Dans la revue en ligne Aeon (16 mai 2019) on lit, sous la plume d' Emily Herring:
"Attacks against the supposed femininity of Bergsonism were eventually redirected, in a circular movement, against the Bergsoniennes. The fact that so many women seemed naturally drawn to a philosophy deemed as unrigorous as that of Bergson constituted incontestable proof that women could not be trusted with intellectual matters. Long-time Bergson critic and writer Jules Lermina denounced ‘Bergson’s sentimentalist propaganda’ which, he said, women used to justify their irrational beliefs such as the possibility of life after death".
Je me suis demandé qui pouvait bien être ce Jules Lermina qui avait si longtemps critiqué Bergson. Lermina est un romancier populaire, une sorte de Gustave Lerouge, qui écrivit des romans feuilletons comme Toto Fouinard, Histoires incroyables, Le fils de Monte Christo, la suite de Rocambole un manuel de magie ou un Dictionnaire d'argot, qu'on trouve la plupart sur Gallica. Il était anarchiste, nous dit on, participa à la Commune et mourut en 1915. Sans doute eut il le temps, à la Belle époque, d'assister à la gloire de Bergson, mais rien n'indique qu'il ait écrit sur Bergson. Je n'ai pas eu le courage de lire ses romans, et il est vraisemblable qu'il n'ait pas été un féministe. Je suis allé consulter La gloire de Bergson de Francois Azouvi, mais aucune trace. L'auteur aurait-elle confondu avec Julien Benda, qui dans Belphégor soutient que la décadence de l'art vient du culte de la musique et des femmes des salons? A noter que Benda ne parle que des salons, de la bonne société, et qu'il trouva chez nombre de ses amies, comme Catherine Pozzi, un renfort dans sa critique du féminisme chic. Voilà un nouveau mystère de Paris.
Allusion ironique au public féminin qui suivait les cours de Bergson au Collège de France ?
ou à l'intérêt du philosophe pour la recherche psychique?
L'idéal-type des auditrices libres de Bergson est peut-être à construire avec la comtesse Greffulhe et la princesse Bibesco, dames d'un grand raffinement esthétique et moral, qui apportaient un peu d'élévation à l'homme de la Belle Époque. Quant à la non-binarité du genre dans le bergsonisme, Deleuze l'a traitée par le biais de Marcel Proust. En ce qui concerne le Bergson somnambule et spirite, l'Université a toujours adopté un silence académique.
RépondreSupprimerLermina a publié des nouvelles fantastiques, mais l'ambiguïté de son fantastique penche plutôt du côté du merveilleux que du côté de l'étrange qui s'explique rationnellement à la fin de l'histoire. Gaston Leroux et Arthur Bernède ont fait l'inverse. Par rapport à Julien Benda, Lermina joue innocemment la carte de la littérature populaire. Au contraire, Benda semble aborder la question de la vérité littéraire comme forme symbolique, à travers une expérience réflexive du roman psychologique. Le constat de son échec dans cette voie le pousse à chercher la vérité ailleurs.
Julien Benda était jaloux de Lermina.
RépondreSupprimerLe dernier roman de Houellebecq est dans la post-littérature du naturalisme inspiré par la sociologie journalistique. Julien Benda avait raison. La littérature moderne est infaisable, et cela, il l'avait expérimenté lui-même avec honnêteté. Son coup de génie a été de réactiver ensuite la Querelle des Anciens et des Modernes.
RépondreSupprimerLes bergsonien.ne.s (pour rester dans le ton) ne se sont guère attardés, à ma connaissance, sur cette phrase (Deux sources):"Bornons-nous à dire que la femme est aussi intelligente que l'homme, mais qu'elle est moins capable d'émotion, et que si quelque puissance de l'âme se présente chez elle avec un moindre développement, ce n'est pas l'intelligence, c'est la sensibilité". A méditer.
RépondreSupprimerEh bien c'était exactement ce que Benda disait dans son livre Sur le succès du bergsonisme (1913) ainsi que dans Belphégor (1918)!
Supprimervoir
http://lafrancebyzantine.blogspot.com/2018/10/lodieux-benda.html