Quoi de plus intime qu’une paire de
chaussures ? Plus intime que le slip, la chemise ou le pantalon. Car les
chaussures sont notre seul contact avec le monde extérieur et le sol, ce qui
nous permet de marcher, de courir, de nous asseoir, de taper sur des balles,
appuyer sur des accélérateurs et des pédales. Mais si nous parvenons bien à
nous souvenir de ces chaussures à roues que sont les automobiles que nous avons
eues dans notre vie, si un séducteur invétéré parvient à se souvenir de ses
conquêtes, ou même peut être de nos manteaux, qui se souvient de toutes les
paires de chaussures dans lesquelles il a mis les pieds ? Pas moi. Mais
quelques-unes ont compté pour moi et j’aimerais leur rendre hommage, tant que
je peux encore m’en souvenir.
Je n’ai aucun souvenir de mes souliers
d’enfant, mais j’ai sans doute eu, comme la plupart des bambins des années 50,
ce genre de sandales aux pieds.
La première paire notable dont je me
souviens est une paire de baskets noires. Elles montaient très haut sur la
cheville, et avaient un rond rouge sur le côté. La semelle, pourtant était très
peu épaisse. Je m’en souviens parce que ce sont ces chaussures qu’il fallait
avoir pour faire de l’escrime, sport auquel je m’initiais. Le fleuret, le
casque, et la livrée blanche de l’escrimeur étaient fournies par le Cercle
d’escrime, mais pas les chaussures, qui furent, pour ma famille un poste de
dépense important. Par la suite je portai aussi ces baskets pour faire du vélo.
A la longue, comme on y suait, elles finirent par puer, ce qui limitait leur
usage aux lieux extérieurs. Je dus m’en séparer, mais je ne me souviens plus de
ce que je portai ensuite outdoors.
Les pataugas ? Je ne crois pas. Des tennis ? Je n’en ai jamais porté.
Je crois que tout simplement, ayant cessé de faire du sport, je renonçai aux
baskets.
La seconde paire était les clarks. Tout le monde au lycée en avait.
Je voulus en avoir aussi, pensant que cela favoriserait mon invitation aux
surprises parties. C’étaient des chaussures en daim montantes, à lacets, qu’on
portait en général sous un jean (cela n’allait pas avec les pantalons droits).
C’était assez moche, mais c’était la mode.
J’eus ensuite des bottes de cuir, quasiment
rouges, mais tirant vers le brun. Ce n’étaient pas des bottes de cheval, car
elles étaient souples, plutôt agréables à porter, à condition de pouvoir
glisser dedans un jean en velours fin. Comme j’avais par-dessus tout cela un
manteau de type « afghan » blanc à la mode, cela me donnait un air de
Tchichikov, même s’il y avait rarement de la neige.
Quand j’eus vingt ans, mon snobisme
s’accrut. J’allai en Angleterre à Oxford, et là je restai en contemplation
longtemps devant les les chaussures de chez Ducker and Sons sur Turl Street,
avant de pouvoir m’en payer une paire. J’eus
ensuite des dizaines de chaussures anglaises du même genre, mais sans pouvoir
retrouver celles-là. ( addendum avril 2014 : Ducker a fermé ! End of the road...)
http://www.the-tls.co.uk/articles/public/tolkiens-tennis-shoes/
http://www.the-tls.co.uk/articles/public/tolkiens-tennis-shoes/
A l’école normale, je vis un jour Althusser porter
chez le cordonnier qui se trouvait à l’entrée de la rue Claude Bernard les
boots qu’il portait à longueur d’année. Je voulus les mêmes, mais ne les
trouvait que plusieurs années après. Les malheurs d’Althusser ne m’avaient pas
découragé de porter les mêmes chaussures que lui.
J’aimais beaucoup une paire de chaussures
dont le bout était quasiment carré trouvée dans un magasin anglais à Grenoble.
Je les portai des années. Mais jamais je ne réussis à vraiment retrouver cette
forme.
J’eus
longtemps des spartiates pendant l’été, et des chaussures américaines de style
écrase-merde. Bien sûr j’eus des chaussures bateau, des mocassins en daim, des
espadrilles etc. Mais rien qui laissât en moi un souvenir podique.
Vous êtes mûr pour écrire une "petite philosophie des chaussures" !
RépondreSupprimernon, rigoureusement rien de philosophique là dedans, désolé. Juste des greguerias.
Supprimer" Car les chaussures sont notre seul contact avec le monde extérieur et le sol,"
RépondreSupprimerEt donc il nous arrive parfois de comprendre la douleur d' avoir un corps au pied!
bien vu. les autres parties de notre corps touchent rarement le sol, quand quand nous nous mettons à quatre pattes, comme Jean Jacques Rousseau selon voltaire.
SupprimerIl est vrai que partager les chaussures de quelqu'un semble inapproprié, cela nécessiterait aussi de partager ses erreurs...et ce n'est pas moi qui le dit, c'est ce bon vieux Donald! "The easiest errors to allow for in others are those we realize we might have made if we had been in their shoes".
RépondreSupprimerEn effet en anglais on a l'expression "to put oneself in another's shoes" , qui indique encore mieux que mon billet combien cela touche l'intimité , le soi, le fond de l'esprit.
Supprimer"Un kilomètre à pied, ça use, ça use !" est la chanson des scouts, mais elle prend tout son sens de nos jours, quand les dépenses de consommation de vêtements et de chaussures baissent de façon continue, à cause du recul de notre pouvoir d'achat. Ce billet rappelle une époque où l'on achetait de belles chaussures très fréquemment, avec tout un cérémonial, dans le souci d'être à la mode et en y mettant le prix, même quand il était au-dessus de nos moyens.
SupprimerChaussures luxueuses que l'on abîmait sitôt acquises en marchant longtemps, que l'on crottait, mouillait, écorchait contre les trottoirs, dans une sorte de gaspillage sacrificiel.
Aujourd'hui, quand on est jeune et fashion victim, on achète des marques. Ensuite, on va se chausser en grande surface de sneakers passe-partout et bon marché, ces chaussures mi-sport mi-ville qui évoquent la majorité silencieuse. Elles ont le mérite d'être confortables et de faire marcher vite. Mais leur obsolescence est programmée et l'on en achète souvent. Elles ne remontent pas le moral quand on est déprimé et que l'on rencontre son reflet dans une glace.
Pour la période pop, on pourrait citer la chanson "These Boots Are Made for Walkin'", interprétée par Nancy Sinatra. Il est vrai que la chaussure est surtout une affaire de fille. Il y a eu les talons aiguilles, tout un fétichisme, un érotisme du pied et de la chaussure. La chanteuse Dalida avait des tenues et des chaussures faussement sages.
D'un penseur comme Althusser, qui venait de la Vieille France et qui allait encore chez le cordonnier, notre savant Pr Scalpel a surtout retenu les boots. Etait-ce pratique pour lui dans les manifestations, où sa barbe et sa chevelure attiraient irrésistiblement la matraque ?
J'avoue que les chaussures anglaises ou italiennes, faites sur mesure, sont toujours assez craquantes.
Dans ce billet, il y aurait sûrement d'autres chaussures à avouer, comme les Hush Puppies de popper Electric Boogaloo dans le Londres nocturne.
Je pense que j'aurais dû écrire ce post autrement. Nosvidad m'a rappelé que les chaussures , c 'est le moi, l'intérieur. aussi acheter des chaussures est une forme de respect de soi. Les italiens, les anglais, qui les respectent souvent, le savent. Les français moins. le régime actuel, que vous décrivez bien de la pompe pas cher, jetable , est effrayant. Il témoigne d'un mépris pour les pieds, et la chausse, qui est un mépris de soi. Cela dit, je ne collectionne pas les chaussures, et les miennes sont moches...
RépondreSupprimerun détail : Althusser n'avait pas de barbe , et les cheveux plutôt courts, disons mi-longs. Il allait peu, ou pas, aux manifs.
Je ne parlais pas d'Althusser, mais de vous, cher Pr Scalpel ! Et des points de suture que vous aviez eus après une manif interdite, où il y avait aussi Sollers, Foucault, Genet, etc.. J'ai lu que Deleuze était tombé dans une sorte de coma, après une manif, avec Foucault comme secouriste improvisé.
RépondreSupprimerScalpel y fut scalpé, mais pas Foucault, ni Genet qui n'étaient pas là. C'était une manif interdite, mais elle avait lieu en marge de l'expo Pompidou.
RépondreSupprimerVoir
http://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/sest-battu-pour-lart-lexpo-72-au-grand-palais
" Ce billet rappelle une époque où l'on achetait de belles chaussures très fréquemment, avec tout un cérémonial, dans le souci d'être à la mode et en y mettant le prix, même quand il était au-dessus de nos moyens."
RépondreSupprimerMais c' est toujours le cas Monsieur Grig, une belle paire de Paraboot ( fabrication française!) à 350 euros ça se mérite!
À mon avis, la question de savoir si les Paraboots Avignon se méritent relève de l'éthique protestante du capitalisme.
RépondreSupprimerUn grand classique, les Paraboots Avignon, mais outre qu'en noir les pompes sont réservées aux mariages et aux enterrements, nous attendrons la version vegan et écologique du modèle, en cuir végétal. Si l'on reste dans la proximité des vaches sacrées, pourquoi ne pas évoquer la spiritualisation de la plante du pied, dans l'Ayurveda ? Le pied serait comme la carte du corps, avec des zones réflexes, des points d'énergie subtile correspondant aux différents organes. Les zones de la plante du pied seraient connectées aux chakras, ces points de rencontres entre la conscience et la matière situés le long de la colonne vertébrale. Le massage du pied serait la clé d'un bien-être total, qui donne envie à l'âme de rester dans le corps.
Evidemment, ces considérations sentent la mentalité pré-scientifique.
On pourra toujours dire que l'efficacité de la médecine douce de l'Ayurveda est due à un effet placebo.
Dans la sagesse indienne, il y a d'autres questions, qui parleront davantage à nous autres Occidentaux. Par exemple, la querelle entre le Bouddhisme du Petit Véhicule et celui du Grand Véhicule, puisque les voitures sont des chaussures à roues. Il y a trois animaux pour tirer le véhicule du sage : la chèvre, le daim, le bœuf. La chèvre n'emmène que lui, le daim a une puissance limitée, mais avec le bœuf, le sage met tout le monde dans son chariot. On comprend alors l'objet de la querelle des deux écoles bouddhistes : le véritable sage est-il seulement l'Éveillé ou bien l'Éveillé qui enseigne à tous ?
Si l'on revient à la chaussure, on rapporte que Danton, refusant l'exil, tandis que Saint-Just préparait son arrestation, a dit : "On n'emporte pas la Patrie à la semelle de ses souliers.".
La manif de l'Expo 72 au Grand Palais était un bel exemple de désobéissance civile. Nous avons dérivé vers ce sujet à partir de l'idée qu'il fallait avoir des chaussures souples pour courir vite dans les manifs, très différentes de celles d'un caïman, quand on avait à l'évidence un look de gauchiste hirsute et barbu. Pour y penser, il fallait faire l'effort dangereux de se mettre à la place de l'autre, en l'espèce le CRS. Un mien ami africain était éberlué par ce que lui avait dit un CRS : "tu ne réalises pas que dans une manif, on ne voit que toi !".
Notons d'abord que les caïmans fournissent le meilleur cuir possible pour les chaussures. L'amusant en effet est que s'ils passent inaperçus dans les manifestations et n'ont pas des airs de gauchistes, les caïmans que j'ai connus , à commencer par Althusser et Derrida, n'avaient en revevanche aucun désir de passer inaperçus dans le monde de l'intellect. La conclusion est que celui ci ( l'intellect, par opposition à la chevelure) doit être inaccessible aux CRS, et devrait servir de bon paravent ( ou pare matraque). Mais cela c'est le haut du crâne, que l'intellectuel a chauve assez vite. La question importante, vous avez pleinement raison, est celle du BAS du corps, les pieds. De quoi sont-ils? dirait l'adjudant. L'objet d'un soin constant. La réplique de Danton à Saint Just que vous rappelez me ravit. Mais que l'on songe aussi aux paroles de exorciste pour chasser le Malin : " Renonce à Satan, à ses pompes et à ses heures!" Cela montre bien que le Diable est aussi dans ce qui semble un détail, mais est essentiel : les pompes.
RépondreSupprimerS'il est vrai que le véhicule est la métaphore de la chaussure, et si l'on épouse la logique bouddhiste du Grand Véhicule, alors il faudrait avoir des chaussures assez grandes pour y faire aussi entrer les pieds des autres. Mais cela ne revient-il pas à installer l'altérité au coeur du moi ? C'était sans doute la crainte des partisans du Petit Véhicule. Les autres me font rater l'essentiel, la conscience universelle accessible par la méditation silencieuse et solitaire.
RépondreSupprimerComme le débat va maintenant porter sur la déconstruction, il serait de bon ton d'évoquer les vieux souliers délacés peints par Van Gogh, qui inspireront Heidegger et Derrida. Je crois aussi me souvenir que la carte postale de Derrida représente un frère et une soeur dans la même culotte.
Je doute qu'un bouddhiste ait jamais usé de la métaphore de la chaussure pour faire signe vers le grand Tout. En revanche je me rappelle de la phrase de Michaux que nous citait - en faisant une moue de refus - Clément Borgal : "la foi , semelle inusable pour qui n'avance pas".
RépondreSupprimerQuant aux souliers de Heidegger ils sont commentés sur ce blog sous la rubrique todtneubergiana.
La sandale a une grande importance dans le culte bouddhiste et dans le culte hindouiste, sous la forme de la paduka. C'est une simple semelle munie d'un bouton qui sépare l'orteil des autres doigts du pied. Elle symbolise les empreintes des saints et des dieux. Dans le Buddhapada, les empreintes des pieds du Bouddha sont ainsi vénérées au lieu même où il a atteint l'illumination.
RépondreSupprimerDans la cérémonie de la puja, l'équivalent de notre messe, on arrose d'eau sacrée une paduka en métal évoquant les sandales du guru, pour rappeler que la grâce divine se transmet du maître au disciple, quand le disciple est assez humble pour laver les pieds du maître.
Dans notre culture, c'était peut-être aussi l'explication de la sandale de bronze d'Empédocle, qui devait plus ressembler à un guru qu'à un philosophe académique.
Pour la culture indienne, la chaussure a autant de symbolisme que le pied.
Personnellement, je n'ai pas eu un guru, mais une gura, Swamini Umananda, de la Chinmaya Mission France, pour m'enseigner la non-dualité du Vedanta.
Quand je la secondais dans l'office de la puja, au moment du darshan, ce point culminant du rite, lorsque la divinité se révèle à nous dans un court instant de méditation, je m'endormais vraiment et la gura me secouait comme un prunier. C'est très gênant pour mon karma et pour la suite de mes réincarnations.
Heureusement, la Forêt Noire n'a pas hébergé uniquement le Sage de Todtnauberg.
Elle a abrité aussi la demeure du très zen Karlfried Graf Dürckheim, qui parvint au dernier degré de l'extase. Il nous a rappelé que le hara, concept plus large que l'abdomen, est le centre vital de l'homme. C'est même pour cela que l'on se fait hara-kiri. Le yoga permet d'atteindre ce point d'équilibre entre les forces ascendantes et les forces gravitationnelles du corps.
Dans l'Antiquité, Epicure fit le buzz en affirmant que le plaisir du ventre était le principe et la racine de tout bien. C'était fou, cette intrication de la physiologie et de l'éthique.
Quant à Clément Borgal, ce fou de théâtre se passionnait pour les avant-gardes d'hier. Roger Martin du Gard, son auteur-fétiche tombé dans l'oubli, avait aussi commis en son temps une pièce d'avant-garde, "Le Testament du père Leleu", pour Jacques Copeau. Clément Borgal avait été couvert de prix par l'Académie Française. Il incarnait le personnage du professeur de lettres et critique littéraire de province, qui avait déjà inspiré les romanciers. D'une certaine façon, il était dans le règne des simulacres, comme aurait dit un Satrape célèbre du Collège de Pataphysique qui pensa la Guerre du Golfe. Mais la foi catholique de Clément Borgal était inébranlable, la foi du charbonnier.
On reparlera des gourous.
RépondreSupprimerNe pensez vous pas que dans des lieux et des époques où régnait la famine, la thèse d'Epicure était de pur bon sens?
Borgal avait fort raison de priser Martin du Gard. J'avais jadis trouvé ennuyeux les Thibault, mais à présent je trouve que c'est un grand auteur. Encore un professeur que l'on n'a pas écouté, à tort, et à nos dépends.
Je partage avec vous l ' admiration pour Roger Martin du Gard. J ' aime aussi son rationalisme tranquille, un peu pantouflard.
RépondreSupprimerDans le genre vieille France c'est quand même mieux que Chardonne dont on nous rebat les oneilles !
SupprimerLe journal est formidable.
Si j'ai bien tout compris, les chaussures sont peut-être la chose plus personnelle. Dans certaines cultures, offrir ses chaussures en cadeau est une insulte, comme on l'a vu dans la mésaventure récente du footballeur Messi en Egypte. Pourtant, on dit de certains vendeurs de souk qu'ils seraient assez habiles pour vendre leurs propres chaussures.
RépondreSupprimerEn tout cas, il ne faut jamais marcher à côté de ses pompes, sous peine de s'attirer la sanction du ridicule social. Néanmoins, il faut disposer de suffisamment d'empathie pour se mettre mentalement dans les chaussures des autres.
Il y a des situations où l'on est dans ses petits souliers, mais on nous entend aussi venir avec nos gros sabots.
A Montparnasse, où l'on parle breton, on dit, paraît-il, "mettre ses chaussures dans ses pieds". J'ai entendu dire, au moins une fois dans ma vie, qu'il y aurait un complotisme des Bretons. C'est sans doute à cause de ces bretonnismes que personne ne comprend.
Dans plusieurs langues, on dit : "avoir les deux pieds dans le même sabot".
Connaître l'étymologie des mots est parfois d'un grand secours. Le scrupule est le scrupulus, le petit caillou dans la chaussure.
La culture jeune délaisse les basques, quand elle parle de coller à quelqu'un. Elle a inventé : "lâche-moi les baskets !".
Les femmes sont les personnes les plus sociables. Elles parlent spontanément entre elles dans le métro, avec une complicité réelle et sans se connaître. Elles échangent des chaussures déjà portées dans les trocs et les dépôts-ventes. Mais on dit que les femmes n'aiment pas non plus mettre les mêmes chaussures que d'autres femmes portent.
Les talons aiguilles en font des êtres aériens. Il y a même pour elles des cours de talon, pour réussir sa démarche, sans avoir l'air d'une péripatéticienne, ou sans avoir l'air de marcher sur des œufs. Les femmes ont aussi des astuces de grand-mère. Ainsi, pour éliminer la puanteur, il suffit de vaporiser de la vodka bon marché dans ses chaussures. La vodka tue les bactéries qui empestent.
Quand on a trouvé la femme de sa vie, pourquoi dit-on que l'on a trouvé chaussure à son pied ?
A la fin de sa vie, on a une retraite heureuse quand on a mis du foin dans ses bottes.
Si l'on finit clochard anarchiste, il y a dans les Pieds Nickelés un florilège de pensées autour des pieds et des chaussures.
On comprend la raison de leurs préoccupations, comme on comprend mieux la raison de l'importance du ventre épicurien à la lumière des conditions socio-économiques des populations dans l'Antiquité.
Quant à Clément Borgal, il était plus budiste que bouddhiste. En effet, il a participé aux conférences de l'Association Guillaume-Budé à Orléans. Elles sont numérisées sur le site orléanais de l'Association.
Merci de cette gerbe sémantico anthropologico-godassière!
RépondreSupprimeren effet souvenons nous de la chaussure reçue par George W Busch durant une interview il y a plusieurs années de la part d'un journaliste irakien je crois.
merci de la référence à Budé à Orléans . C'était très actif, mais je n'y ai jamais mis.... les pieds
Oui j'ai apprécié dans le Journal de RMG une conscience lucide des limites de lui - même et d ' autrui accompagnée d ' attachement pour les autres et d ' attention à soi. Quand il raconte amusé son arrivée ridicule à la cérémonie de remise du prix Nobel, il illustre sa capacité à suivre le juste milieu entre empathie acritique et dédain sévère. C'est un journal qui montre beaucoup de sagesse pratique sans jamais donner de leçons. ..
RépondreSupprimerComment cet homme si fin a t il pu être l'ami de ce sophiste snob de Gide ?
RépondreSupprimerLes Pieds Nickelés ne se déchaussent pas, quand ils font leur toilette sous les ponts. Croquignole, l'intellectuel du groupe, a une pensée du jour : "Les pieds, c'est comme les dents, quand on les lave, on les déchausse !". À cela Ribouldingue ou Filochard répond : "Moi, partout où il y avait des trous, j'ai lavé !".
RépondreSupprimerClément Borgal ne devait pas lire l'Épatant, mais Coeur Vaillant, dans sa jeunesse.
Dans sa conférence à Guillaume Budé, il tenait la pièce de Martin du Gard pour une farce grossière. La suivante était encore plus grossière, d'après lui. Elles avaient été écrites pour Jacques Copeau, un novateur qui faisait un théâtre de la Réalité.
Martin du Gard portait une émeraude au doigt, comme Sacha Guitry, le roi du Boulevard. Mais Martin du Gard était, selon Camus, l'homme le plus modeste du monde.
Le lieu de Clément Borgal était Saint-Jean-le-Blanc. Il s'y est fait élire et il a publié un livre sur cette commune à côté d'Orléans. Borgal était honnête. Il a écrit et publié une pièce de théâtre. Après avoir jugé les autres comme critique, il montrait ce qu'il valait comme auteur.
Oui, je regrette Borgal, d'avoir trouvé jadis ses goûts littéraires désuets, au nom de mon avant gardisme. Son monde littéraire était celui des années 30, que je n'ai découvert que plus tard. Il était honnête et généreux.
RépondreSupprimerIl faudrait parler de l'avant-garde autour de la revue "Tel Quel" de Sollers. On ne peut pas dire qu'il soit resté grand-chose de la production romanesque de cette époque. Julia Kristeva a écrit le roman de "Tel Quel" dans "Les Samouraïs". Elle n' avait plus exactement la même conception de l'oeuvre littéraire en écrivant ce livre ! C'est poignant, la déception des petits-bourgeois que dépeint Kristeva : il n'y aurait pas de révolution ! Pascal Ory, l'historien de la vie intellectuelle française, parle de la révolution de 1975, une révolution à l'envers. Et il y aura François Furet.
RépondreSupprimerLes écrivains d'une autre avant-garde étaient passés au cinéma, Duras et Robbe-Grillet, en se disant que le cinéma était facile, parce que tout le monde en faisait, et qu'ils sauraient bien en faire eux aussi. Maintenant que les langues se libèrent, tout le monde trouve que les films de Duras étaient une chose immonde.
C'est terrible comme ces avant garde ont vieilli, mais celles des années 30 que Borgal chérissait ( Cocteau) avaient vite vieilli aussi. Mais n'ayez crainte, ils ont rebondi, ils se sont renouvelés. Sollers et Kristeva ont épousé bien d'autres masques.
RépondreSupprimerJ'adorais Duras aussi, je n'en manquais pas une. J'allai la voir plusieurs fois présenter India Song ou Son nom de Venise dans des cinémas, à Orléans, à Digne. Je commençai à décrocher quand elle fit Le camion, avec Depardieu , et surtout un camion Saviem, que l'on ne cessait de voir sur tous les plans. Robbe Grillet aussi fit des films hyper ennuyeux, soit disant érotiques. C'est là que j'aurais dû me plonger dans Martin du Gard plutôt.
À l'époque dont nous parlons, l'enjeu du discours sur l'oeuvre littéraire était exorbitant, et de nature à faire du dégât dans les têtes. C'était la scientificité, que l'on retrouvait dans la sémiotique ou dans son avatar philosophique, la grammatologie derridienne. Même la psychocritique n'avait pas eu cette prétention. Un Bourdieu critiquait l'orientation esthétisante de la philosophie d'alors, mais quand on était un pur littéraire, on ne voyait pas du tout les choses ainsi. On voyait plutôt la théorie littéraire et l'oeuvre littéraire être complètement colonisées par la scientificité, à coup de stylistique structurale, etc., et par son pendant philosophique, le derridisme.
RépondreSupprimerLa scientificité n' est pas la science. Elle constitue des dogmes à partir des vérités et des erreurs de l'état d'une science à une époque donnée. Sans compter qu'avec le socle sémiologique et linguistique, on était loin du socle des sciences dures.
Dans le domaine philosophique, les dégâts de la scientificité avaient condamné le positivisme. Le ministre Allègre voulait même faire retirer la statue d'Auguste Comte de la Place de la Sorbonne. Il obtint de la faire pivoter d'un quart de tour. Mais il y aurait à dire sur cet étrange ministre qui adoptait le point de vue des parents d'élèves, pour critiquer les enseignants qu'il aurait dû défendre, et qui parlait froidement de dégraisser le mammouth, comme dans une entreprise lambda.
On dit que Roland Barthes au Collège de France avait envie d'envoyer la sémiotique par dessus les moulins, pour parler plutôt de son ressenti et de son vécu dans son domaine littéraire personnel.
J'ai toujours été étonné de cette rotation d'Allègre. Il aurait dû pourtant célébrer Auguste Comte dans son rejet de la métaphysique, qu'il partageait. Il a déclaré vouloir à la place mettre Pasteur et Hugo. Mais Pasteur et Hugo sont dans la cour de la Sorbonne!
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