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mercredi 19 avril 2017

HOLOGRAMME





                                                            Le piège diabolique 


      A tout lecteur de Blake et Mortimer , les hologrammes d'un des candidats à l'election présidentielle française font penser à l'hologramme de Paul Henri Spaak, qui apparaît à Mortimer
dans Le piège diabolique.(*)  Notons que Jacobs fait cette planche en 1960, et qu'il aura fallu 50 ans avant que les hommes politiques usent de cette technique d'anticipation. Mais la ressemblance s'arrête là. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi Vercoquin et Plancton usent de cette technique, car elle  accentue encore la boursoufflure propre au candidat, comme le dessin de Jacobs le marque parfaitement. Un hologramme c'est une sorte de grenouille qui enfle pour se faire boeuf.

       Car Paul Henri Spaak malgré le côté bombastique dont l'affuble Jacobs, est un grand résistant, l'un des fondateurs de la Communauté européenne. Il joua un rôle majeur dans la destitution du Roi des Belges Leopold III en 1950. Il est probable que Jacobs, très conservateur, ne l'ait guère aimé. Mais il est assez curieux qu'il le dépeigne ici en militariste, car il fut dans sa jeunesse anti-militariste.


(*) voir par exemple : http://www.actuabd.com/E-P-Jacobs-Retour-vers-le-passe

4 commentaires:

  1. Daniel Couvreur a mis à jour une clé précieuse pour lire l’œuvre d’Edgar P. Jacobs : la ressemblance avec Paul-Henri Spaak du dirigeant de la séquence futuriste, dans « Le Piège diabolique », l’album que la censure interdira à la vente en France, à cause de la violence et de la hideur de certaines de ses images.
    On dirait qu’en matière d’actualité politique, Jacobs faisait tout le contraire d’Hergé, qui avait cherché à oublier ses mauvais souvenirs de la Guerre et de l'Épuration. Au début des années soixante, Tintin était dans la zenitude des neiges de l’Himalaya, tandis que Jacobs n’hésitait pas à faire passer des messages politiques dans ses BD, de manière très polémique. Que cherchait-il, avec ses messages subliminaux pour la jeunesse qui n’ y voyait goutte ? Est-ce parce que les adultes lisaient aussi des BD, sans se cacher ?
    Dans le fond, Jacobs et Hergé étaient restés d'accord sur tout, depuis la Guerre. Ils étaient fidèles à la monarchie et ils approuvaient toujours la politique de Léopold III, qui avait abdiqué. Dans l’ entre-deux-guerres, le roi avait fait de la Belgique un pays neutre, dégagé de son alliance avec la France. Après l’invasion allemande, il avait signé la capitulation et il avait refusé de suivre son gouvernement et Paul-Henri Spaak, partis en exil pour continuer la guerre grâce aux richesses minières du Congo.
    Pacifistes, Jacobs et Hergé désapprouvaient la résistance, parce qu’ elle était contraire aux lois de la guerre et parce qu’ elle entraînait des représailles sur la population.
    Paul-Henri Spaak, le Churchill ou le De Gaulle belge, que Jacobs représentait avec barbe et sourcils méphistophéliques, était pour lui un accident monstrueux, dans l’histoire de la Belgique. Ce petit pays avait pris une part énorme à la Guerre et il siégeait même au Conseil de sécurité de l’ONU, organisation que Spaak avait présidée.
    Paul-Henri Spaak fut secrétaire général de l'OTAN de 1957 à 1961, après s'être occupé du Traité de Rome qui instituait le Marché Commun en Europe. Jacobs, qui avait déjà dessiné la Troisième Guerre mondiale, le dénonçait comme un suppôt de la Guerre Froide, coupable d’hubris avec ses troupes qui défilaient derrière son ectoplasme, et qui hoquetait des citations de De Gaulle et de Paul Reynaud.

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  2. Je crois que sur la bio de Jacobs, tout a été dit par François Rivière.
    Nous devons en grande partie l'Europe à Spaak. Ce qu'un de mes amis appelle "l'empire belge".
    Qui sait? peut être que les hologrammes nous gouverneront un jour ? Ou est-ce déjà le cas?

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  3. "Le Piège diabolique" est une sorte d'encyclopédie qui raconte l'histoire de l'humanité, tout en distrayant ses lecteurs. Jacobs en profitait pour tenter d'éduquer politiquement la jeunesse. Il prenait le prétexte d'une chute de Mortimer sur le clavier d'un pupitre, pour faire apparaître l'ectoplasme numérique de Paul-Henri Spaak, et le faire parler dans une langue parasitée par des couacs, sans doute pour le ridiculiser. En quelques images, Jacobs faisait revivre le drame de la Belgique prise dans le tourbillon de quarante ans d'histoire. Mais depuis le partage de l'héritage de Charlemagne, la Francie Médiane avait subi de nombreuses tribulations. Les albums de Jacobs étaient hantés par la Guerre Froide et Paul-Henri Spaak en était l'un des acteurs principaux. Il avait marqué les esprits en prononçant son fameux "discours de la peur" aux Nations-Unies. Pour lui, l'OTAN était le seul rempart contre l'Armée Rouge, et Jacobs le présentait comme un fauteur de guerre, qui allait récidiver après s'être acharné contre l'Allemagne. Jacobs n'est pas le seul ennemi politique de Spaak a avoir médit de lui.
    En politique, la technique de l'hologramme a été utilisée en Inde et en Turquie.
    En France, le candidat Mélenchon vient de l'utiliser.
    Les artistes de music-hall l'ont fait également. La technique holographique daterait de 1947.
    A vrai dire, l'hologramme sur scène n'en est pas vraiment un. Il a besoin d'une illusion d'optique supplémentaire, grâce à un miroir incliné. On obtient ainsi un "fantôme de Pepper", du nom de l'ingénieur anglais qui avait popularisé cette technique.
    Les hommes politiques peuvent ainsi démultiplier leur audience. Le double virtuel de Mélenchon a été jugé convaincant, et même sidérant, mais n'est-ce pas parce que son modèle l'est ?
    Mélenchon se donne une image moderne, mais on lui reproche de faire un coup de communication et de dépenser beaucoup d'argent pour cela.
    Le procédé est valable pour des conférences en ligne, mais en politique, la présence physique du candidat n'est-elle pas indispensable, pour garantir que ce qu'il dit est vrai ?
    Il y a aussi tout ce que le procédé de magicien connote, en esthétisant la politique.
    On a parlé de "Star Wars" ou de "Star Trek". Les apparitions de fantômes sur scène évoquent surtout la monde de la magie du XIXème siècle. On pense bien sûr à Robert Houdin et à son disciple Méliès. Le cinéma de style Steampunk a fait revivre ce monde excellemment dans "Le prestige" ou "L'illusionniste".
    On pense aussi au Docteur Mabuse, grand expert en apparitions de chimères, ou bien à Big Brother.
    Chez Vian, il me semble que la thématique du dédoublement burlesque avait une dimension pataphysique. Le Père Ubu de Jarry était d'essence bombastique.

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  4. Tout ceci est très bien vu, et je suis d'accord, vous êtes avec moi à 99% . le candidat Mélenchon est en effet à mi chemin entre UBU et Houdini, que l'on peut aussi, vianesquement, appeler l'un Vercoquin et l'autre Plancton.

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