Gabriela Manzoni dans Comics retournés Séguier 2017
(merci à Gérard Grig)
Natacha ne manque pas de jugeotte. La comparaison est très éclairante.
"Je crois que pour savoir
comment le temps «coule», il faut avoir été marinier sur un bateau. Descendre
un fleuve n'est pas chose facile, car il y a autant de contre-courants que de
courants. Quand on voit qu'il faut beaucoup ramer pour arriver à descendre, on
sait très bien que le temps ne «coule» pas. ( Michel Serres, Entretien,Humanité, 27 sept 1994 )
« Diable !... cependant...
elle est purgée, et, du moment que la cause cesse...
– L'effet doit cesser, dit Homais ; c'est évident. » (Madame Bovary , VIII)
– L'effet doit cesser, dit Homais ; c'est évident. » (Madame Bovary , VIII)
"L'idée que je me fais
d'un philosophe est qu'il faut d'abord qu'il soit encyclopédiste, presque au
sens du XVIIIe siècle. C'est-à-dire qu'il faut qu'il ait vraiment des clartés
sur la science et les techniques contemporaines. La science est d'abord devenue
un fait social. Elle est maintenant un fait politique majeur, une force
transformatrice profonde des moeurs, du travail, et des hommes. Un philosophe
qui ne connaîtrait pas ce moteur-là serait, d'une certaine manière, disqualifié
dans son travail. En quinze ans, il s'est passé trois grandes révolutions
scientifiques. Une dans les mathématiques, une seconde en physique, et la
troisième en biologie. Or, c'est au moment où les choses changent de sens
qu'elles sont les plus intéressantes. Cependant, ce qui a fait de moi un
philosophe, c'est l'impact grandissant qu'a eu la science sur la société." ( Michel Serres, ibid.)
"Croyez-vous qu'il faille,
pour être agronome, avoir soi-même labouré la terre ou engraissé des
volailles ? Mais il faut connaître plutôt la constitution des substances
dont il s'agit, les gisements géologiques, les actions atmosphériques, la
qualité des terrains, des minéraux, des eaux, la densité des différents corps
et leur capillarité ! que sais-je ? Et il faut posséder à fond tous
ses principes d'hygiène, pour diriger, critiquer la construction des bâtiments,
le régime des animaux, l'alimentation des domestiques ! il faut encore,
madame Lefrançois, posséder la botanique ; pouvoir discerner les plantes,
entendez-vous, quelles sont les salutaires d'avec les délétères, quelles les
improductives et quelles les nutritives, s'il est bon de les arracher par-ci et
de les ressemer par-là, de propager les unes, de détruire les autres ;
bref, il faut se tenir au courant de la science par les brochures et papiers
publics, être toujours en haleine, afin d'indiquer les améliorations..." (Madame Bovary, ch VIII)
Si M. Homais existait aujourd'hui - c'est presque un conditionnel indicatif - il habiterait sans doute non plus la Normandie, mais la région d'Agen. Il ne serait pas pharmacien, mais informaticien ou à la tête d'une start up sur internet. Il célèbrerait l'âge de la communication, de l'information et des réseaux, les MOOCS, les i-phones et les gps. Il ne prônerait pas la priorité de la physique ou de la chimie, mais les neurosciences et la théorie de la complexité. Il chanterait la pluralité des savoirs, contre tous les réductionnismes et tous les absolutismes. Il chérirait le gai savoir, les mélanges de la fiction et de la science , contre le rationalisme grincheux qui veut partout voir des principes et établit des partages oppressifs entre fiction et vérité, concept et métaphore. Son ontologie ne serait plus verticale, mais horizontale, avec autant de modes d'existence qu'il y a de types d'objets sociaux, branchés et construits. Il se réclamerait non plus des principes de 1789 de Voltaire et de Franklin, mais de l'écologie politique et de Gaia. Il ne serait plus en colère contre la calotte et Bournisien: au contraire il verrait dans la religion l'accomplissement de son pluralisme, et il irait gaiement à la messe ou au culte bouddhiste: let a million flowers bloom. Il aurait, comme le Homais de Flaubert, confiance en l'avenir. Il trouverait , malgré les résultats de PISA et les statistiques montrant que le QI des pays développés baisse, que le niveau monte. Il conseillerait à Charles Bovary d'amputer les pieds bots et de mettre des prothèses électroniques à la place. A Emma il conseillerait le jogging.
Si M. Homais existait aujourd'hui - c'est presque un conditionnel indicatif - il habiterait sans doute non plus la Normandie, mais la région d'Agen. Il ne serait pas pharmacien, mais informaticien ou à la tête d'une start up sur internet. Il célèbrerait l'âge de la communication, de l'information et des réseaux, les MOOCS, les i-phones et les gps. Il ne prônerait pas la priorité de la physique ou de la chimie, mais les neurosciences et la théorie de la complexité. Il chanterait la pluralité des savoirs, contre tous les réductionnismes et tous les absolutismes. Il chérirait le gai savoir, les mélanges de la fiction et de la science , contre le rationalisme grincheux qui veut partout voir des principes et établit des partages oppressifs entre fiction et vérité, concept et métaphore. Son ontologie ne serait plus verticale, mais horizontale, avec autant de modes d'existence qu'il y a de types d'objets sociaux, branchés et construits. Il se réclamerait non plus des principes de 1789 de Voltaire et de Franklin, mais de l'écologie politique et de Gaia. Il ne serait plus en colère contre la calotte et Bournisien: au contraire il verrait dans la religion l'accomplissement de son pluralisme, et il irait gaiement à la messe ou au culte bouddhiste: let a million flowers bloom. Il aurait, comme le Homais de Flaubert, confiance en l'avenir. Il trouverait , malgré les résultats de PISA et les statistiques montrant que le QI des pays développés baisse, que le niveau monte. Il conseillerait à Charles Bovary d'amputer les pieds bots et de mettre des prothèses électroniques à la place. A Emma il conseillerait le jogging.
Ce n'est pas une mauvaise idée d'associer le post-moderne Michel Serres à la post-Nouvelle Vague d'Anne Fontaine et Pascal Bonitzer. Mais ce Monsieur Homais, ancien bobo et nouveau rural, ferait en réalité un retour à la terre. Et d'ailleurs Michel Serres est toujours resté rustique, même quand il était structuraliste.
RépondreSupprimerIl admirait la naïveté de Gaston Bachelard, et son étude des mythes, qui sous-tendent toujours la recherche scientifique, ressemble fort à celle du Postier de Bar-sur-Aube.
Dans l'histoire des sciences, "La Naissance de la physique dans le texte de Lucrèce" était un livre fort séduisant.
Pour l'accent, c'est incroyable comme celui du Sud-Ouest est persistant dans une vie. Tout le monde en garde une pointe, quand il est né là-bas. C'est mieux que de rouler les "r", ou de zozoter comme Darry Cowl.
Néanmoins, avec Michel Serres, les choses sont peut-être plus compliquées. On ne parvient pas à oublier son "Système de Leibniz et ses modèles mathématiques". C'était le socle de son œuvre et l'on ne comprend pas pourquoi tout a ensuite mal tourné. Il partait de la mathesis universalis de Leibniz, comme Jules Vuillemin s'était emballé pour la mathesis universalis de Descartes. Dans leurs voyages en train hebdomadaires vers Clermont-Ferrand, la légende veut que les deux amis, qui se relisaient mutuellement, aient converti Michel Foucault à la mathesis, et qu'ils aient fabriqué ensemble "Les Mots et les choses". Foucault n'avait plus qu'à écrire.
Pour la Société Française de Philosophie, ce devait être un peu "Les Pieds Nickelés vont à Clermont-Ferrand". A Cérisy-la-Salle, sur les photos de Serres avec Henri Gouhier, on aurait dit un élève qui avait quelque chose à se faire pardonner.
Dans mes souvenirs audiovisuels, je hurlais de rire à la fin des années 70, quand la télé nous montrait Michel Serres debout en robe de chambre dans sa chambre, en train d'écrire avec une plume d'oie et un vrai encrier, comme Chateaubriand ! Ses phrases avaient le rythme de l'alexandrin, sans la rime.
Est-ce vraiment un péché, d'être littéraire ?
Michel Serres s'est associé à René Girard pour aller à Stanford. Il avait greffé la théorie du désir mimétique, géniale dans le domaine littéraire, sur la théorie de l'information.
Il y a eu aussi le Michel Serres tintinophile. Son livre "Hergé, mon ami" est surtout affectif, mais on n'a pas oublié son étude des "Bijoux de la Castafiore" à partir de la théorie de la communication, et de ses ratés, dans l'ère médiatique. Le vol des bijoux était l'allégorie du vol de la parole, si bien que la communication devenait impossible («Les bijoux distraits ou la cantatrice sauve » dans Hermès II).
Dans le reste de son œuvre, on conserve un bon souvenir de son livre sur Jules Verne. On ne garde rien d'autre, et surtout pas sa récente philosophie de l'histoire. Michel Serres a couru après les modes, ou après son ombre.
C'est drôle : vous ne commentez pas le seul point de ce billet : même si les Homais d'aujourd'hui ont des croyances plus complexes que celui de jadis, ils n'en sont pas moins des Homais. C'est vous même qui m'avez conseillé la lecture de Manzoni!
RépondreSupprimerÉtant donné que M. Homais est devenu un archétype, on peut le reconnaître chez beaucoup de monde. C’est ce qu’ il aurait dit lui-même. Néanmoins, on ne pourrait pas transposer exactement le personnage de Flaubert, en lui conservant tous ses traits, de la France rurale et prospère du Second Empire, avec ses classes moyennes en pleine ascension, dans la France d’aujourd’hui. On le voit bien dans « Gemma Bovery », où M. Homais le pharmacien devient M. Joubert, le boulanger intello et nouveau rural, qui joue à un jeu postmoderne grâce à ses souvenirs littéraires, en cherchant à faire coïncider le roman de Flaubert avec l’histoire d’un couple de yuppies anglais en vacances en Normandie.
RépondreSupprimerCe que l’on peut garder de M. Homais, et qui passera partout, c'est la caractéristique du demi-savant, qui a de l'intelligence dans sa bêtise, et qui en cela a quelque chose de plus que M. Prudhomme. On pense bien sûr, aujourd’hui, aux personnes riches du savoir hypernumérique de l’internet célébré par Michel Serres, qui fait de Wikipédia la nouvelle Encyclopédie et de tout internaute un savant. Mais on a vu aussi en Michel Onfray un M. Homais, à cause de la prétention et du pédantisme de son Université populaire.
M.Homais pourrait également être un gourou de la spiritualité vulgarisée et du bien-être.
Pour les autres aspects de M. Homais, le petit patron opportuniste et cauteleux, impitoyable avec les faibles et rampant devant les riches qu’ il déteste, on penserait plutôt au personnage de Louis de Funès dans la France des Trente Glorieuses. Claude Chabrol avait donné le rôle à Jean Yanne, à cause de son côté double, à la fois « beauf » de Cabu et Français moyen « à qui on ne la fait pas », qui rappelait la sottise intelligente, ou l’ intelligence sotte du Pharmacien.
Ce qui est intéressant, c’ est aussi d’envisager la transposition du personnage d’Emma Bovary aujourd’hui. Après le 11 septembre, André Glucksmann, autre M. Homais, assimilait curieusement l'égoïsme d’Emma Bovary à celui du terroriste. Un terrorisme normand ? Après tout, on a égorgé un prêtre en Normandie.
La reference a Gemma Bowery dansce billet était justement destinée à dire que M. Homais avait depuis longtemps déserté la Normandie. Quant à notre Monsieur Homais à la Manzoni, ce n 'est la
RépondreSupprimerpremière fois qu il est question de lui dans ce blog. Les lecteurs attentif, ou juste curieux, se souviennent peut être que je lui ai consacré il ya quatre ans ( déjà) l ' un de mes premiers billets :
http://lafrancebyzantine.blogspot.fr/2013/08/just-do-it.html
Autant que je sache, M: Onfray ne fait pas l 'éloge de la science, au contraire, il fustige la raison. Pas plus Glucksman ni Finkielkraut. J 'ai mis l 'accent sur l 'auteur de la Petite Poucette car , tel Homais , il aime la science et nous promet un Avenir Radieux.
N'y a-t-il pas des conditions historiques de possibilité des Homais ? Admettons qu'on parle d'un Homais du XXIe siècle, mais pouvait il y en avoir au XVIIE, au XIIIe, voire au IVe avant notre ère, quelle aurait été alors son allure ?
RépondreSupprimerIl est vrai que la science et la médecine sont au centre de la vision du monde et de la société de M. Homais. Il est scientiste, positiviste et voltairien, face à son rival en bêtise, l'abbé Bournisien. On ne peut donc pas voir Homais dans le premier pédant prétentieux.
RépondreSupprimerEn ce qui concerne Michel Serres, il colle au personnage, quand on parle du Serres jeuniste technophile de la dernière période, ou peut-être du deuxième Serres qui s’en fut monter sa startup de French Theory avec René Girard en Amérique, qui publia énormément, un peu sur tout, et qui investit les plateaux de télévision (Serres et Girard seraient plutôt Bouvard et Pécuchet). Mais le premier Serres reste tout de même lisible, le Serres bachelardien qui faisait le grand écart entre l’histoire des sciences et les belles-lettres, même s’il n'avait pas de domaine réservé à l'épistémologie comme l’auteur de « La philosophie du non ». Ce Serres tintinophile a ouvert la voie aux études universitaires sur les bandes dessinées, les séries télé, etc. Mais il est frappant que « Tintin et les Picaros », qui inspira aussi Serres, montrait un Tintin déjà postmoderne.
Ce premier Serres était proche de François Dagognet, avec qui il commença la réédition du « Cours de philosophie positive » de Comte, mais l'aventure se termina très mal.
j'ai aussi beaucoup aimé "les bijoux indiscrets" quand c'est paru dans Critique jadis. Mais aujourd'hui je divergerais fortement de cette lecture "communicationnelle" de l'album, qui est forcée. Les bijoux de la castafiore sont une fable morale, sur le détachement et le taedium mundi.
SupprimerHomais, comme la bêtise savante, est éternel. Sur la bêtise savante dans l'Antiquité, voir Lucien. Au XVII eme lire La Bruyère, notamment le chapitre sur les collectionneurs. Au XVIII eme voir Diatribe du Dr Akakia. etc.
RépondreSupprimerMichel Serres assure le haut-patronage du conseil scientifique de la Fondation Flaubert, à l'Université de Rouen. Flaubert était réaliste et naturaliste, mais Serres a préféré étudier Zola. Je crois que Flaubert et Zola se détestaient cordialement. Flaubert préférait Maupassant.
RépondreSupprimerIl me semble néanmoins que Michel Serres parle incidemment de M. Homais, dans son livre sur Zola.
En effet, le climat de la Normandie occupe une place considérable dans l'œuvre de Flaubert. Il y a comme une échelle des températures d'Emma Bovary, car il y a des échanges, entre son corps et son milieu, qui obéissent aux lois de la thermodynamique. D'ailleurs, M. Homais fait du climat de la Normandie un laboratoire, dans lequel il recueille des données d'échanges thermiques, pour constituer ce que Serres appelle une topographie énergétique, "fluente et métastable". Les observations scientifiques de M. Homais lui vaudront une décoration. Il ne faut pas minimiser son apport à la science.
S'il faut interroger un véritable flaubertien sur M. Homais, ce serait Philippe Sollers. Pour lui, le rival en déraison de M. Homais n'est pas l'abbé Bournisien, mais Emma Bovary elle-même, qui serait la préfiguration de l'hystérie féminine freudienne. Étrangement, les deux personnages ne s'attirent pas du tout. M. Homais n'a jamais l'idée de faire la cour à Emma, et il aurait dû aussi bien partager cette hystérie intimement, comme Flaubert lui-même ("Madame Bovary, c'est moi !").
Dans l'œuvre de Serres, je crois qu'il y a une autre référence à Flaubert, à cause de son "gueuloir", parce que son style était de la musique. C'est précisément dans "Musique" que Serres en parle, cet ouvrage rousseauiste dans lequel il fait de la musique un bruit de fond originaire, antéprédicatif, dont tout a dérivé, les sciences comme les arts. Ce que j'admire dans "Musique", c'est la faculté de synthèse consensuelle, qui doit caractériser le postmodernisme. La musique n'est porteuse d'aucun sens ? C'est parce qu'elle les possède tous ! Dans les Muses, il n'y a pas celle de la musique ? Qu'à cela ne tienne, les neuf Muses sont la Musique ! Et de la mélodie ou du rythme, qui est premier ? Les deux, mon capitaine, car les marins savent bien que le souffle mélodique du vent fait les rides des vagues, qui ont les oscillations régulières du rythme !
"fcuté de synthèse consensuelle" : en effet c'est le credo des Homais d'aujourd'hui. On unit science et religion, science et littérature, science et art, dans un éclectisme bariolé.
RépondreSupprimerM. Homais pratiquait en effet la synthèse chimique, comme Berthelot. Ce dernier était aussi professeur à l'Ecole de pharmacie et chef de la commission des explosifs. Si je me souviens bien mon Madame Bovary, il y a un passage où Homais s'occupe du feu d'artifice à Yonville...
Dans "Le Gaucher boiteux", l'un de ses derniers livres, Michel Serres dit que la pensée analytique est en voie d’extinction, et qu'étant synonyme de division, elle aboutit à la guerre.
RépondreSupprimerMalgré sa deuxième vie aux USA, il est extraordinaire qu'il n'ait pas découvert la philosophie analytique américaine, et qu'il n'en parle jamais.
Sa fine connaissance de l'œuvre de Comte ne l'a pas incité à lire John Stuart Mill, ni d'autres philosophes anglais.
Le bouc-émissaire aurait pu le mener au dilemme du tramway fou, même si ce sont des choses très différentes.
De l'algèbre, il retient qu'elle raisonne par équipotence transfinie.
On ne comprend pas bien ce qu'il veut dire, même en s'aidant de "La Philosophie de l'algèbre" de Jules Vuillemin.
On comprend mieux ce qu'il dit quand il se revendique gaucher et boiteux. Ce sont les caractéristiques de l'inventeur, parce qu'il ne va jamais droit, qu'il sort du chemin et qu'il bifurque pour innover.
Lewis Carroll était gaucher, lui aussi. Dans "Logique du sens", Deleuze rattachait cette caractéristique à la pensée perverse qui est en quête des événements en surface. "Alice au pays des merveilles" était une sorte de manuel de logique qui renouait, par ses paradoxes, avec la pensée des Stoïciens. Serres fait une brève allusion à Carroll dans ce sens, quand il relit la nouvelle "Sarrasine" de Balzac après Roland Barthes, dans "L'Hermaphrodite" (le thème des deux "S" dans "Sarrasine", avec le "S" gaucher et le "S" droitier qui se dit comme un "Z" castrateur, d'où le "S/Z" de Roland Barthes).
Outre Zola, Michel Serres s'est intéressé à Maupassant. Dans "Statues", notamment, où il voit dans la nouvelle "Le tic" la première méditation métaphysique de notre histoire sur l’objet. On peut être surpris par son point de départ, mais ses démonstrations parviennent souvent à être assez convaincantes.
Il faudrait donner à Michel Serres le même rôle qu'à Alain Minc ou Jacques Attali, celle d'un passeur d'idées qui identifie chaque fois la nouveauté, parmi le flux et le reflux des modes.
Ce qui me frappe, chez à peu près tous les philosophes français de cette génération c'est qu'ils sont tous convaincus d'être absolument originaux, d'être totalement des francs tireurs, des mavericks. Comme le dit William James (The varieties of religious experience) : Probably a crab would be filled with a sense of personal outrage if it could hear us class it without ado or apology as a crustacean, and thus dispose of it. "I am no such thing," it would say; "I am MYSELF, MYSELF alone."
RépondreSupprimerPour argumenter dans sa tentative louable de rabaisser les prétentions humaines, William James choisissait un exemple qui était spéciste. S’ il pouvait parler, mais peut-être le dit-il dans un langage que nous ne voulons pas connaître, le crustacé dirait qu’ il ne veut pas être servi en homard à l’ américaine, au nom des droits des animaux, parce qu’ au fond il partage avec l’ homme la même prétention à être lui-même et unique.
RépondreSupprimerD’une certaine façon, Michel Serres l’antispéciste a répondu à William James dans « Le Contrat naturel », qu’ il met à jour périodiquement sous les pruniers d’Agen. Dans ce livre, et dans d’autres qui s’y rattachent, il résume les thèses et les débats de la philosophie de l'écologie. Il semble même se rapprocher de Peter Singer.
Par contre, un penseur comme Derek Parfit était antianimaliste. Le titre de sa célèbre conférence « We are not human beings » signifiait : nous ne sommes pas qu’ une espèce d'animaux pensants. D’ailleurs, ses thèses sur la nature des personnes et de l'identité personnelle ont été réfutées par Paul Ricœur dans « Soi-même comme un autre », même si le philosophe prémacronien n’ incluait pas l’ animal dans l’Autre.
Michel Serres est-il vraiment imbu de lui-même ? Il reconnaît que le moindre étudiant en sait autant que lui en consultant Wikipédia sur son téléphone. Adepte du moocisme intégral, il ajoute qu’ il n’ aurait même plus besoin de se déplacer pour faire cours.
vous vous trompez sur l'exemple de James : il porte sur la croyance qu'a le crabe d'être exceptionnel, non pas sur les revendications spécistes.
RépondreSupprimerSinger est un philosophe respectable. Je ne crois pas un mot de ce qu'il dit, mais il donne des raisons, des arguments, il ne se contente pas de papillonner comme le fameux parasite.
J'aimerais bien savoir en quoi Parfit a été "réfuté" par Ricoeur.
Si cela vous intéresse un de mes collègues en a traité
https://www.academia.edu/30766098/LA_THEORIE_DE_LIDENTITE_PERSONNELLE_DE_PARFIT_2001_
https://ricoeur.pitt.edu/ojs/index.php/ricoeur/article/viewFile/238/122
Dans le dernier "Hermès", "Le passage du Nord-Ouest", Michel Serres aura eu au moins le mérite de se poser l'énigme du passage entre les sciences exactes et les sciences humaines, ou entre les sciences exactes et la philosophie. Comme pour les navigateurs, il s'agit d'un parcours très compliqué, semé d'embûches, et qui est différent à chaque traversée. C'était aussi la feuille de route de Jules Vuillemin et de Gilles-Gaston Granger. On peut, bien sûr, être déçu par les réponses de Michel Serres, et par la solution du tiers-instruit qu'il propose. Néanmoins, Il n'est pas certain que le livre de Sokal et Bricmont, «Impostures intellectuelles», ait pris toute la mesure de ce qui a préoccupé une génération d'épistémologues français. Il a d'ailleurs été critiqué pour d'autres raisons. On passera sur le dernier Lacan, topologiste de l'inconscient. C'est peut-être la critique de Bruno Latour, dernier survivant de l'école épistémologique traditionnelle française, qui est la plus malheureuse.
RépondreSupprimerSur le plan des études littéraires, on peut considérer que Michel Serres n'apporte rien de très nouveau. Son idée de déduire la métaphysique des contes fantastiques de Maupassant n'était pas inédite. Elle venait de Borges, pour qui la métaphysique, et même la théologie, étaient des branches de la littérature fantastique. Il faut également reconnaître que le structuralisme esthétique, en général, a beaucoup égaré, voire dégoûté, les purs littéraires.
le livre Impostures intellectuelles était un livre hygiénique. Mais Sokal a écrit ensuite un livre plus substantiel Beyond the hoax, que personne ne cite. Sokal n'a pas la prétention d'être un épistémologue. C'est un mathématicien et un physicien.
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