illustration en vue d'un mise en examen pour harcèlement sexuel
Je n'ai jamais vraiment cru qu'il y a un langage de la pensée , au sens où Jerry Fodor (1935-2017) en a articulé la thèse, néo-occamienne et néo-hobbesienne, durant toute sa carrière. Au départ mes arguments contre LOT tenaient surtout à mon adhésion aux thèses post-wittgensteiniennes ou post quiniennes de Davidson et Dummett : la signification est et ne peut être que publique. Mais cette thèse aussi est fautive. Plus tard je fus séduit par la sémantique des rôles conceptuels, et par l'idée , que proposait alors Colin Mc Ginn , selon laquelle il y a une bifurcation du contenu, ou un double rôle, interne et externe. Puis finalement j'admis une forme d'internalisme, mais l'idée , poussée à l'extrême par Sperber, selon laquelle tout est modulaire dans l'esprit me semblait fausse. Mais je ne pouvais pas croire - surtout s'agissant des contenus de perception - que ce fût sous la forme d'un langage structuré comme LOT. Je fus moins séduit encore par les attaques de JF contre la théorie darwinienne, même s'il faut admettre qu'il avait quelques points corrects. Mais par dessus tout, ce que nous aimions chez JF, c'était son humour dévastateur. On en aura une petite idée dans les superbes contributions qu'il fit à la LRB. Il y parlait de littérature (il aimait Barbara Pym, ce que j'approuvais) et d'opéra ( il aimait Wagner). Il y avait quelque chose chez lui de Twain et Mencken comme pour tout américain qui se respecte et qu'on respecte.
C'est vraiment passionnant, ce qui est advenu à la génération analytique de Jerry Fodor. Elle a découvert la machine à calculer électronique, l'ENIAC équipé de tubes à vides et de commutateurs pour les interruptions système, qui était l'ancêtre de notre ordinateur bien connu. Jerry Fodor en a fait un modèle épistémique, ce qui rendait un hommage un peu exagéré au génie humain. La pensée s'exprimait en langage machine, dont il fallait décompiler le code ! Le cerveau humain, siège de la pensée, était une infrastructure informatique. Il y avait là une conception matérialiste des rapports entre le cerveau et la pensée. Cela inspirera aussi la neurobiologie d'un Jean-Pierre Changeux, qui la vulgarisera dans "L'homme neuronal". Tout un programme (informatique, bien sûr) !
RépondreSupprimerLes chips sont pour l'apéritif. Au dessert, c'est le millefeuille des couches de l'infrastructure informatique.
Fodor était surtout un chomskyen. Cette affaire d'ordinateurs ne le passionnait pas. Changeux refuse la métaphore du cerveau comme ordinateur.
RépondreSupprimerLe modèle matériel/logiciel implique l'innéité des idées. C’ est pourquoi Fodor rejoignait Chomsky, que nous avons célébré comme le nouveau Descartes.
RépondreSupprimerIl est intéressant de voir comment Changeux habille ses cartes mères et ses circuits imprimés avec une philosophie de l'esprit. Mais l'ordinateur neuronal pourrait dépasser l’homme neuronal, s’il est vrai que l'intelligence artificielle a l’avenir que lui prédisent les vulgarisateurs et les auteurs de science-fiction.
non , on peut être empiriste et soutenir que les concepts-symboles du langage de la pensée se sont formés à partir de l'expérience. Mais en effet la thèse LOT se marie mieux à l'innéisme des concepts. Changeux n'habille rien de philosophie de l'esprit, car il n'aime pas la philosophie de l'esprit. Il me traita jadis de bergsonisme, suprême insulte pour moi.
RépondreSupprimerSi aujourd'hui l'informatique peut servir de modèle à la philosophie, ce n'est plus avec l'ordinateur né de la Machine de Turing, mais avec la méthode agile de la gestion de projet, qui s'impose partout, jusque dans les nouveaux partis politiques qui ont des dirigeants jeunes. Il y aurait une philosophie agile, qui ferait pousser les entreprises comme des champignons et qui pourrait révolutionner le monde de l'université et de la recherche. À vrai dire, avec l'agilité, on gère davantage un produit, dont on peut à tout moment modifier les spécifications, qu'un projet. Dans le monde de la recherche, le Product Owner serait le responsable de laboratoire, tandis que le Scrum Master serait le directeur d'études, garant de l'application de la méthodologie par une équipe de doctorants.
RépondreSupprimerÀ cause d'une méthodologie inadéquate, le taux global d'abandon des thèses serait de 25%, ce qui avoisine le taux d'abandon des projets informatiques. En outre, on ne sait peut-être pas bien qui seront les utilisateurs finaux de la thèse, alors que le projet agile les implique. J'ignore quel est le taux des thèses pouvant être considérées comme des succès. Pour les projets informatiques aux méthodes traditionnelles, le taux de réussite était d'environ un tiers.
Je ne suis pas compétent pour juger, mais l'approche prédictive du directeur d'études, qui planifierait dans le détail l'intégralité des travaux, serait sans doute contre-productive. L'approche agile d'un projet le découpe plutôt en segments, qui sont des itérations que l'on appelle des sprints. La clé du sucés d'un projet agile réside dans la motivation et le dialogue en face à face.
Néanmoins, il existe des sites comme "Ciel mon doctorat !", qui recensent les situations cauchemardesques, auxquelles on ne peut rien : "Quand ton DR décide de complètement réorienter ton sujet de thèse parce ce qu'il a une "intuition".", "Quand tu rêves du jour de ta soutenance et que ton DR t'annonce qu'il sera en retard mais que ce n'est pas grave…", "Quand mon directeur se colle co-auteur de toutes mes publis et interventions", "Quand tu reçois l'évaluation de ton article sur lequel tu bosses depuis 2 ans, et qu'il est refusé", "Quand mon DR a trouvé le temps de voir tous ses doctorants, sauf moi", "Quand tu t'apprêtes à terminer un article mais que tu tombes sur une nouvelle référence qui change tout", "Quand le président de séance répond à ma place", "Quand tes rapporteurs demandent le report de ta soutenance parce que ton travail n'est pas assez "abouti" et qu'il faut tout recommencer", "Quand une autre équipe sort un preprint à propos d'une idée que tu avais et qu'il ne te reste plus qu'à faire autre chose", "Quand tu découvres que quelqu'un travaille déjà sur le sujet de la nouvelle doctorante de ton DR", etc.
Ces problèmes ne se posent jamais quand les thésards donnent à leur directeur un plan détaillé et argumenté de leur travail au moment de l'inscription de la thèse, avec biblio et tout le toutim. Trop souvent les doctorants s'engagent dans une thèse sans avoir la moindre idée du sujet, ni formation antérieure. Les directeurs ne devraient alors pas les accepter en thèse.
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