Mr Schmidt
A force de réfléchir théoriquement sur la
bêtise, et face à mon échec à cerner le phénomène malgré mes tentatives
répétées, voyant aussi que quantité
d’essayistes, dont Ferraris - lequel imitait Mulligan, tout comme moi - m’avaient doublé, je voulus prendre une nouvelle direction, je l’espère
inédite. Je décidai de braver ma répulsion à vouloir céder à la pratique pour
résoudre les problèmes théoriques, et je voulus voir ce qu’était la connerie practicaliter, en pratique, μωρία πράξεως. De même que Günter Wallraff s’était
déguisé en turc, et Flaubert avait « été » Madame Bovary, je voulais
essayer de voir ce que c’était - what it is like – que d’être un con, un vrai. Cela semblait la
bonne approche : non pas se demander ce qu’est la bêtise, mais la
pratiquer, voir en quoi elle consiste dans les faits, en se mettant dans ses chaussures, selon la vieille méthode empathique (aujourd'hui renommée "simulation"). Une méthode un peu
existentialiste, peu conforme à mes idées, mais qu’il valait le coup d’essayer.
Retournons, comme disait un homme intelligent, An die Sache
selbst. Qu’est-ce que cela serait donc, que d’être un crétin dans les choses mêmes ?
D’emblée se posait un problème: qu’est-ce qui serait un cas particulier, et
pas simplement singulier, de bêtise, de connerie ou de stupidité ? La
question ne portait pas simplement sur le concept, mais sur ce qu’il subsumait.
Comment espérer être un con, sans savoir ce qu’est un con ? Je me heurtais
à nouveau au même problème, presque aussi dur que celui du Ménon : comment apprendre la connerie en pratique ? J’aurais
pu évidemment me contenter de la réponse standard, celle qui consiste à examiner
son propre cas : comme nous sommes des cons, l’essence de la connerie doit
être en nous. Il suffit, comme le dit la tradition philosophique depuis Socrate,
de se contempler soi-même. Mais je me heurtai au paradoxe de Egan et Elga, que
j’ai déjà cité ici plusieurs fois: « I can’t believe I am stupid ».
Vouloir être con est aussi difficile que
vouloir être amoureux ou même vouloir être triste. Seuls Werther ou Oberman y réussissent (mais à quel prix !).
Même si c’était vouloir se croire con,
ce serait aussi difficile : ce ne sont pas des choses qui se commandent.
La connerie est avant tout un naturel. Et comme l’a montré Elster dans Ulysse et les sirènes (1976), être
naturel quelque chose que l’on obtient naturellement. Ou cela vous tombe
dessus, comme la grâce, ou il faut se forcer à cela indirectement. Il faut,
comme pour l’amour, la croyance, ou la tristesse, créer en soi un état secondaire, un by product, en se liant au mât à la manière d’Ulysse. Mais quel mât
trouver ? J’avais jadis éprouvé la
technique pour arrêter de fumer : manger quantité de petits bonbons fisherman’s friend. Mais l’addiction au
tabac est une disposition simple, et pas
multi-track (voir Ryle). A fortiori
pour se débarrasser de l’addiction à l’intelligence. Pour moi,
je n'ai jamais
présumé que mon
esprit fût en
rien plus parfait
que ceux du
commun; même j'ai souvent
souhaité d'avoir la
pensée aussi prompte, ou
l'imagination aussi nette et distincte,
ou la mémoire aussi ample, ou aussi présente, que quelques autres comme Jean
Pierre Changeux, Cédric Villani, ou même Emmanuel Macron, et jadis Foucault qui
sont des gens dont il saute aux yeux qu’ils ont l’intelligence comme don, tout
comme Riquet à la Houpe. Ils pétillent.
Quant à moi j’ai l’esprit fort lent. Quand, dans mon métier de
professeur, je suis confronté à des étudiants, de jeunes collègues à l’esprit ultra-rapide, qui ont une
objection et une réponse à n’importe quelle question et qui sont capables de
tenir sur la minute un raisonnement kalachnikovien, je me sens pataud, empâté,
englué, stupide en arrêt sur image. Je vois quelquefois quoi dire, mais seulement
une minute ou deux après. Je sais très bien que pour avoir l’air intelligent,
il me faut m’apprêter, préparer mes flèches. Il en est de même dans ma décision
de devenir bête : je ne pouvais accéder à cet état qu’avec lenteur.
« Vous voulez aller à la bêtise, mais
vous n’en savez pas le chemin… » Ma
première impulsion fut d’adhérer à un parti politique, à des événements comme la Nuit debout, ou d’aller participer à une émission de télé.
Mais c’est à double tranchant : car on trouve dans ces circonstances tant
d’idiots autour de soi qu’on risque, si l’on apparaît parmi eux même
minimalement intelligent, de passer pour un génie, ce qui n’est pas le but
recherché. Je compris qu’il me fallait me fondre dans la connerie à la fois
seul et avec les autres, dans ce que l’on appelle un joint commitment. Après une mûre réflexion (et en me méfiant tout
de même de ne pas trop la prolonger, de peur de tomber sur quelque idée
intelligente), je pris la décision de voyager. On dit que la bêtise est
immobile, et l’on prend en exemple les imbéciles heureux nés quelque part, les
idiots de village et les manants attachés à la glèbe: verrait-on Charles Bovary
voyager par les champs et par les grèves ? Mais la bêtise voyage aussi, et
il suffit de penser au touriste. Je sentis que je brûlais : quelle est la
synthèse de la bêtise immobile et de la bêtise mobile ? La solution
s’imposait de soi : c’est la bêtise automobile. Mais pas n’importe quelle
automobile. On n’est pas bête parce qu’on conduit, mais parce qu’on est plein de sa voiture.
Pour avoir récemment pratiqué régulièrement les routes de Provence, et croisé
toutes sortes de véhicules, je trouvai la solution : il me fallait un
camping-car. Tel l’escargot, le conducteur de camping-car est à la fois est mobile
et sans cesse à la maison. Reise et Heimat à la fois. Il fait du tourisme,
mais sans changer un instant ses habitudes. Et surtout j’avais noté, en, les
croisant dans leurs machines, leur invariable allure de brutes satisfaites,
leur agressivité placide, leur vanité d’être propriétaires d’une maison
roulante. Le camping-cariste, puisque c’est ainsi qu’on l’appelle, fait la
synthèse entre la ville et la campagne : il rebâtit la première dans la
seconde.
Par chance il y avait à la porte de
Versailles un salon du camping et du caravaning. On commença par me montrer des
caravanes. Mais je n’en voulais pas : la caravane se pose, et se détache
de la voiture, elle rappelle trop les gitans, le cirque, la vie bohémienne, au
hasard balthazar. Mais l’aventure n’est pas très propice à l’idiotie. Il faut
pour celle-ci la sécurité. Ce que je voulais était la fusion de la caravane et
de l’auto, le mobile-home. Le choix
était immense : il y avait des camping-car de toutes sortes, dont certains
étaient de véritables wagons roulants. Mais je ne voulais pas d’un mastodonte,
craignant de ne pouvoir le conduire sur les petites routes, avoir à faire des
manœuvres compliquées sur les parkings. Il me fallait une taille intermédiaire,
mais non plus trop petit. J’en vis de superbes, avec salon en cuir blanc,
cuisine intégrée et écran plat de télé et table de salle à manger amovibles,
ainsi que de petites tables qui se pliaient comme dans le film de Buster
Keaton, The Scarecrow. Mais elles
coûtaient très cher, la plupart du temps au moins 60 000 euros, le plus
souvent entre 80 et 100 000, d’autant qu’on m’expliqua que les frais d’entretien
et de carburant étaient assez considérables. J’envisageai d’en acheter un
d’occasion, mais on m’en découragea, car cela impliquait trop de réparations. Je
décidai de vendre mon appartement pour m’acheter un bel engin. Ma femme
protesta un peu, mais je la convainquis aisément qu’un appartement serait
inutile, à partir du moment où nous serions toute l’année sur les routes et que
notre retraite nous le permettrait. Sa présence m’était d’autant plus nécessaire
que les conducteurs de camping-car sont invariablement accompagnés d’épouses
dans l’habitacle, qui conduisent rarement le véhicule et se destinent aux
tâches ménagères une fois l’arrêt trouvé. Il restait à choisir la marque. Il y
avait Challenger , leader sur le
marché , mais dont je trouvais que le nom faisait un peu trop penser à une
navette spatiale de triste mémoire, Carthago
, une marque allemande qui avait des engins très solides, mais qui me
rappelait un peu trop Caton et sa fameuse formule. J’optai pour un engin de la
marque Kon Tiki, pour des raisons
aisées à deviner. Il n’était ni trop petit ni trop grand, moyen, confortable
sans être tape à l’oeil et pour le désigner je l’appelai tout simplement Tiki, car vous avions jadis eu un chien
du nom de Touki (et même un de mes professeurs
avait ce petit nom).
Quelques mois plus tard, nous partîmes
enfin sur les routes, comme About Schmidt dans le film d’Alexander Payne.
L’Américain va vers l’Ouest, mais le Français veut avant tout faire un tour de
France. Mon épouse, Josiane, avait mis une robe à fleurs, et j’arborais un
bermuda blanc crème, avec un gilet reporter multipoches gris sans manches, où
j’avais glissé tous les impedimenta :
couteaux, lampes de poches, documents du camping- cartes, tire- bouchons, couteaux
suisses, etc. Nous avions tous deux aux pieds de confortables sandales mephisto, sur de chaudes chaussettes,
pour affronter la fraîcheur bretonne. Le premier sentiment que nous eûmes, une
fois sur l’Autoroute de l’Ouest, fut celui de liberté : quel bonheur d’occuper
une travée entière d'autoroute, de se déplacer sur la file de gauche pour doubler les
camions (car les camping-cars peuvent être rapides) de sentir les grosses Audi
et Mercédès piaffer derrière nous. Mais très vite nous fûmes agacés de l’agressivité
des propriétaires d’Alfa et d’Audi. Nous prîmes les petites routes, à travers
le bocage. Là tout changea : comme les routes étaient plus étroites, nous
les occupions dans presque toute leur largeur, si bien qu’à part les camions,
les autos de tourisme devraient, quand ils nous croisaient, quasiment emprunter
le fossé. Je contemplais les faces furibardes qui nous voyaient débouler dans
notre cockpit pour prendre le pouvoir routier. J’éprouvais un sentiment de
puissance, qui montait en moi comme une vague. Le camping cariste n’est pas
seulement le maître, il peut s’installer où il veut. Les municipalités
entendent le confiner dans des parkings et des aires à la lisière des villes, comme les
romanichels. Mais s’il en a envie, il peut aller se garer devant la Baie des
trépassés, devant le mémorial de Renan à Tréguier, sur le parking devant le
Mont Saint Michel ou sur un rempart de Saint Malo, et dormir devant l’Océan, ou
au sommet du Galibier ou du Mont Chauve. Il s’installera devant Chambord ou
Azay le Rideau, fera cuire ses merguez à Saint Cirq Lapopie ou face au château
de Gordes, et ne rendra de comptes à personne, pourvu qu’il arrive tard et
décampe tôt. Il est autosuffisant. Il ne paye pas d’impôts locaux, et juste les
taxes sur les véhicules. Et il est sportif. Ses VTT sont accrochés à l'arrière, son Weber pour les barbecue est à portée de main. L'été il se poste sur le passage du Tour de France. Quel plaisir insigne n'éprouve-t-on pas quand on se joint le long des routes, à d'autres campingcaristes au volant de leurs vaisseaux roulants, en formant de longues files infranchissables à la manière des chenilles processionnaires, en faisant fulminer les automobilistes ordinaires!
Le plus difficile au début fut pour moi de résister à mon tempérament asocial. Mais je pris bientôt plaisir, dans les parkings et les campings, aux parties de cartes arrosées de pastis, où nous nous recevions mutuellement entre couples campingcaravaneux, sous la voûte étoilée. Quand j’étais enfant, ma mère nous faisait souvent dormir à la belle étoile, à côté de sa deux chevaux. Près de soixante années après, je jouissais des mêmes ciels, et je pouvais dire, tel Rousseau aux Charmettes : ici commence le court bonheur de ma vie. Je ne pensais même plus que ce bonheur fût le sommet du crétinisme, et je gage que tous les crétins du monde pensent comme moi en ces moments, et y aspirent. A bêtise était montée en moi sans que j’y prenne garde. Je n’y pensais même plus, et j’avais gagné mon pari.
Le plus difficile au début fut pour moi de résister à mon tempérament asocial. Mais je pris bientôt plaisir, dans les parkings et les campings, aux parties de cartes arrosées de pastis, où nous nous recevions mutuellement entre couples campingcaravaneux, sous la voûte étoilée. Quand j’étais enfant, ma mère nous faisait souvent dormir à la belle étoile, à côté de sa deux chevaux. Près de soixante années après, je jouissais des mêmes ciels, et je pouvais dire, tel Rousseau aux Charmettes : ici commence le court bonheur de ma vie. Je ne pensais même plus que ce bonheur fût le sommet du crétinisme, et je gage que tous les crétins du monde pensent comme moi en ces moments, et y aspirent. A bêtise était montée en moi sans que j’y prenne garde. Je n’y pensais même plus, et j’avais gagné mon pari.
En tout cas, il est certain que la bêtise présente des vertus cathartiques dont il serait bien difficile de se passer. Bien trop difficile de s'auto-instituer.
RépondreSupprimerOn pourrait donc proposer des cures de bêtise, remboursées par la secu.
RépondreSupprimerQuel plaisir votre billet donnera à un lecteur bourdieusien ! La distinction, les habitus de classe, le goût petit-bourgeois etc.
RépondreSupprimeroui, bien sûr il y a ces aspects. Mais Bourdieu s'exprimerait il à la première personne ? Ce n'est pas très sociologique d'adopter ce point de vue. Je me revendique plutôt de Elster.
RépondreSupprimerLa bêtise est un sujet dangereux, au même titre que la secte, la drogue ou le terrorisme. Pour saisir l’essence de la bêtise, il faudrait l'expérimenter sur soi, et donc devenir bête, ce que l’on s’ efforce d'éviter à tout prix, et de toutes ses forces, dans la vie comme dans la pensée. Mais ce faisant, ne va-t-on pas se faire contaminer par son sujet ? Aura-t-on encore le droit et le pouvoir d’en parler intelligemment ? On préfère sans doute traiter de la bêtise des autres, pour échapper au paradoxe de l'expérimentation de la bêtise.
RépondreSupprimerNéanmoins, il y aurait une autre solution, très séduisante, qui serait celle de la sociologie de terrain. Comme l’ imitation est l’une des caractéristiques de la bêtise, il suffirait de partir l'été avec le peuple qui a obtenu les congés payés, l'accès à la consommation et aux loisirs, dans un camping-car sur les routes de France. C’ est une solution ouverte, qui permettrait de dépasser Bourdieu grâce à Elster, l’ inventeur de l’ impensable marxisme analytique.
Comme le Français moyen rêve d’imiter son Ami américain, pourquoi ne pas passer des vacances de Monsieur Hulot à celles de Mr Schmidt, dans les grands espaces de l'Amérique, où circulent des vans à la déco psychédélique ? Jack Nicholson n’ est pas l’acteur du film par hasard. Avec lui, on est dans la grande nostalgie hippie de la naïveté assumée, celle de l’avocat George Hanson, qu’il jouait dans « Easy Rider », victime de la crise existentielle de l’homme trentenaire, qui était comme le prélude à celle du retraité Mr Schmidt.
Il existe aussi d’autres pratiques sociologiques de proximité et de convivialité de la connerie, comme celle du Dîner de Cons, qui consiste à rechercher le mètre étalon de la bêtise et à remettre un prix à celui qui l’a trouvé. Mais quand le Con a compris le jeu, il met à jour la bêtise de ceux qui l’ont invité.
Merci pour Hulot, j'ai pensé à lui bien sûr. Mais Hulot n'épouse l'état de touriste qu'en le subvertissant: il pratique tout sauf l'empathie. Il est plutôt un participant semblable à Charlot au bal: il fout le bordel par son imitation même des autres, comme Jacques Villeret. Mais vous aurez noté que ce n'est pas la méthode suggérée ici. Il y a en effet un problème de méthodologie de la bêtise, que je crois avoir soulevée. ( Ici je me heurte au style du blog, qui demande des billets courts, alors que je fais référence sans cesse en filigrane aux écrits d'un de mes éminents collègues philosophe,que bien entendu les lecteurs de ce blog ne sont pas tenu d'aller lire).
RépondreSupprimerJe dirai qu'il y a en gros trois méthodes:
a) la méthode du documentaire et de l'archive, comme Flaubert, qui fait des relevés bibliographiques, des dictionnaires, et des encyclopédies de cas ; je mets la sociologie dans cette catégorie (mais à la sociologie déterministe à la Bourdieu, et je doute qu'on puisse dire que Bourdieu fasse une sociologie de la bêtise: Simmel en serait plus proche)
b) la méthode essentialiste et moraliste, celle des classiques, qui définit l'essence de la bêtise et la juge, sur la base d'une conception de l'esprit humain
c) la méthode existentielle et pratique suggérée ici , mais ailleurs aussi (cf mon billet sur Salavin, et un grand nombre de billets ici même sous la rubrique "bêtise"
Chacun de ces méthodes est compatible avec des conceptions différentes de la bêtise, qu'un de mes collègues éminents a appelées respectivement classique, romantique et contemporaine.
S'il est vrai que la bêtise est affaire de groupe et de mimétisme, il y a le cas de la bêtise nationale. Ainsi, Baudelaire attribuait la bêtise aux Belges, peuple de singes, selon lui, parce qu'ils ne font qu'imiter les Français. Il y a le cas de Schopenhauer, pour qui l'Allemagne était d'une immense bêtise, mais comme Schopenhauer était allemand, ce genre d'énoncé lui donnait la honte.
RépondreSupprimerS'il y a une morale chez Flaubert, elle ressemble au schopenhauerisme, par son pessimisme, son nihilisme et son scepticisme, avec la possibilité d'un salut esthétique. En Europe, à partir du milieu du XIXème siècle, les idées de Schopenhauer, - qui est lisible, contrairement aux autres philosophes allemands -, sont dans l'air du temps. Elles touchent d'abord le monde littéraire et artistique, et elles pénètrent largement dans tout le milieu intellectuel. Mais je crois que Schopenhauer associait la bêtise à la croyance religieuse. Pour Flaubert, comme pour Musil, la bêtise était étroitement liée à la réflexion, et elles formaient un couple étrange de sœurs ennemies, qui se ressemblent beaucoup.
Par contre, on dirait que Maurizio Ferraris, en associant bêtise et vanité, retrouve l'inspiration des moralistes classiques.
Harry G. Frankfurt ("De l'art de dire des conneries"), en montrant l'omniprésence de la bêtise sous la forme du bullshit, du baratin qui s'épanouit surtout dans le domaine politique, serait plutôt du côté de Flaubert.
Chez Flaubert, il n'y a pas non plus de régionalisme de la bêtise. Par contre, on associe le crétin aux Alpes et le bredin (de "brittus") à la Bretagne. Mais le bredin a investi toutes les régions. C'est René Fallet, le cycliste de Villeneuve-Saint-Georges amoureux fou du Tour de France, qui fera le portrait du bredin du Bourbonnais, dans "Un idiot à Paris".
Il y a eu le cas de l'idiotie et du syndrome du savant, dans "Rain Man". Mais comme Rain Man était autiste, il faudrait peut-être se méfier du flou de la terminologie et de l'étiquette de l'idiot savant.
Personnellement, mon expérimentation de la bêtise serait plutôt celle du dire-vrai sur soi-même célébré par Michel Foucault, la "parrêsia" de l’askêsis gréco-romaine. Dire ce que l'on pense, ce n'est jamais dire forcément quelque chose de toujours intelligent. À moins que l'on n'ait pas d'autre vérité à dire que celle de sa bêtise avouée.
Si l'on peut parler de l'actualité, il y a bien un rapport entre l'actuel Ministre de la Transition écologique et solidaire, et le personnage de Jacques Tati. Le cinéaste des "Vacances de Monsieur Hulot" habitait le même immeuble que le Ministre en ses vertes années, qui recevait souvent la visite de son grand-père à la silhouette "chapeau-imper-parapluie", tout à fait remarquable et digne d'inspirer les artistes.
comme je l'ai dit à mainte reprises dans ce blog, je pense que derrière tous ces aspects de la bêtise dont vous faites une liste intéressante, il y a une essence. voir "inépuisable sujet". Mais on y parvient en distinguant : l'idiotie n'est pas la bêtise, qui n'est pas non plus la non intelligence, et qui n'est pas la sottise, ni la connerie. Le Belge est un fantasme du français. ce sont les Français qui imitent les Belges, et non l'inverse.
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