Voilà une façon de nous expliquer la physique quantique, avec trois fois rien ! Dans le rayon de la bonne vulgarisation, nous avons aussi un Père Noël, Cédric Villani, qui va déposer au pied du sapin son coffret de conférences, au tableau noir, sur les mathématiques supérieures. En physique, Cédric Villani s'est intéressé en matheux à l'entropie et aux problèmes qui lui sont liés, notamment dans le domaine des plasmas. Le Doc Holliday ne collisionne pas notre héros national du rock dans les mondes quantiques et paronymiques, mais notre héros était lui-même multiple. Il semble impossible d'épuiser toutes ses facettes. Je retiens l'aspect balzacien du personnage, condamné à travailler à vie pour payer ses dettes et ses impôts. La cigarette pour lui était un peu la tasse de café de Balzac. Nous autres les fonctionnaires, nous lui disons merci pour les crédits budgétaires. Il y a aussi cette voix, que l'on ne remarquait même plus, tant elle était évidente et familière, et qui avait une richesse prodigieuse, que les spécialistes s'échinent à définir, et qui aura été la raison principale, toute simple, de son succès.
mais callas avait une assez belle voix aussi, de meme que caruso. pourquoi notre rocheur n a t il pas passe les frontieres , sauf pour echapper au fisc ?
Dans « Le monocle du colonel Sponsz » (TheBookEdition), Hermann von Trobben rapproche la belgitude philosophique du nihilisme schopenhauerien. Doc Hallyday trouvait sûrement dans le show-biz des raisons métaphysiques d'être superficiel.
La belgitude philosophique c'est le Cardinal Mercier. Baudelaire et Schop sont passés à côté du rationalisme belge. A fortiori Johnny , qui raisonnait avec son unique neurone mais avait un coeur gros comme çà. les gens le prisent pour son coeur, pas pour sa raison.
Son "unique" neurone ne lui a pas mal réussi. Je ne connais pas beaucoup d'artistes qui peuvent se vanter d'avoir eu une carrière aussi longue. Dommage pour l'intelligence de Jean d'Ormesson qui considérait qu'un écrivain devait réussir sa mort. Il a notamment pris l'exemple de Jean Cocteau où sa mort est passée quasiment inaperçue, car il est décédé en même temps qu'Edith Piaf. "Ironie du sort", Jean d'Ormesson a eu la bêtise de mourir la veille de Johnny. On peut donc en conclure qu'il a complètement raté sa mort.
oui, on peut réussir avec un seul neurone, et rater avec des millions de neurones. Il y en a des milliards d'exemple. Quant à l'histoire d'O. , elle est encore plus triste
On peut parfois passer à la postérité en réussissant sa mort, mais était-ce si important dans le cas de Jean d’O ? Il restera un écrivain de la Restauration après les années soixante-huitardes, comme Chateaubriand et Tocqueville à une autre époque. Mediapart a ressorti la Conférence de Foucault en 69 sur la mort de l'auteur, à la Société Française de Philosophie, où Jean d’O était intervenu avec une ironie mordante. Mediapart accable Jean d’O, monument de bêtise nationale qui voulait jouer au grand écrivain, et qui ne comprenait rien à Foucault. On mesure surtout le passage du temps et de la mode. Le dernier Foucault ne croyait peut-être déjà plus à la mort de l’auteur. Reste que le rapprochement avec Cocteau-Piaf est troublant. Johnny avait chanté Piaf. Enfant de Montmartre, il avait un intérêt certain pour la chanson naturaliste. Dans son cabaret, Aristide Bruant invectivait déjà le client bourgeois sur sa « gueule ». Pour la blague, le rapprochement entre Jean d’O et Histoire d’O est drôle, mais Jean d’O ne semblait pas curieux d'érotisme noir, même si la matrice secrète du livre sulfureux de Dominique Aury était son rêve d'être l’esclave du patron de la NRF. Jean d’O fut un célibataire tardif, comme Julien Benda, un soupirant romantique.
Aux lecteurs de ce blog : ont ils jamais lu un livre de Jean D'O ? Si oui, peuvent ils me montrer en quoi leur auteur est digne d'intérêt ? je promets de me pencher avec patience sur ces pages.
Tout le monde a, au moins, vu l’adaptation d’ « Au plaisir de Dieu », qui a été souvent diffusée par les chaînes de TV. Jean d’ O, cet aristocrate grand bourgeois, était un marginal, un perdant de l’Histoire qui tentait de se rendre utile dans le monde moderne, et cela le rendait intéressant. Dans son histoire de la littérature française, son travail portait sur tous les seconds des Lettres, qui avaient raté leur coup avec panache. Son côté décadent lui donnait le goût de la posture et de la fumisterie. Son premier roman, « L’Amour est un plaisir », était un pastiche de Sagan. Son troisième roman avait le charme suranné des vieux romans d’amour, à l'époque du Nouveau Roman. Il adorait aussi mélanger le roman et l’autofiction, avec ses mensonges et sa fausse modestie. Il se prenait carrément pour Chateaubriand, dont il enviait la vie amoureuse. Il écrira un roman canularesque, « La Gloire de l’Empire », sans doute le plus réussi, sur Alexis, un empereur romain imaginaire. À partir de 70 ans, Jean d’O a écrit des livres de philosophie (« Presque tout sur presque rien », etc.), qui sont des chefs-d’ œuvre de bullshit. Pourquoi lisait-on Jean d’O ? À l'époque, dans l’ensemble, le Nouveau Roman était illisible. Quand on comprenait, on découvrait une annexe des sciences humaines. Il y a des lecteurs qui n’avaient pas eu accès à la littérature à l'école, et qui avouaient l’avoir découverte bien plus tard, grâce à « Histoire du Juif errant ». Jean d’O est apparu dans « Éloge de l’amour » de Jean-Luc Godard, qui racontait une histoire de scénariste en panne d’inspiration et d’amour. Une façon de dire que Jean d’O, lui, avait toujours des idées.
Eh bien, vous m'avez convaincu,je vais essayer de lire. Si je comprends bien nous allons bientôt, outre la Pléiade, le mettre au Pantheon! Santo subito !
Il y a eu aussi le travail de Jean d'O à la revue internationale et transdisciplinaire de sciences humaines, "Diogène", qu'il dirigea après Roger Caillois, qui était son maître. Caillois venait du Collège de Sociologie de Georges Bataille, nourri de surréalisme et de mystique. Il en avait conservé l'esprit, malgré des divergences, et "Diogène" était un peu le pendant de la revue "Critique". Jean d'O ne prit pas parti dans la polémique qui opposa Caillois, anthropologue amateur, à Lévi-Strauss, à propos de "Race et histoire". Caillois était universaliste. Il tirait le sacrifice vers le bas et il l'expliquait à partir de l'observation des insectes et des pierres. Lévi-Strauss était relativiste, car il rattachait le sacrifice à une finalité supérieure des phénomènes humains. Jean d'O disait que "Tristes Tropiques" de Lévi-Strauss était son livre préféré. Il l'appréciait surtout en littéraire. Pour lui, l'incipit de l'ouvrage ("Je hais les voyages et les explorateurs.") valait celui de "Du côté de chez Swann" ou celui de "La Chartreuse de Parme". À "Diogène", Jean d'O a été surtout un manager. Il n'a pas laissé de contribution inoubliable, à part un article pour les cinquante ans de la revue. Et dans le numéro 173 collectif de la revue, en 1996, intitulé "Qui sommes-nous ?", il a donné un aperçu de sa philosophie avec l'article "Tentative de réponse à des questions sans réponse", avant une contribution de Richard Rorty ("Universalisme moral et tri économique"). Pour la suite, le sommaire était bigarré. Chacun se questionnait sur son identité nationale. À mon avis, Jean d'O était existentialiste dans sa jeunesse, et il l'est resté jusqu'au bout. Dans son avant-dernier livre, "Guide des égarés", il se proposait d'être le salut des égarés de l'existence. Il s'inspirait du courant du "Fides quaerens intellectum" des penseurs éclairés du Moyen-Âge, comme Maïmonide, qui voulaient mettre fin à l'opposition entre croyance religieuse et savoir rationnel. C'était très actuel. Néanmoins, Jean d'O continuait à rêver en littéraire, car l'Andalousie du Moyen-Âge est très largement mythique.
je serais intéressé à savoir en quoi d'O était rationnel, mis à part la gestion habile de sa fortune et de sa gloïre. je n'irai pas jusqu'à acheter les Pleiade. Certains, dont je ne suis pas , pensent que si un auteur est très lu , c'est qu'il doit avoir quelque chose de bon, même si les pinailleurs trouvent à redire à ses qualités. On cite alors Dickens, Hugo, et il y a des gens pour nous dire que JK Rowling est géniale. Mais Béranger, Ponson du Terrail et Barbara Cartland aussi furent très lus...
Les œuvres de J.K. Rowling ou de Barbara Cartland sont des mondes à part, des univers complets, réservés à l'enfance ou au public populaire féminin. En principe, nous n'avons rien à y faire ("Ah bon, vous lisez ça, vous ?"), mais il n'est pas interdit d'essayer de comprendre les raisons profondes de leur succès. Il y aurait énormément à dire sur cette littérature pour les dames, louablement éprises de bonheur, amoureuses de l'amour, tandis que leurs hommes recherchent toutes les galères du monde, littérature qui n'est pas morte dans la bonbonnière de Barbara Cartland. Cette littérature a continué, en évoluant doucement, avec Bridget Jones, ou "Le diable s'habille en Prada", "Cinquante nuances de Grey", ou même avec les histoires d'amitiés féminines d'Elena Ferrante. Chez Barbara Cartland, qui écrivait deux romans par mois, le poncif du bonheur était une véritable discipline de vie en rose, un peu comme pour Jean d'Ormesson, qui ne cessait de réciter comme son mantra que la vie est belle, ou qu'elle le fut, tandis qu'il ordonnait son œuvre comme un mandala de sable multicolore, que le souffle du vent allait emporter. Après tout, pourquoi pas ? Le poncif de Cartland l'a même hissée au niveau de l'illustration de la postmodernité citationnelle, qui marque la fin de l'innocence, comme l'avait bien vu Umberto Eco. En effet, un homme ne peut plus dire à une femme "je vous aime à la folie", parce que c'est du Barbara Cartland. L'homme est maintenant obligé de dire : "comme dirait Barbara Cartland, je vous aime à la folie". Chez les auteurs qui ont beaucoup écrit, même s'ils n'avaient rien à dire, il y a quelquefois des perles, comme "Le Disciple" de Paul Bourget, dans le bavardage de ses romans moisis, à thèses et à idées. C'est un peu la même chose pour les séries télévisées, quand on prend un jour de congé pendant la semaine et que l'on s'oublie sur son canapé dans l'après-midi. On reste quelquefois éberlué devant l'épisode que diffuse la télévision. C'est sans doute parce que les vieux routiers qui mènent la série ont dû passer la main une fois à un jeune loup, promis à un grand avenir, et qui se fait les dents. Un logicien devrait s'intéresser à Ponson du Terrail, le créateur d'un universel dans la sous-catégorie des noms propres, qui est passé dans le langage courant avec l'adjectif "rocambolesque". Quant à Béranger, aristocrate décavé, on l'a oublié, mais il fut honoré par les plus grandes figures de son siècle. Il a transmis la tradition du Caveau aux chanteurs engagés et aux chansonniers modernes. On a le souvenir d'avoir chanté dans les banquets "Le Roi d'Yvetot" ("Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !"), ce tube du XIXème siècle qui nous revient comme la réminiscence d'une autre vie. Quand on arrive à la fin d'une vie, comme Jean d'O, on peut voir la fin et le recommencement d'un cycle dans l'Histoire. Les Bonapartistes invitent les Parisiens à se rendre le 9 janvier prochain à l'Église Saint-Augustin, pour la commémoration de la mort de l'Empereur Napoléon III.
Le Cardinal Mercier était une sorte de Professeur Tournesol, à la frontière entre la science et le paranormal, dans la Belgique catholique wallonne. Mais il n'était pas un savant de laboratoire et de terrain, comme Teilhard de Chardin, jésuite rusé qui tentait d’unifier la science et la théologie. Le Cardinal avait pourtant de vastes connaissances scientifiques, et il maniait le néothomisme comme Tournesol utilise son pendule de radiesthésiste. La Critériologie du Cardinal ressemblait à une invention farfelue du Professeur. Néanmoins, le Cardinal avait de sérieux doutes sur le dogme de l'Immaculée Conception, comme Teilhard sur le péché originel. Mais cela est une autre affaire, à ranger dans les tourments de la croyance.
Sans se limiter à la Belgique, il faut reconnaître que le thomisme continue d’inspirer les penseurs. Il y aurait un thomisme analytique. Mais Juliette Grange, positiviste comtienne, a aussi identifié d’ autres prêtres analytiques, célèbres au XIXème siècle, Bolzano et Brentano. Il est vrai que les positivistes comtiens voient des prêtres partout.
Un autre prélat intéressant fut le Cardinal Wiseman, auteur d’un roman sur les chrétiens des catacombes qui fut un péplum au cinéma (« Fabiola »). C’était un immense érudit, qui avec le Mouvement d’Oxford initia la recatholicisation de l'Angleterre, pour mettre fin au premier Brexit, celui de l'anglicanisme. Mais la diversité riche des sectes anglicanes n’ est-elle pas préférable au « back to Rome, back to home » ?
À l'Université de Louvain, le Cardinal Mercier fut le directeur de thèse de Maurice De Wulf, qui écrivit une passionnante "Histoire de la Philosophie en Belgique". De Wulf, historien de la philosophie médiévale, s'intéressait aussi, comme Samuel Beckett, à Arnold Geulincx, disciple occasionnaliste de Descartes. De Wulf écrivait une véritable histoire de la philosophie, en ce sens qu'elle était fidèle à l'Histoire. Le XVIIème siècle ne fut pas vraiment cartésien. C'était plutôt le siècle de l'aristotélisme décadent, à la métaphysique et à la syllogistique dénaturées, qui, avec une foi en l'autorité aveugle du maître (l'ipsédixitisme), faisait des contresens sur le genre et l'espèce, le terme vocal, le tout et la partie, etc. Dans les manuels de philosophie de l'époque apparaissait le "parergon", que célébrera Derrida, à savoir la gravure, l'ornement par l'image, qui illustrait le contresens en le facilitant. Pour faire comprendre le tout et la partie, le maître ajoutait la gravure de Charles Ier d'Angleterre, décapité, sa tête à côté de son corps ! Au XVIIIème siècle, le cartésianisme se sédimentera avec l'aristotélisme décadent, sans le remplacer, sauf dans le domaine de la physique. Au XVIIème siècle, on lisait des aristotéliciens plutôt que Descartes, comme, au XXème siècle, on aura lu Jean d'O davantage que Beckett.
Dans une autre dimension, il conviendrait peut-être de traiter des problèmes philosophiques que pose le testament de notre immortel Rocker. Plus généralement, il faudrait aborder les problèmes posés par le premier amour et par le dernier amour. Kierkegaard s’y était intéressé. Le premier amour n’ est pas un numéro ordinal, car on lui reste toujours plus ou moins contemporain. Dans ce qui nous occupe, pourquoi un dernier amour annule-t-il tous les autres ? Dans les deux cas, c’ est sans doute parce que la répétition est impossible en amour. Si les rockers romantiques se désolent de n’avoir rien à recycler en amour, ils peuvent toujours se mettre au sampling. Il y a un excellent livre sur ce sujet : http://www.konbini.com/fr/entertainment-2/brice-miclet-livre-sample-origines-hip-hop/
Voilà une façon de nous expliquer la physique quantique, avec trois fois rien ! Dans le rayon de la bonne vulgarisation, nous avons aussi un Père Noël, Cédric Villani, qui va déposer au pied du sapin son coffret de conférences, au tableau noir, sur les mathématiques supérieures. En physique, Cédric Villani s'est intéressé en matheux à l'entropie et aux problèmes qui lui sont liés, notamment dans le domaine des plasmas.
RépondreSupprimerLe Doc Holliday ne collisionne pas notre héros national du rock dans les mondes quantiques et paronymiques, mais notre héros était lui-même multiple. Il semble impossible d'épuiser toutes ses facettes. Je retiens l'aspect balzacien du personnage, condamné à travailler à vie pour payer ses dettes et ses impôts. La cigarette pour lui était un peu la tasse de café de Balzac. Nous autres les fonctionnaires, nous lui disons merci pour les crédits budgétaires. Il y a aussi cette voix, que l'on ne remarquait même plus, tant elle était évidente et familière, et qui avait une richesse prodigieuse, que les spécialistes s'échinent à définir, et qui aura été la raison principale, toute simple, de son succès.
mais callas avait une assez belle voix aussi, de meme que
RépondreSupprimercaruso. pourquoi notre rocheur n a t il pas passe les frontieres , sauf pour echapper au fisc ?
Dans « Le monocle du colonel Sponsz » (TheBookEdition), Hermann von Trobben rapproche la belgitude philosophique du nihilisme schopenhauerien. Doc Hallyday trouvait sûrement dans le show-biz des raisons métaphysiques d'être superficiel.
RépondreSupprimerLa belgitude philosophique c'est le Cardinal Mercier. Baudelaire et Schop sont passés à côté
RépondreSupprimerdu rationalisme belge. A fortiori Johnny , qui raisonnait avec son unique neurone mais avait un coeur gros comme çà. les gens le prisent pour son coeur, pas pour sa raison.
Son "unique" neurone ne lui a pas mal réussi. Je ne connais pas beaucoup d'artistes qui peuvent se vanter d'avoir eu une carrière aussi longue. Dommage pour l'intelligence de Jean d'Ormesson qui considérait qu'un écrivain devait réussir sa mort. Il a notamment pris l'exemple de Jean Cocteau où sa mort est passée quasiment inaperçue, car il est décédé en même temps qu'Edith Piaf. "Ironie du sort", Jean d'Ormesson a eu la bêtise de mourir la veille de Johnny. On peut donc en conclure qu'il a complètement raté sa mort.
Supprimeroui, on peut réussir avec un seul neurone, et rater avec des millions de neurones. Il y en a des milliards d'exemple.
SupprimerQuant à l'histoire d'O. , elle est encore plus triste
On peut parfois passer à la postérité en réussissant sa mort, mais était-ce si important dans le cas de Jean d’O ? Il restera un écrivain de la Restauration après les années soixante-huitardes, comme Chateaubriand et Tocqueville à une autre époque. Mediapart a ressorti la Conférence de Foucault en 69 sur la mort de l'auteur, à la Société Française de Philosophie, où Jean d’O était intervenu avec une ironie mordante. Mediapart accable Jean d’O, monument de bêtise nationale qui voulait jouer au grand écrivain, et qui ne comprenait rien à Foucault. On mesure surtout le passage du temps et de la mode. Le dernier Foucault ne croyait peut-être déjà plus à la mort de l’auteur. Reste que le rapprochement avec Cocteau-Piaf est troublant. Johnny avait chanté Piaf. Enfant de Montmartre, il avait un intérêt certain pour la chanson naturaliste. Dans son cabaret, Aristide Bruant invectivait déjà le client bourgeois sur sa « gueule ».
SupprimerPour la blague, le rapprochement entre Jean d’O et Histoire d’O est drôle, mais Jean d’O ne semblait pas curieux d'érotisme noir, même si la matrice secrète du livre sulfureux de Dominique Aury était son rêve d'être l’esclave du patron de la NRF. Jean d’O fut un célibataire tardif, comme Julien Benda, un soupirant romantique.
Aux lecteurs de ce blog : ont ils jamais
Supprimerlu un livre de Jean D'O ? Si oui, peuvent ils me montrer en quoi leur auteur est digne d'intérêt ? je promets de me pencher avec patience sur ces pages.
Tout le monde a, au moins, vu l’adaptation d’ « Au plaisir de Dieu », qui a été souvent diffusée par les chaînes de TV. Jean d’ O, cet aristocrate grand bourgeois, était un marginal, un perdant de l’Histoire qui tentait de se rendre utile dans le monde moderne, et cela le rendait intéressant.
SupprimerDans son histoire de la littérature française, son travail portait sur tous les seconds des Lettres, qui avaient raté leur coup avec panache.
Son côté décadent lui donnait le goût de la posture et de la fumisterie. Son premier roman, « L’Amour est un plaisir », était un pastiche de Sagan. Son troisième roman avait le charme suranné des vieux romans d’amour, à l'époque du Nouveau Roman. Il adorait aussi mélanger le roman et l’autofiction, avec ses mensonges et sa fausse modestie. Il se prenait carrément pour Chateaubriand, dont il enviait la vie amoureuse.
Il écrira un roman canularesque, « La Gloire de l’Empire », sans doute le plus réussi, sur Alexis, un empereur romain imaginaire.
À partir de 70 ans, Jean d’O a écrit des livres de philosophie (« Presque tout sur presque rien », etc.), qui sont des chefs-d’ œuvre de bullshit.
Pourquoi lisait-on Jean d’O ? À l'époque, dans l’ensemble, le Nouveau Roman était illisible. Quand on comprenait, on découvrait une annexe des sciences humaines.
Il y a des lecteurs qui n’avaient pas eu accès à la littérature à l'école, et qui avouaient l’avoir découverte bien plus tard, grâce à « Histoire du Juif errant ».
Jean d’O est apparu dans « Éloge de l’amour » de Jean-Luc Godard, qui racontait une histoire de scénariste en panne d’inspiration et d’amour. Une façon de dire que Jean d’O, lui, avait toujours des idées.
Eh bien, vous m'avez convaincu,je vais essayer de lire. Si je comprends bien nous allons bientôt, outre la Pléiade, le mettre au Pantheon! Santo subito !
SupprimerIl y a eu aussi le travail de Jean d'O à la revue internationale et transdisciplinaire de sciences humaines, "Diogène", qu'il dirigea après Roger Caillois, qui était son maître.
SupprimerCaillois venait du Collège de Sociologie de Georges Bataille, nourri de surréalisme et de mystique. Il en avait conservé l'esprit, malgré des divergences, et "Diogène" était un peu le pendant de la revue "Critique". Jean d'O ne prit pas parti dans la polémique qui opposa Caillois, anthropologue amateur, à Lévi-Strauss, à propos de "Race et histoire". Caillois était universaliste. Il tirait le sacrifice vers le bas et il l'expliquait à partir de l'observation des insectes et des pierres. Lévi-Strauss était relativiste, car il rattachait le sacrifice à une finalité supérieure des phénomènes humains.
Jean d'O disait que "Tristes Tropiques" de Lévi-Strauss était son livre préféré. Il l'appréciait surtout en littéraire. Pour lui, l'incipit de l'ouvrage ("Je hais les voyages et les explorateurs.") valait celui de "Du côté de chez Swann" ou celui de "La Chartreuse de Parme".
À "Diogène", Jean d'O a été surtout un manager. Il n'a pas laissé de contribution inoubliable, à part un article pour les cinquante ans de la revue. Et dans le numéro 173 collectif de la revue, en 1996, intitulé "Qui sommes-nous ?", il a donné un aperçu de sa philosophie avec l'article "Tentative de réponse à des questions sans réponse", avant une contribution de Richard Rorty ("Universalisme moral et tri économique"). Pour la suite, le sommaire était bigarré. Chacun se questionnait sur son identité nationale.
À mon avis, Jean d'O était existentialiste dans sa jeunesse, et il l'est resté jusqu'au bout. Dans son avant-dernier livre, "Guide des égarés", il se proposait d'être le salut des égarés de l'existence. Il s'inspirait du courant du "Fides quaerens intellectum" des penseurs éclairés du Moyen-Âge, comme Maïmonide, qui voulaient mettre fin à l'opposition entre croyance religieuse et savoir rationnel. C'était très actuel. Néanmoins, Jean d'O continuait à rêver en littéraire, car l'Andalousie du Moyen-Âge est très largement mythique.
je serais intéressé à savoir en quoi d'O était rationnel, mis à part la gestion habile de sa fortune et de sa gloïre. je n'irai pas jusqu'à acheter les Pleiade. Certains, dont je ne suis pas , pensent que si un auteur est très lu , c'est qu'il doit avoir quelque chose de bon, même si les pinailleurs trouvent à redire à ses qualités. On cite alors Dickens, Hugo, et il y a des gens pour nous dire que JK Rowling est géniale. Mais Béranger, Ponson du Terrail et Barbara Cartland aussi furent très lus...
SupprimerLes œuvres de J.K. Rowling ou de Barbara Cartland sont des mondes à part, des univers complets, réservés à l'enfance ou au public populaire féminin. En principe, nous n'avons rien à y faire ("Ah bon, vous lisez ça, vous ?"), mais il n'est pas interdit d'essayer de comprendre les raisons profondes de leur succès. Il y aurait énormément à dire sur cette littérature pour les dames, louablement éprises de bonheur, amoureuses de l'amour, tandis que leurs hommes recherchent toutes les galères du monde, littérature qui n'est pas morte dans la bonbonnière de Barbara Cartland. Cette littérature a continué, en évoluant doucement, avec Bridget Jones, ou "Le diable s'habille en Prada", "Cinquante nuances de Grey", ou même avec les histoires d'amitiés féminines d'Elena Ferrante.
SupprimerChez Barbara Cartland, qui écrivait deux romans par mois, le poncif du bonheur était une véritable discipline de vie en rose, un peu comme pour Jean d'Ormesson, qui ne cessait de réciter comme son mantra que la vie est belle, ou qu'elle le fut, tandis qu'il ordonnait son œuvre comme un mandala de sable multicolore, que le souffle du vent allait emporter. Après tout, pourquoi pas ?
Le poncif de Cartland l'a même hissée au niveau de l'illustration de la postmodernité citationnelle, qui marque la fin de l'innocence, comme l'avait bien vu Umberto Eco. En effet, un homme ne peut plus dire à une femme "je vous aime à la folie", parce que c'est du Barbara Cartland. L'homme est maintenant obligé de dire : "comme dirait Barbara Cartland, je vous aime à la folie".
Chez les auteurs qui ont beaucoup écrit, même s'ils n'avaient rien à dire, il y a quelquefois des perles, comme "Le Disciple" de Paul Bourget, dans le bavardage de ses romans moisis, à thèses et à idées.
C'est un peu la même chose pour les séries télévisées, quand on prend un jour de congé pendant la semaine et que l'on s'oublie sur son canapé dans l'après-midi. On reste quelquefois éberlué devant l'épisode que diffuse la télévision. C'est sans doute parce que les vieux routiers qui mènent la série ont dû passer la main une fois à un jeune loup, promis à un grand avenir, et qui se fait les dents.
Un logicien devrait s'intéresser à Ponson du Terrail, le créateur d'un universel dans la sous-catégorie des noms propres, qui est passé dans le langage courant avec l'adjectif "rocambolesque".
Quant à Béranger, aristocrate décavé, on l'a oublié, mais il fut honoré par les plus grandes figures de son siècle. Il a transmis la tradition du Caveau aux chanteurs engagés et aux chansonniers modernes. On a le souvenir d'avoir chanté dans les banquets "Le Roi d'Yvetot" ("Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !"), ce tube du XIXème siècle qui nous revient comme la réminiscence d'une autre vie.
Quand on arrive à la fin d'une vie, comme Jean d'O, on peut voir la fin et le recommencement d'un cycle dans l'Histoire. Les Bonapartistes invitent les Parisiens à se rendre le 9 janvier prochain à l'Église Saint-Augustin, pour la commémoration de la mort de l'Empereur Napoléon III.
Le Cardinal Mercier était une sorte de Professeur Tournesol, à la frontière entre la science et le paranormal, dans la Belgique catholique wallonne. Mais il n'était pas un savant de laboratoire et de terrain, comme Teilhard de Chardin, jésuite rusé qui tentait d’unifier la science et la théologie. Le Cardinal avait pourtant de vastes connaissances scientifiques, et il maniait le néothomisme comme Tournesol utilise son pendule de radiesthésiste. La Critériologie du Cardinal ressemblait à une invention farfelue du Professeur. Néanmoins, le Cardinal avait de sérieux doutes sur le dogme de l'Immaculée Conception, comme Teilhard sur le péché originel. Mais cela est une autre affaire, à ranger dans les tourments de la croyance.
RépondreSupprimerTotalement faux. Sa critériologie est très fine.
SupprimerSans se limiter à la Belgique, il faut reconnaître que le thomisme continue d’inspirer les penseurs. Il y aurait un thomisme analytique. Mais Juliette Grange, positiviste comtienne, a aussi identifié d’ autres prêtres analytiques, célèbres au XIXème siècle, Bolzano et Brentano. Il est vrai que les positivistes comtiens voient des prêtres partout.
RépondreSupprimerJuliette Grange ne peut pas se déplacer à Vienne , à Prague ni dans le Trentin. A la gare de Turin, il y a une sortie via Bolzano. Il faut la prendre
SupprimerUn autre prélat intéressant fut le Cardinal Wiseman, auteur d’un roman sur les chrétiens des catacombes qui fut un péplum au cinéma (« Fabiola »). C’était un immense érudit, qui avec le Mouvement d’Oxford initia la recatholicisation de l'Angleterre, pour mettre fin au premier Brexit, celui de l'anglicanisme. Mais la diversité riche des sectes anglicanes n’ est-elle pas préférable au « back to Rome, back to home » ?
RépondreSupprimerÀ l'Université de Louvain, le Cardinal Mercier fut le directeur de thèse de Maurice De Wulf, qui écrivit une passionnante "Histoire de la Philosophie en Belgique". De Wulf, historien de la philosophie médiévale, s'intéressait aussi, comme Samuel Beckett, à Arnold Geulincx, disciple occasionnaliste de Descartes.
RépondreSupprimerDe Wulf écrivait une véritable histoire de la philosophie, en ce sens qu'elle était fidèle à l'Histoire.
Le XVIIème siècle ne fut pas vraiment cartésien. C'était plutôt le siècle de l'aristotélisme décadent, à la métaphysique et à la syllogistique dénaturées, qui, avec une foi en l'autorité aveugle du maître (l'ipsédixitisme), faisait des contresens sur le genre et l'espèce, le terme vocal, le tout et la partie, etc. Dans les manuels de philosophie de l'époque apparaissait le "parergon", que célébrera Derrida, à savoir la gravure, l'ornement par l'image, qui illustrait le contresens en le facilitant. Pour faire comprendre le tout et la partie, le maître ajoutait la gravure de Charles Ier d'Angleterre, décapité, sa tête à côté de son corps !
Au XVIIIème siècle, le cartésianisme se sédimentera avec l'aristotélisme décadent, sans le remplacer, sauf dans le domaine de la physique.
Au XVIIème siècle, on lisait des aristotéliciens plutôt que Descartes, comme, au XXème siècle, on aura lu Jean d'O davantage que Beckett.
Dans une autre dimension, il conviendrait peut-être de traiter des problèmes philosophiques que pose le testament de notre immortel Rocker.
RépondreSupprimerPlus généralement, il faudrait aborder les problèmes posés par le premier amour et par le dernier amour. Kierkegaard s’y était intéressé. Le premier amour n’ est pas un numéro ordinal, car on lui reste toujours plus ou moins contemporain. Dans ce qui nous occupe, pourquoi un dernier amour annule-t-il tous les autres ?
Dans les deux cas, c’ est sans doute parce que la répétition est impossible en amour.
Si les rockers romantiques se désolent de n’avoir rien à recycler en amour, ils peuvent toujours se mettre au sampling. Il y a un excellent livre sur ce sujet :
http://www.konbini.com/fr/entertainment-2/brice-miclet-livre-sample-origines-hip-hop/