cela nous fascinait parce que cela faisait une sorte de synthèse de tous les courants français du moment , avec un frisson politico - sociétal que l'époque voulait. C'est un des mystères des idées - comment peuvent elles apparaître nouvelles alors qu'elles sont éculées ? Simplement je crois parce que les gens manquent de culture, lisent peu , et comme les rats avec l'huitre, trouvent que le monde est nouveau et riche. C'est le lot du savoir, qui est mince, fragile, et finalement peu répandu . Je ne cesse moi même de pester contre internet qui accentue toutes ces tendances, mais même au temps de l'imprimé et même avant elles étaient déjà là.
    Mais vous commettez quelques inexactitudes aussi :

    1) "Foucault connaissait les sciences dures." archi faux , il en ignorait tout . sa culture était comme celle de Sartre purement littéraire.
    2)" A l'époque de "Les mots et les choses", il travaillait aussi avec le groupe de Jules Vuillemin, féru de sciences exactes." archi faux . Il n'eût de contact avec JV que durant son court passage à clermont . A cette époque les professeurs parisiens passaient un jour ou deux dans leur ville d'assignation à résidence, et revenaient à Paris salonner. Vuillemin n'a jamais eu de "groupe" , en tout cas à cette époque.

    Le reste, tout ce que vous dites du comtisme de Foucault est tout à fait correct! Positiviste romantique! Comte l'était lui même. Là où Comte concevait des plans pour réformer la société, Foucault concevait, via Bataille et Blanchot, des plans pour la miner.
    Mais il avait raison sur ce point essentiel : on ne peut réformer la société sans la miner. En quoi il était comtien. Mais il y avait aussi chez lui du Taine.

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  3. En effet, j'avoue être resté un chercheur amateur, curieux de tout, heureux de ce qu'Enrique Villa-Matas a appelé le "bartlebysme", à savoir la somme fabuleuse de toutes nos virtualités non-réalisées. Mais avec un vrai chercheur comme vous, on apprend à vérifier ses sources. A vrai dire, ce que je sais de l'intérêt de Foucault pour la physique nucléaire, s'il a existé, ne vient pas d'internet. Après la mort de Foucault, à Orléans, dans la Salle Georges Bataille de la Bibliothèque de l'Evêché de Mgr Dupanloup, les revues littéraires les plus sérieuses rapportaient tous les souvenirs des amis de Foucault. C'est en Suède, quand il était un jeune attaché d'ambassade roulant en Volvo, qu'il parlait beaucoup de physique à ses amis. Il était surprenant, par la diversité et la fraîcheur de ses informations. Un vétéran de la chanson comme Maurice Chevalier, qui passait par là, avait ainsi été charmé de sa connaissance du music-hall. Pour le piano et la musique, c'était un souvenir, sûrement vite oublié, de son éducation bourgeoise, un secret que même Deleuze disait ignorer dans son "Abécédaire".
    Si nous pouvons parler de nos avatars, le mien dans Google ressemble maintenant au Professeur Lala-Poor de "L'Assassin habite au 21", le film à la fin duquel Deleuze épinglait une belle catégorie du possible comme virtualité. Votre avatar à vous dans une autre vie, Cher Professeur Scalpel, a un monument funéraire qui fait penser à celui de "L'Abreuvoir", le célèbre tableau de ruines d'Hubert Robert. Votre avatar a écrit autrefois un article sur Sartre, "La Carte du Tendre", dans lequel il gratifiait notre auteur de connaissances sérieuses en psychologie, à l'époque de "La transcendance de l'Ego". Après, tout avait mal tourné, c'était "science, peau de balle", etc..
    Les amis de Jules Vuillemin, c'était, dit-on, Michel Serres et le physicien Raymond Siestrunck, qu'il remerciait au début de ses livres. C'est sur internet que le bruit s'est répandu : Michel Foucault aurait été de la partie, quand il écrivait "Les mots et les choses" ! J'admets qu'il ne faut pas répéter n'importe quoi. C'est plutôt Georges Dumézil, son mentor, et ses amis, que Foucault devait fréquenter à l'époque clermontoise.
    S'il fallait tout le temps citer ses sources, ou préciser exactement sa pensée, on n'écrirait plus rien.
    A la Bibliothèque d'Orléans, il y avait aussi les revues austères de philosophie, et "Critique".
    Dans votre Blog, vous avez parlé d'un Blanchot cagoulard. Sur le tard, Maurice Nadeau avait remué de vieux souvenirs pénibles à cet égard. Le monde a toujours était constitué de sous-sectes et de micro-groupes, qui nous attirent.
    Si Georges Bataille était honoré comme une notabilité à Orléans, c'était à l'époque où il publiait de beaux ouvrages en couleur chez Skira. La bourgeoise locale ne connaissait pas son passé agité dans les marges du surréalisme. Néanmoins, dans mes souvenirs, les vieux orléanais rapportaient que Bataille avait fait l'objet de rumeurs. Il était usé physiquement, avec un regard extatique qui commençait à ressembler à celui du supplicié chinois qui l'avait tant fasciné, au point qu'on le prenait pour un éthéromane.
    Il y aura d'autres rumeurs à Orléans, comme par exemple celle qu'étudia Edgar Morin. Mais il y aurait à dire sur la sociologie d'Edgar Morin.
    Le souvenir de Foucault reste attaché à une décennie où la révolution devenait une compulsion de répétition : refaire à tout prix Mai 68, qui s'éloignait de plus en plus, désespérément.

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  4. Mais vous voyez la légende :
    j'étais en Suède il y a deux jours ; un collègue me racontait que Foucault roulait dans une JAGUAR JAUNE , pas dans une Volvo ! qui croire ?
    Je crois connaître assez bien Vuillemin, son oeuvre et sa personne . Mais vous m'en bouchez un coin, et j'en reste baba.
    mais vous piquez ma curiosité.
    vus vous souvenez aussi bien que moi de la rumeur d'orléans, en 1969. Nous étions les palotins qui tirions les soquettes blanches des jeunes filles dans les cabines d'essayage !
    Nous aurions pu figurer dans Barrès ,Les Déracinés.

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  5. Si la marque de la voiture de Foucault, jeune attaché culturel en Suède, est si importante, j'avoue que je ne l'ai pas vérifiée. Par Google, on retrouve les photos de Foucault à Uppsala, et en effet on dirait qu'il roulait dans un vieux coupé Jaguar XK120. Sa couleur pourrait être jaune. J'avais gardé le souvenir d'une photo de Foucault sur une plage ensoleillée de Suède, à côté d'une solide voiture de rallye. Mais personne ne remarquait le véhicule. En revanche, ce qui frappait tout le monde, c'était un Foucault chevelu.
    A Uppsala, on lui attribuait des compétences en physique nucléaire, mais c'était peut-être une coquetterie d'attaché culturel.
    Dans les années 60, Jules Vuillemin était en connexion avec Bourbaki, par Pierre Samuel, qu'il remerciait au début de "La philosophie de l'algèbre". Si son livre avait une inspiration structuraliste avérée, cela tomberait bien, parce que Foucault était aussi structuraliste, à la même époque ! Mais le structuralisme de Vuillemin, je le prends dans "Différence et répétition" de Deleuze, qui résume vite "La philosophie de l'algèbre".
    Dans "Mathématiques et métaphysique chez Descartes", Vuillemin étudiait, à travers la "mathesis universalis" de Descartes, la naissance de notre idée moderne selon laquelle ce qui est scientifique est mathématisable.
    "Les mots et les choses" est l'ouvrage le plus scientifique de Foucault. Non content de traiter d'économie et de linguistique, il abordait la naissance de la biologie. On rapporte qu'il étudiait pour cela les sciences de la nature, avec ardeur. Il s'est peut-être rapproché de gens versés dans les sciences exactes.
    Son livre était tout le contraire de "La Crise de la conscience européenne au XVIIIème siècle". Foucault ne citait jamais des ouvrages de seconde main, il lisait directement des auteurs que personne n'avait jamais étudiés.
    "Les mots et les choses" pourra vite être réutilisé, tel quel, par les jeunes chercheurs des facs parisiennes. Pour les ouvrages politiques de Foucault, il faudra attendre plus longtemps, et leur étude à l'université sera distanciée et critique.
    S'il faut reparler de la rumeur d'Orléans, on peut dire que c'était le retour de l'irrationalisme dans le monde contemporain. D'ailleurs, une ethnologue étudiera même la sorcellerie dans le Maine-et-Loire. A Orléans, les commerçants juifs étaient accusés de faire disparaître, par une trappe, les clientes dans les cabines d'essayage de leurs magasins. C'était antérieur à la loi contre l'antisémitisme. Il y aurait eu un sous-marin de poche, dans la Loire, pour emmener les dames en Orient. La rumeur a affecté plusieurs villes de province, mais elle n'a touché qu'une seule fois des commerçants catholiques.
    Dans la sociologie du Lycée Pothier, il faudrait parler des enfants de commerçants. Ils étaient les plus visibles, avec les élèves dont les parents exerçaient une profession libérale. Avec eux, les professeurs avaient à traiter l'insolence des parvenus. Les enfants des commerçants étaient les plus paresseux et plus tard ils seraient menacés de déclassement. Quand les sociologues ont oublié Bourdieu et ses héritiers, ils ont découvert le paradoxe d'Anderson.

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  6. Vous disiez Foucault roulant en Volvo , moi en jaguar. Nous pourrons être départagés si vous voulez.
    Vuillmein n'a jamais été structuraliste, sauf au sens de Guéroult. Dans son livre sur Mathématiques chez Descartes il ne traite pas d'un sujet aussi vague que celui que vous dites, mais de la relation entre les règles de la méthode du Tourageau et certaines solutions d'équations algébriques. Les Mots et choses de Foucault est tout sauf un livre "scientifique": c'est une rêverie savante sur le savoir, la représentation, et le langage, commentaire indirect de Merleau Ponty déguisé en pseudo histoire des sciences. Ainsi en va t-il des gens habiles, surtout quand, dans un pays comme la France, l'esprit critique s'émousse et le brio seul séduit. Rien n'a changé aujourd'hui, sauf qu'il n'y a plus de gens aussi brillants que Foucault: raison peut être de son succès post mortem. Foucault lisait en effet les livres de première main; mais il ne lisait pas tout : par exemple quand il parle du Panopticon de Bentham, il se soucie peu de lire les thèses de ce dernier sur la loi, la justice, la morale. Il avait une lecture documentaire, destinée à conforter ses propres vues. Il n'était pas le seul ! Je ne peux que partager votre vue sur la nécessité de lire Foucault " de manière distancées et critique" à l'université! ET même très distancée et très critique !
    Quant à votre sociologie de la ville d'Orléans, grenier à grains beauceron devenu ville de bourgeois catholiques, je la partage à 100%. Enfant, je descendais pour aller à mon école élémentaire la rue d'Illiers, où se trouvait une grosse entreprise de grains et de stockage de blé. Cette odeur était celle d'Orléans. Contrairement à Gargantua, je ne trouvais pas Beau Ce.

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  7. A Orléans, il n'y avait pas que le blé, il y avait la célèbre Vinaigrerie Dessaux, qui a vendu le vinaigre d'Orléans dans le monde entier. Elle a utilisé le procédé artisanal de la méthode d'Orléans jusqu'en 1957. Elle vendait de la moutarde dans de superbes pots en céramique. Elle a fermé définitivement en 1984, malgré son rachat par Amora. Par son mariage avec Julie Dessaux, Emile Lacan, le grand-père de Jacques Lacan, en avait hérité. Dessaux avait aussi une vinaigrerie à Jarnac, non loin de celle du grand-père maternel de François Mitterrand. Jacques Lacan avait donc des ascendances orléanaises et vinaigrières, connues depuis longtemps. Et la saga des Mitterrand débuta grâce au vinaigre et au cognac, en Charente.
    Tout cela est très balzacien. D'ailleurs, l'officine universelle Buly, le modèle de la boutique de César Birotteau, a rouvert au 6 de la rue Bonaparte à Paris. Il y a là-bas tous les produits de l'âge d'or de la beauté à la française, parfums et vinaigres de toilette. Cela appartient à la micro-histoire que Foucault a promu.
    Dans "Mathématiques et métaphysique chez Descartes", Vuillemin nous livrait le secret de la "mathesis universalis". Ce n'était que la théorie des proportions. En réalité, la mathesis avait une vieille histoire, qui remontait à l'Antiquité. On n'invente jamais rien et il y a encore là matière à renforcer son scepticisme.
    "La Philosophie de l'Algèbre" était passionnante, parce que la résolution des équations algébriques se fait sans le secours de l'imagination, par un acte de pensée pure. Au Lycée, on était orienté en filière littéraire, quand on n'avait pas l'esprit assez concret pour résoudre ses problèmes d'arithmétique et de géométrie euclidienne, au début du secondaire.
    Quand on abordait l'algèbre et la géométrie dans l'espace par la suite, et que l'on avait l'esprit plutôt abstrait, il arrivait souvent que l'on devienne soudainement bon en maths, mais c'était trop tard. Les appréciations étaient du type "Mais que fait donc cet élève en section littéraire ?". Et les profs de se démener sans succès pour nous faire bifurquer vers un bac maths. Personnellement, j'avais fait un splendide hors-sujet en Français au bac, et je m'étais racheté avec mention, en glanant des points partout, notamment par une note flamboyante en maths, devant un examinateur éberlué. J'ai dit : merci l'Algèbre ! J'ignore si les critiques de l'orientation scolaire avait bien identifié cela.
    Si l'on revient à la jeunesse de Foucault, on voit que c'était un héritier, un fils à papa. Il était fréquent d'entendre des universitaires dire qu'il avait eu la chance de bénéficier de la culture et de l'immense bibliothèque de son père chirurgien, même si le courant ne passait pas vraiment entre eux. Il n'est pas exclu que l'intérêt de Foucault pour la folie soit venu de son père, car l'aliénisme avait été la marotte du milieu médical, au début du siècle.

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  8. Votre Foucault est balzacien et flaubertien. C'est en effet un penseur de province. Tout comme Flaubert voulait régler son compte avec son père le médecin Achille Cléophas, Foucault réglait son compte avec le chirurgien Foucault, de Poitiers. Vous le voyez en César Birotteau des archives . C'est l'image qu'il voulait donner, mais son style était plutôt celui d'un Rastignac archiviste.
    Orléans était - je n'y ai pas mis les pieds depuis 1975 sauf une brève visite en 2005 - une ville balzacienne - en même temps que Péguyste , curieux mélange . C'est amusant ce que vous m'apprenez sur le vinaigre - en effet toute la rue de Bourgogne et le quartier avoisinant sentaient le vinaigre - car comme vous savez Lacan a épousé Sylvia Bataille, ex femme du bibliothécaire orléanais Georges Bataille , accessoirement écrivain. Il y a une lignée vinaigre dans la pensée française, passant par Péguy, Bataille et Lacan. Intéressant. J'ai toujours pensé que la chanson " Que reste-t-il à ce dauphin si gentil, Orléans, Beaugency, Notre Dame de Cléry, Vendôme" inspirait les rois qui se sentaient acculés dans un réduit qui finalement est la France. Le vrai fond de la France, ce n'est ni Jeanne d'Arc ni le pinard, candidats naturels, mais le vinaigre et la moutarde. Et si l'on y songe, ce sont les constituants même de la sauce la plus exportée à l'étranger, le "French dressing".
    Moi aussi j'ai eu cette expérience des maths ( je la raconte un peu dans mon billet sur le lycée Pothier dans ce blog). On voulait qu'on sache calculer , comme des comptables, ou mesure, comme des arpenteurs. Les démonstrations n'étaient que des calculs. Dès que la pensée abstraite, sur les espaces, sur les structures , même sur les nombres en général, était en jeu , nos profs, qui avaient tous des fronts bas et de gros sourcils, détournaient l'attention. Pour eux on était des caissiers ou des comptables ratés. Pas une réflexion sur les axiomes en maths, pas une idée sur les espaces, pas une abstraction en fait. C'est pourquoi nous allâmes vers la philo, qui au moins nous en donnait un peu. Cela nous a perdu car aujourd'hui je ne sais même pas remplir ma feuille d'impôts.

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