Il y avait, dans les années 60 et début des années 70, un ensemble d'actrices qui se caractérisaient par le trait commun d'avoir un visage triste et mélancolique. Elles tournaient surtout chez Truffaut , Resnais, Chabrol, Godard ou Rivette. Je pense, par exemple à Nelly Borgeaud, Clotilde Joano, Juliet Berto, Christine Pascal, Olga Georges Picot. Pourquoi étaient elles tristes? Peut-être parce qu'elles avaient souvent les paupières tombantes, et n'avaient pas les chairs , ni les blondeurs, des stars usuelles ? Mais il y a des bombes sexuelles tristes, et on peut être brune et gaie (ex. Françoise Dorléac). Ou est-ce parce qu'elles avaient toujours l'air intelligentes ? Ou parce qu'elles avaient surtout des seconds rôles? Ou bien venaient (comme Borgeaud et Joano) de Genève ou de Lyon et Grenoble (Pascal) , villes où l'on est peu expansif ( soit par protestantisme, soit par catholicisme)? Ou bien qu'elles étaient souffreuteuses? Ou peut-être parce qu'elles étaient effarées de la bêtise ambiante? Pourtant Nelly Borgeaud était irrésistible dans L'homme qui aimait les femmes dans le rôle de cette bourgeoise qui ne voulait faire l'amour que dans des lieux improbables , et l'une de ses dernières apparitions dans On connaît la chanson comme médecin était formidable. Clotilde Joano était l'une des bonnes femmes de Chabrol, a un rôle dans Z , et joue une fofolle noblaionne dans Le diable par la queue. Christine Pascal et Juliette Berto se sont essayées à la mise en scène, mais l'une s'est suicidée et l'autre est morte jeune d'un cancer. Olga Georges Picot, sorte de Françoise Hardy encore plus triste que l'original, s'est elle aussi suicidée.
Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ?
Nelly Borgeaud
Clotilde Joano
Juliet Berto
Christine
pascal
Olga
Georges Picot
Il est très émouvant de faire l'inventaire de nos étoiles filantes des années 60-70, qui faisaient découvrir la femme aux philosophes. C’ étaient des femmes à idées ou à questions, avec des airs tristes et boudeurs. Il reste Clémentine Autain, la pasionaria mélenchonienne pourtant douée pour la comédie et le chant, la fille de Dominique Laffin - la Femme qui pleure de Doillon-, pour nous rappeler ces étoiles.
RépondreSupprimerElles distillaient un charme étrange et cérébral. Heureusement, pour le glamour et les clins d’œil aux stars d’Hollywood, il y avait encore Seyrig et Pisier.
j'ai pensé mettre pisier dans la liste, et aussi seyrig. Mais elles n'étaient pas aussi mélancoliques.
RépondreSupprimeret je ne vois pas le rapport avec la mélencholie de Madame Autain.
À vrai dire, Clémentine Autain ferait plutôt penser à Jean Seberg. Mais elle aura eu une dure vie d’héritière à assumer, traînant après elle les icônes de la Nouvelle Vague, comme les ectoplasmes des photographies spirites d’un autre siècle. D’ailleurs, chez ces étoiles filantes des années 60-70, qui voulaient ressembler à tout le monde, il y avait déjà aussi la politique et la révolution. Elles étaient tristes de la misère du monde. Juliet Berto sera pour toujours la Chinoise maoïste de Godard, dans la mémoire des cinéphiles.
RépondreSupprimerChez ces étoiles filantes, il y avait un nouvel érotisme. Le désir, jamais assouvi, rend triste. On se souvient d’Olga Georges-Picot dans « Glissements progressifs du plaisir » de Robbe-Grillet.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimercomparer clementine autain a jean seberg c est un peu comme comparer maria casares a carmen miranda
RépondreSupprimerIl n’ est peut-être pas incongru d'évoquer le cinéma, quand on parle d’une insoumise radicalisée, qui est peut-être objectivement, et comme le disait Sartre de Foucault, le dernier rempart de la bourgeoisie. On joue à la révolution comme on joue au petit soldat. C’ était une des leçons de la « Chinoise » de Godard. Après, on se prend au sérieux, et la comédie devient dramatique. C'est ce qui adviendra au Godard piégé et marginalisé des années 70, et aux post-soixante-huitards. On a pu critiquer Cohn-Bendit, mais il faut reconnaître qu'il n’a jamais cessé de s'amuser. C’ est ce qui a dirigé toute sa vie. Après mai 68, il s’enfuit en voiture de sport conduite par Marie-France Pisier, avec une perruque sur la tête. La révolution était impensable sans l’ amour, comme pour le Docteur Jivago.
RépondreSupprimerAvec le recul, on voit la révolution russe comme une réunion d’ amis libertaires, follement inventifs et artistes, dans laquelle Lénine, lui aussi porteur de perruques, tenait sa place, même s’ils le trouvaient un peu exagéré avec ses discours d'agitateur. Et puis, on ne comprend toujours pas comment tout a basculé, quand Lénine est devenu le tyran de ses amis, qui étaient les meilleurs du monde.
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je ne sais si ce commentaire s'adresse à l'auteur du blog, car il est allé dans le spam. Mais si l'auteur veut bien lui aussi
Supprimerdétailler ses critiques, je lui répondrai.
allez demander aux ex du goulag, aux ex de pol pot, aux ex bourgeois chinois deportes a la campagne par les gardes rouges si la revolution
RépondreSupprimerleur a semble amusante .
Je crois avoir découvert pour la première fois Christine Pascal en 1974 à travers son rôle léger et enjoué de prostituée dans Que la fête commence ! Quelle ne fut pas alors ma surprise de voir son premier film en 1979 Félicité, si lourdement désespéré !
RépondreSupprimerPour Christine Pascal, tourner un film avec Tavernier était une de ses nombreuses manières d'échapper au cinéma d'auteur et à ses excès (l'auteurisme). Les étoiles de ce billet s'y sont beaucoup consacrées. Dans "Que la fête commence !", qui donnait à entendre la musique sublime de l'opéra "Penthée" du Régent, tiré des "Bacchantes" d'Euripide, on ne voyait que Christine Pascal, qui faillit être oscarisée pour son second rôle qui crevait l'écran. Le film parlait aussi du présent, de la crise et de la fin de la prospérité économique, de la vague libérale qui allait se mêler à la pensée libertaire, pour donner le libertaro-libéralisme qui fascinera Foucault. Christine Pascal restera toujours libre et rebelle. Elle sera la Garce, plutôt que la féministe. Puis elle s'enfoncera dans l'obsession de la mort, et de sa mort, renforcée par l'arrivée du sida.
SupprimerPour la question de la folie, on ne savait pas que c'était aussi grave. Dans les années 70, tout le monde jouait au fou et à la révolution.
J'avoue qu'il est difficile de ranimer de vieux débats, afin de retrouver le contexte d'une époque qui refaisait le monde. Mais faut-il être précontextuel comme un essentialiste, quand on évoque la mélancolie de ces étoiles filantes qui rappelaient les héroïnes d'Edgar Poe ? Rorty disait que tout objet est solidaire d'un contexte, et il devait sûrement inclure l'objet aimé ou adulé.
RépondreSupprimerPour les paupières tombantes de Juliet Berto, qui accusaient dix heures du soir, il faut dire que cette génération a brûlé la chandelle par les deux bouts, dans un tourbillon de fête perpétuelle, en voulant tout faire, tout voir, tout essayer. Elle devait fatalement toucher à la mise en scène, après avoir brûlé les planches et les plateaux de tournage. Le film "Neige" de Juliet Berto, très réussi, qui avait la nostalgie du vieux Pigalle, et dans lequel Eddie Constantine reprenait même du service, parlait de cette poudre blanche et magique, qui donnait l'extase à une jeunesse qui ne voulait pas éprouver la fatigue. Il me semble aussi qu'Olga Georges-Picot et Christine Pascal se prenaient pour des oiseaux, sous l'emprise de médicaments. Ou bien, ces étoiles fragiles à l'éclat sombre, à qui le noir et blanc de la télévision allait si bien, comme pour Clotilde Joano, sont mortes, parfois encore jeunes, d'une maladie foudroyante.
Ces cinq étoiles, dont il est question ici, semblent n'avoir jamais rencontré Marguerite Duras. Pourtant Olga Georges-Picot, qui éprouvait sans doute parmi elles le plus douloureux mal de vivre, était un personnage durassien. C'était une fille d'ambassadeur, née en Chine, un peu comme Marie-France Pisier, qui venait d'Indochine, ou Delphine Seyrig, du Liban. Olga Georges-Picot, avec son physique parfait d'icône de la Nouvelle Vague, a aussi fait la carrière la plus étrange de toutes les cinq. On ne sait trop pourquoi, elle fit du cinéma érotique bizarre dans les années 70, avec des implants surréalistes, notamment avec Alain Robbe-Grillet, qui avait pourtant pour ambition d'adapter "La Sorcière" de Michelet.
oui pourquoi duras n a t elle jamais utilise ces actrices ?
RépondreSupprimermais vous tirez tout vers Seyrig,
qui n avait pas la melancolie de celles que j ai relevee.
Il est certain qu’il manquait la mélancolie à Delphine Seyrig, mais elle restera Madame Tabard pour toujours. C’ était un moment de grâce et de féminité absolue dans sa carrière filante. Ces étoiles-là ont toutes profité d’une rare occasion de jouer un personnage iconique et archétypal. Mais leur carrière fut discrète, brève ou décevante. Il est vrai qu'elles fréquentaient peu, ou épisodiquement, les gens de cinéma hors des studios. Il y eut d'étonnantes erreurs de casting, comme pour Olga Georges-Picot, dans une suite d’ « Emmanuelle » dirigée par François Leterrier, le Condamné à Mort de Bresson qui s’évadait d’une prison de Lyon comme le chrétien trouve son salut.
RépondreSupprimerIl y eut aussi les films bizarres que Romain Gary fit tourner à Jean Seberg : « Les oiseaux vont mourir au Pérou », « Police Magnum », pour lesquels il avait mobilisé Hollywood. D’une certaine façon, on peut aussi se demander si Mélenchon n'est pas le Romain Gary de Clémentine Autain.
On peut se demander si Gary aurait été à Seberg ce que Mélenchon est à Autain ? Vertige de l'analogie. La réponse est "non".
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