Il n'y avait pas beaucoup de monde, en 1944, pour s'opposer à la gloire montante de Heidegger . Les milieux intellectuels français avaient depuis plus d'une dizaine d'années été séduits , Levinas et Sartre en tête, par le penseur fribourgeois, sans jamais que fût mentionné alors son rectorat de 1933. Henri Corbin avait traduit Was ist Metaphysics chez Gallimard Essais, collection dirigée alors par Brice Parain. Blanchot s'était déjà, à peine sorti de ses revues de droite, mis au parfum. La gloire post-après guerre du todtnaubergien ne cessa de croître au sein des milieux intellectuels français. S'ils avaient lu alors des articles comme celui de Marjorie Glicksman paru en 1938 dans le Journal of philosophy (dont il aété question ici même), ou même des ouvrages comme ceux de Karl Löwith (1953), ou écouté Vladimir Jankelévitch, ils auraient peut être reculé un peu, mais personne n'aurait écouté. Tout le monde était messmérisé, et cela a duré cinquante ans, et même aujourd'hui on nous explique encore que même si Heidegger était nazi il reste un grand philosophe.
En 1945, Benda avait déjà vu tout cela. Dans sa Tradition
de l'existentialisme, il explique que la philosophie, déjà si à la mode, de
Sartre, de Heidegger, de Jaspers est une philosophie qui célèbre la vie contre
la pensée, en cela bien peu nouvelles. Plus tard, Bourdieu, Bouveresse, et d'autres dans les années 70, avant même le livre de Farias, avaient crié au loup. Puis Emmanuel Faye, qui fit oeuvre utile. Mais jamais on ne mentionna Benda.
Tout le monde à l'époque cria, comme jadis après les livres de Benda sur
Bergson, au lèse majesté philosophique par un ignare borné. Mais ce n'était
pourtant pas mal vu de la part de ce borné.Voici quelques extraits :
On lira Georges Arthur Goldschmidt "De la bêtise en philosophie", En attendant Nadeau 2018
Je rappelle aussi le grand article de Bertrand Saint Sernin ( à mes yeux définitif) sur Heidegger paru il y a quelques années :"Heidegger ou l'élection philosophique" (Commentaire 2014/4 Numéro 148 | pages 803 à 812)
on n'oubliera pas l'Adversus Heidegger d' Oriane d'Ontalgie
et l'on goûtera ( plus je l'espère que les ouvrages de Federico Tagliatesta ) L'art d'enseigner de Heidegger
Heidegger à la pétanque |
Je me souviens des doctes sermons d'un professeur où il n'était question que de Dasein, d'Oubli de l’Être, de la vérité comme dévoilement et autre billevesées ; nous reçûmes ces enseignements il y a moins d'une décennie, la phénoménologie et l'existentialisme ont la peau dure, malgré les rudes assauts d'Eleuthère.
RépondreSupprimerPour ajouter un ouvrage consacré à l'examen de la philosophie du fribourgeois celui de Herman Philipse, "Heidegger's Philosophy of Being", Princeton University Press, 1998, demeure un outil remarquable et dévastateur. Peut-être un jour pourrons-nous remercier le docteur qui, dans une note de son "Manuel rationaliste de survie", nous fit découvrir cette étude.
Oui Scalpel aurait dû rappeler Philipse.Cela dit Janicaud, Heidegger en FRance, deux volumes, reste un excellent document. On citera aussi Rastier , plus tardif. Mais là aussi Benda connais
Supprimerpas.
Pour l'anecdote, voyez aussi l'excellent
https://arbon.website/henri-eddie-rene-martin-et-les-autres-une-extraordinaire-partie-de-petanque/
et le rappel utile de Roger Pol Droit
https://www.lemonde.fr/livres/article/2023/08/11/heidegger-hitlerien-sans-remords_6185079_3260.html
Merci beaucoup pour cette référence que je ne connaissais pas
RépondreSupprimerJe demeure assez perplexe devant le "cas" Heidegger.
RépondreSupprimerUn économiste disait, en parlant de sa science, "quand on n'a plus de méthodologie, on n'a plus d'honneur". Je crois qu'avec le progrès des différentes sciences une part de la philosophie du vingtième siècle s'est précipitée dans un discours abscons, abstrus.
A posteriori (ayant fait un peu de philosophie), je m'étonne que des philosophes aient pu trouver (et trouvent toujours pour certains) les logorrhées irrationnalistes de ce philosophe "profondes".
Une réponse me paraît convaincante : la philosophie n'ayant aucune méthodologie contraignante — et pour cause, ce n'est pas une science —, alors il est permis de dire n'importe quoi. Le succès de Heidegger s'explique alors essentiellement par des considérations sociologiques et rhétoriques. Cela me fait toujours bizarre de voir des philosophes voulant "réfuter" rationnellement Heidegger : autant vouloir "réfuter" un poème de Mallarmé.
Entrain
non, on peut être responsable et rationnel en philosophie sans être scientifique . Heidegger est infra les deux.
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