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dimanche 21 janvier 2024

BENDA ET LE WOKISME

 

Benda ruminant son discours 1935, E.M Forster à la tribune

 


On a déjà évoqué dans le précédent billet,  ici et ailleurs le discours de Benda au Congrès des écrivains sur la culture  de 1935.  Il n'eut , pas plus que Musil, ni EM Forster, un franc succès. Il défendit la culture occidentale contre les tenants communistes de la culture populaire et prolétarienne et se plut à jouer les réactionnaires, face à Malraux et Gide, qui étaient encore tout frétillants de leur soutien à l'URSS, dont ils reviendront. Ces débats, rétrospectivement, ont des similitudes  avec  ceux qui agitent notre Landerneau numérique (c'est à dire quasiment la Terre entière) à propos du wokisme. Le wokisme est, tout comme la version dure et bolchévique du marxisme, avant tout (mais pas seulement) un discours de remplacement et un utopisme: remplacement de la société post-coloniale, patriarcale, genrée, raciste, capitaliste et destructrice de l'environnement et de sa culture par une société inclusive, dégenrée, non coloniale, anti-capitaliste, anti-patriarcale et écologique. Dans le domaine culturel, il prône,dans ses versions américaines surtout, un remplacement des canons et des départements universitaires qui étudient la culture occidentale par des études plus "inclusive". Ainsi la charge dont s'est fait l'écho il y a deux ans le Département de Classics de Princeton, contre l'étude du latin et du grec, ou au Québec, la proposition de rendre les mathématiques plus inclusives. Face aux marxistes, il y a un siècle, Benda demanda ( Précision 1937: Littérature occidentale et littérature communiste" : 

"Il y a un point qu'il faut bien éclaircir : la conception communiste se pose-t-elle en rupture avec la conception occidentale, ou bien se donne-t-elle pour le prolongement de cette conception, pour son enrichissement, son plein épanouissement ? Lénine est-il en discontinuité avec Montaigne, ou en est-il le développement ? [....]
. Or le communisme, si je le comprends bien, a précisément pour fondement la négation de cette distinction entre , l'affirmation d'une continuité entre les deux domaines. Je lisais récemment dans un compte rendu de la vie en Soviétie : « L'ouvrier trouve dans l'usine tous les moyens voulus pour élever son niveau technique et, partant de là, son niveau intellectuel. » Partant de là ; c'est toute la question. Pour le communiste l'état intellectuel part de l'état technique ; pour nous il a de tout autres sources. Et vous me direz qu'il s'agit ici de l'ouvrier, de l'état intellectuel de l'ouvrier ; que, dans la société communiste, contrairement à ce que déclament certains de ses adversaires, ignorants ou de mauvaise foi, tout le monde ne sera pas ouvrier ; qu'il y aura des hommes qui n'auront nullement passé par l'usine et exerceront seulement la vie intellectuelle ; que c'est ceux-là que je dois envisager. Eh bien, je crois que ceux-là aussi seront élevés, non par la vie pratique, mais par l'éducation que vous leur aurez donnée, par le système de valeurs que vous leur aurez inculqué, à considérer l'activité intellectuelle en liaison ininterrompue avec la technique, à l'honorer pour cette liaison, et dans la mesure où elle l'observe, et que de cette conception entièrement nouvelle de l'activité intellectuelle doit sortir – et c'est ce que vous voulez – une littérature entièrement nouvelle et par ses sujets, et par son ton, et par le public auquel elle s'adresse. Littérature qui ne sera nullement le prolongement de la nôtre, mais qui en sera quelque chose d'entièrement différent et, en réalité, la négation. C'est ce qu'exprimait Lénine quand il disait à Trotsky, en lui montrant le palais qui borde la Tamise : « C'est leur Westminster », comme il eût dit dans l'ordre qui nous occupe ici : « C'est leur Racine, c'est leur Baudelaire, c'est leur Gœthe » ; voulant dire : « C'est l'art qui est l'expression nécessaire et fidèle de leur conception séparatiste du spirituel et de l'économique ; art dont nous ne voulons plus rien savoir, et auquel nous en substituerons un autre, entièrement différent. » En un mot, je crois qu'entre la conception occidentale de la littérature et la conception communiste (je parle de conceptions ; car, pour la réalisation, c'est le compromis qui est la règle), je crois qu'entre ces deux conceptions il y a une différence, non pas de degré, mais d'essence. On me dira si je me trompe, mais je crois que c'est en posant la question sous cette forme, en invitant nos controversistes à y répondre sous cette forme que j'aurai contribué, comme j'osais y prétendre en prenant la parole, à porter quelque clarté dans le débat et à permettre à tous, ce qui est certainement notre vœu unanime, occidentaux comme communistes, de savoir qui nous sommes."



la vallée aux loups, aujourd'hui

Quelque temps après ce congrès de  1935, Benda alla souvent à la Vallée aux loups, anciennement demeure de Chateaubriand, chez le mécène Le Savoureux, qui réunissait souvent des intellectuels chez lui, notamment Valéry, Robert Debré, l'Abbé Mugnier,et Paul Léautaud, qui, à son habitude, consigna dans son Journal ces conversations. On connaît les entretiens à la radio de Léautaud avec le vieux Benda en 1950, mais le site Léautaud permet de lire celui-ci de 1935:

 

Léautaud (au centre) avec Le savoureux, et à gauche Valéry et Madame à l'extrême gauche

"Nous pénétrons sur la terrasse. Arrivent deux autres invités, le comte… (je ne retrouve pas le nom) et sa femme. Le docteur arrive, leur apprend que Valéry ne vient pas, et les raisons. Valéry doit faire demain à la Nationale une conférence sur Hugo. Cette affaire de mâchoire tombe mal. Mme Valéry se demande, nous dit le docteur, s’il pourra la faire. Benda a ce mot, de l’air le plus innocent : « Il ne parlera pas plus mal avec sa fluxion. »

Benda et moi faisons ensemble un tour de parc. Il me dit que cette fluxion de Valéry pourrait bien être une frime, qu’il doit avoir un autre dîner dans le « grand monde ». Nous plaignons tous les deux Valéry pour la vie qu’il a. Benda dit qu’elle doit lui plaire, qu’il doit y trouver des satisfactions de vanité. Autrement, comment expliquer ? Il se met à débiner Valéry, qui se prend au sérieux, qui prend au sérieux l’Académie, disant des choses de ce genre, à propos de candidats : « Nous ne pouvons prendre Un Tel. Nous ne voulons pas de Un Tel. » Ce qu’il trouve tout à fait comique. Il me dit là-dessus : « J’ai le droit de porter le jugement que je porte. Avant la guerre j’écrivais des articles dans le Figaro. J’avais publié un volume : Belphégor, que tout le monde prit pour un ouvrage réactionnaire, — ce qui n’était pas d’ailleurs. Je n’avais qu’à continuer. Quelques visites, quelques démarches. J’aurais été de l’Académie, moi aussi. J’ai préféré faire ce qui me plaisait. C’est comme le « monde ». Moi aussi, j’y suis allé dans le « monde » pour voir ce que c’est. J’y suis allé pendant deux ans. Quand j’ai vu ce que je voulais voir, je n’y ai plus remis les pieds. C’est odieux. Et tous ces gens qui croient vous plaire en vous disant : « Qu’est-ce que vous préparez ? » Je répondais toujours : « Moi, je ne prépare rien. Je me repose, je me promène. »

Nous étions revenus sur la terrasse. Je m’assieds à l’écart, laissant Benda bavarder avec des gens. Le docteur sort du pavillon avec d’autres invités venant d’arriver. Je vois une dame âgée venir vers moi, sans que je pense à me lever, ne pensant pas que c’était à moi qu’elle allait s’adresser : « Monsieur Léautaud, c’est très heureux de vous voir après si longtemps. » C’était Mme Valéry. Je ne l’avais pas reconnue, si changée. Je ne l’ai reconnue, tout de suite, qu’à sa façon de parler. Cela fait bien trente-cinq ans que je l’avais vue. Elle me confirme tout de suite que Valéry ne viendra pas et veut bien me dire qu’il l’a beaucoup regretté, se faisant un grand plaisir de me voir.

On se met à table. Je suis placé à côté de Mme Valéry. Il y a comme invités Mme Octave Homberg, la femme du financier, — dont elle vit séparée, paraît-il — qui s’est vouée à Mozart, organise partout, en France et en Italie, des concerts Mozart. L’abbé Mugnier est placé à côté d’elle. Elle n’a pas arrêté de parler pendant tout le dîner, jolie, du reste, — avec de vilaines jambes, éloquente, du feu, gracieuse d’expression, paraissant sentir vivement ce qu’elle dit. Comme elle faisait elle-même à un moment la remarque qu’elle parle beaucoup : « Parlez, Madame, parlez, parlez ! » lui a dit l’abbé Mugnier, ce qui a fait rire toute la table, mais ne l’a pas arrêtée, elle, de parler. Benda n’a pas été moins éloquent qu’elle. J’ai rarement vu parler de soi avec autant d’assiduité ce soir, comme chaque fois que j’ai vu Benda à la Vallée-aux-Loups, — ce qui me surprend toujours chez un homme intelligent. Il avait commencé dans un tour de parc fait par tous les invités avant le dîner. Sujet : Le Congrès international d’écrivains pour la défense de la culture, dans lequel il s’est laissé fourrer. Comme on lui demandait ce qui s’y est passé, il a dit que cela a été lamentable, une pétaudière. « J’estime que moi, j’ai dit quelque chose. Et naturellement, je n’ai eu aucun succès. On m’a regardé comme un intrus. » Il a développé cela pendant le dîner, riant lui-même de bon cœur de ce qu’il racontait. Il leur en a bouché un coin pour de bon (aux membres du congrès) avec cet argument : « Nous avons une culture occidentale qui a fait ses preuves, à laquelle nous tenons, que nous ne voulons pas abandonner. Quel est votre but ? Voulez-vous la continuer en y ajoutant la vôtre, ou voulez-vous la détruire ? Tout l’intérêt est là. » — Personne n’a répondu et on lui a marqué tout de suite de l’hostilité. Gide n’a dit que des niaiseries. Les autres, du vague."

Benda met le doigt sur l'essentiel : les communistes veulent-ils que la culture prolétarienne qu'ils promeuvent remplace , et se substitue à, la culture "bourgeoise" et "occidentale", ou bien veulent ajouter la leur à celle-ci? Dans bien des cas, il semble qu'ils adoptent la première position. 

Benda après guerre rejoindra les communistes, mais n'accepta jamais la théorie du remplacement.


Hermétiques ouvriers, en guerre avec mon silence


6 commentaires:

  1. Extrait de Lénine, "De la culture prolétarienne" :
    "Le marxisme a acquis une importance historique en tant qu'idéologie du prolétariat révolutionnaire du fait que, loin de rejeter les plus grandes conquêtes de l'époque bourgeoise, il a — bien au contraire — assimilé et repensé tout ce qu'il y avait de précieux dans la pensée et la culture humaines plus de deux fois millénaires. Seul le travail effectué sur cette base et dans ce sens, animé par l'expérience de la dictature du prolétariat, qui est l'étape ultime de sa lutte contre toute exploitation, peut être considéré comme le développement d'une culture vraiment prolétarienne"

    À l'aune de cet extrait, il semble qu'il faille recontextualiser les questions initiale et finale de Benda. Celles-ci sont maladroitement formulées (peut-être à dessein), dans la mesure où il ne précise pas par rapport à quoi exactement il y aurait rupture et/ou continuité chez les communistes. Lorsque Benda déclare que la "culture occidentale a fait ses preuves", je me doute bien qu'il parle plutôt de l'État de droit que de l'impérialisme ou la colonisation. Le souci, c'est que ces derniers se sont développés ensembles.
    D'où l'importance de préciser la question et de ne pas formuler, de manière particulièrement abstraite, l'opposition éculée "rupture vs. continuité" – mais peut-être est-ce déjà là trop de dialectique pour un rationaliste qui, je m'en doute, ne devait pas beaucoup apprécier Hegel (si son oeuvre lui était connue, ce que j'ignore).


    Pour ce qui est du parallèle entre "wokisme" et une putative version "dure et bolchévique" du marxisme, cela me laisse songeur. Cela me fait penser à la rhétorique d'une dissertation d'agrégation : trouver des points communs parmi deux choses opposées sur beaucoup de points. Trouver des points communs peut être nécessaire, mais cela n'est pas suffisant pour constituer une analogie ou un parallèle pertinent entre deux phénomènes différents. En l'absence de cette pertinente, cela reflète davantage des jugements de valeur ou du vécu qu'une thèse instruite.

    Bien à vous,

    Bien à vous,

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  2. Lénine en effet parle de continuité. C'est une des branches de l'alternative suggérée par Benda. Peut être verriez vous mieux de quoi parle Benda si vous étiez attentif à la citation de Trotsky qu'il donne? C'est bien une forme de rejet. Quant à la comparaison du wokisme d'aujourd'hui avec le radicalisme marxiste de la culture populaire contre la culture bourgeoise, je ne suis pas le seul à la faire: cf par exemple Nathalie Heinich, Le wokisme serait il un totalitarisme? A. Michel 2023. Je n'ai pas dit que le léninisme dur et le wokisme étaient la même chose, mais qu'il y a des similitudes. Le rejetez vous? Je n'ai pas ici prétendu décrire le wokisme, je le fais ailleurs. Mais l'exemple de Princeton ne vous semble -il pas parlant? Comparaison peut être raison.

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  3. Merci de rappeler cette précision. Il me semble que Lénine (comme d'autres) a oscillé sur cette question.

    Concernant la comparaison que vous effectuez, je saisis bien les points communs. Je ne les nie pas, mais me contente d'indiquer que pour que votre démonstration soit probante, il faut montrer deux choses : (i) l'existence de points communs (ii) que ces points communs soient suffisamment distinctifs ou pertinents. Votre propos ne contient que le premier point. Les critères que vous avancez (utopisme et remplacement) sont largement partagés par d'autres mouvements intellectuels.

    Enfin, concernant l'auteur que vous citez, d'aucuns pensent qu'elle est à la sociologie ce qu'un Finkielkraut est à la philosophie. À mon tour de prendre deux points communs : (i) elle tend à s'aventurer bien au-delà de son domaine de compétence, déjà discutable et discuté – (ii) elle formule des jugements de valeur à forte teneur réactionnaire (on l'a connue s'opposant au PACS, puis au mariage pour tous avant de continuer dans la nébuleuse du printemps républicain et de la Revue des deux mondes). À vous de juger si, dans ce cas, comparaison est raison (peut-être pas, car il faudrait alors admettre que Finkielkraut ait eu un jour un domaine de compétences, ce qui peut être difficile à reconnaître).
    Ce dont on peut en revanche être certain à la lecture, c'est que l'ouvrage que vous mentionnez n'est pas un ouvrage scientifique, au sens précis de la méthodologie qu'utilisent les chercheurs pour expliquer le monde social.

    Bien à vous,

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  4. Il me semble que j'ai indiqué (mais certes pas montré,ceci est un blog, pas un traité) des points communs dans mon billet sur Harvard. J'ai aussi beaucoup écrit sur les épisodes touchant la liberté académique. Le fait que d'autres mouvements intellectuels proposent de l'utopisme et du remplacement n'entraîne pas que le wokisme ne le fasse pas aussi, avec bien sûr d'autres caractéristiques que j'ai indiquées .Quant à Nathalie Heinich, il me semble qu'on ne peut pas lui contester d'être sociologue et d'avoir une oeuvre conséquente dans ce domaine. Il lui arrive d'être polémique, mais à mon sens elle touche souvent juste. Et quant au livre sur le wokisme, il me semble à la fois très informatif et juste, même si les ressorts de ce mouvement ne sont pas tous explorés. Je ne sais pas ce que vous appelez scientifique, mais il me semble qu'on peut écrire des ouvrages sérieux sans pour autant être scientifique.
    Un chercheur peut écrire sur un sujet et à côté de ses enquêtes formuler des jugements de valeur en s'engageant. Cela ne veut pas dire nécessairement mélanger les deux.

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  5. Je vous rejoins sur les problèmes que vous pointez touchant la liberté académique et, plus généralement, la dérive intellectuelle consistant à sacrifier des vertus intellectuelles. C'était seulement la comparaison avec le bolchévisme qui m'a interrogé, car je ne la trouve pas pertinente. Mais nous avons exposé nos arguments à ce sujet.

    Je finis sur le dernier point, qui me paraît important pour toute personne défendant la raison.

    J'entends par "scientifique" l'ensemble des méthodes et des outils utilisés par un chercheur, sur à un terrain délimité, lui permettant de produire une connaissance objective, c'est-à-dire fortement indépendante du porteur. Plus concrètement, lorsqu'un chercheur prétend nous livrer des connaissances ou une description d'un phénomène social, je m'attends :

    (i) à ce qu'il énonce soigneusement le cadre de son enquête (s'agit-il des universités françaises et/ou états-uniennes ? S'agit-il du milieu médiatique ? politique ? de sections de la population ? Lesquelles exactement ? À quels moments ?)
    (ii) qu'il élabore, après une revue de la littérature à ce sujet, sa problématique et les concepts qu'il va utiliser.
    (iii) qu'il présente la démarche adoptée pour traiter cette problématique : s'agit-il de théorie ancrée ou d'enquête a posteriori sur des données déjà constituées par des tiers ? S'agit-il d'un mixte ?
    (iv) qu'il explique les méthodes qu'il a utilisées (travail d'archive, observation participante, entretiens, questionnaires, analyse statistique sur bases de données, etc.)
    (v) qu'il présente de manière transparente et critique les sources de ses données (si elles sont déjà constituées) ainsi que les étapes et les procédures la production de ses propres données (s'il en en apporte de nouvelles), afin que le lecteur ou le collègue puisse potentiellement contrôler la production des dites données.

    J'enfonce ici une porte ouverte, mais je crois qu'il est nécessaire de rappeler ce qui est censé être admis par les diverses communautés de chercheurs. C'est ce qui permet d'avoir des garde-fous quant à nos jugements de valeur.

    Vous écrivez qu'on peut écrire "des ouvrages sérieux sans pour autant être scientifique". Je suis d'accord avec vous. Reste à voir si l'ouvrage dont vous parlez rentre dans cette catégorie. J'ai pour ma part de solides réserves, mais ce n'est pas le lieu pour les exposer. Je regrette simplement que vous, qui critiquez – justement à mon sens – le "sham reasoning", ne semblez pas le déceler dans ce type d'ouvrage grand public. Je trouve que là, pour le coup, "c'est un peu gros".

    Bien à vous,

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    1. merci pour la leçon d'épistémologie. Mais le livre dont nous parlons dit clairement qu'il est d'"intervention" pas un ouvrage scientifique. Je connais par ailleurs nombre de livres de sociologie,d'histoire,d'économie,bardés de statistiques et de références, mais fragiles dans leurs hypothèses, biaisés, semi idéologiques, et non dénués de jugements de valeur. J'ai appris, alors même que je connais une partie de la littérature sur le wokisme, du livre de Heinich. Il met à jour -exercice que j'aime bien - toutes sortes de sophismes et répond à des accusations et insultes qu'elles a reçues. Cela ne le rend pas scientifique, et il n'a pas à l'être.
      Benda citait Lénine, indirectement Trotski. Les bolchéviks ont bien voulu du passé faire table rase, comme le dit la chanson. Ils ont souvent du bout des lèvres accepté la culture occidentale. Mais l'idéologie de la science prolétarienne, le lissenkisme, par exemple ont bien été des tentatives de se débarrasser de la culture sientifique "bourgeoise". Le wokisme, qui en effet , je le dis, est flou et vague, a néanmoins dans de nombreux cas cette volonté réformatrice radicale (plus de grec et de latin, sensitivity readers, trigger warnings, réforme de la grammaire et de l'orthographe, annulations de conférenciers, etc.) . Lénine et Staline avaient les moyens étatiques pour ces réformes. Mais l'Etat, les entreprises capitalistes d'aujourd'hui ont les moyens aussi .Ce ne sont pas des bolchéviques, c'est de la société de contrôle.

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