Je lis dans une gazette que Iorgos Zoitakis, l'un des putschistes du régime des colonels de 1967 et vice-roi de Grèce pendant la période, fut condamné puis gracié pour lui permettre de jouir d'une "sénilité solitaire". Sa maison devint plus tard un lupanar branché. Sans doute Zoitakis fut il interné un temps
dans l'île de Makronissos au sud d'Athènes, qui servit de camp de déportés pour les prisonniers politiques des colonels, tout comme le fut, une fois destitué , Papadopoulos. Cette île est, de fait, peu hospitalière, et y furent déportés quantité d'écrivains et poètes, comme Ritsos et Theodorakis.
La vie à Makronissos devait être tout sauf agréable. Mais qui n'a pas rêvé de jouir d'une sénilité solitaire?
"Les hommes qui ont vieilli dans le désordre pensent que quand l’heure sera venue ils pourront facilement renvoyer de jeunes grâces à leur destinée, comme on renvoie des esclaves. C’est une erreur. On ne se dégage pas à volonté des songes ; on se débat douloureusement contre un chaos où le ciel et l’enfer, la haine et l’amour se mêlent dans une confusion effroyable. Vieux voyageur alors, assis sur la borne du chemin, Rancé eût compté les étoiles en ne se fiant à aucune, attendant l’aurore, qui ne lui eut apporté que l’ennui du cœur et la difformité des jours. Aujourd’hui il n’y a plus rien de possible, car les chimères d’une existence active sont aussi démontrées que les chimères d’une existence désoccupée. Si le ciel eût mis au bras de Rancé les fantômes de sa jeunesse, il se fût tôt fatigué de marcher avec des Larves. Pour un homme comme lui il n’y avait que le froc ; le froc reçoit les confidences et les garde ; l’orgueil des années défend ensuite de trahir le secret, et la tombe le continue. Pour peu qu’on ait vécu, on a vu passer bien des morts emportant leurs illusions. Heureux celui dont la vie est tombée en fleurs ! élégances de l’expression d’un poète qui est femme." ( Vie de Rancé , Bossard, Paris, 1920, préface de Julien Benda)
Amusant, je projetais d'écrire un billet sur l'île de Gyaros qui au temps d'Épictète avait la fonction de celle de Makronissos.
RépondreSupprimerCela dit, quelle mélancolie dans votre billet ! Et quelle étrange idée de faire succéder à l'idée du bagne celle du monastère !
Mais que ce texte de Chateaubriand est beau !
J'ai visité Makronissos. J'y passerais bien ma sénilité, à condition que les tentes soient un peu rénovées. Mais à quelques encablures il y a Kea, plus hospitalière.
RépondreSupprimerJe crois qu’ il y a eu d’autres bagnes plus discrets dans les îles grecques. Celui-ci a tourné à plein régime pendant le temps fort de la Guerre froide, mais au début des années soixante l’opinion internationale savait ce qu’il s’y passait et il était devenu gênant d’y envoyer des prisonniers.
RépondreSupprimerEn ce qui concerne la dette des Grecs, le Président Macron, ce virtuose de la finance, doit justement avoir un plan pour la leur effacer.
Le costume folklorique grec continental des hommes est curieux, mais c’est sans doute d’avoir vu les Dupondt dans « Tintin » porter la fustanelle et le béret de feutre, qui le rend tel.
Et le sinistre Colonel Ζωιτάκης nous donnerait presque la nostalgie du cinéma politique de Costa-Gavras.
Il faudrait peut-être parler de Níkos Kazantzákis, cet auteur étonnant (« Alexis Zorba », « Le Christ recrucifié », « La Dernière Tentation du Christ », etc.) qui donna à Jules Dassin l’envie de se faire Grec.
S’ il faut se faire moine, oui, mais à la manière joyeuse et gaillarde de Rabelais. À l'époque de Rancé, les gens allaient à La Trappe parce qu’ils en avaient assez de l'Ancien Régime.
Pour la sénilité, il y a heureusement des moyens maintenant de la retarder. Quand la vie sociale et la vie professionnelle sont passées, on peut enfin être soi-même et faire ce que l’on aime vraiment !
en effet denos jours zoitakis ouvrirait une start up et redresserait l economie grecque , et macronossos deviendrait une vitrine pour
RépondreSupprimerle macronisme
Dans son dernier livre, notre Premier Ministre révèle que son amour de la culture grecque lui vient de la lecture du livre pour la jeunesse de Roderick Milton, « Va dire à Sparte ». La victoire des Grecs sur les Perses aux batailles des Thermopyles, de Salamine et de Platée, c’ était la victoire du courage et de l'intelligence sur le fric. Cela augure fort bien du quinquennat qui commence !
RépondreSupprimerPersonnellement, au lycée je n’apprenais rien et, très en avance sur ma génération, je passais mon temps devant la télévision chez moi. Néanmoins, je recherchais ces livres pour la jeunesse, qui permettaient d’aller plus vite, ou bien de rattraper son retard.
Je n'avais pas la télé. Cela m'a permis de lire un peu. Je n'ai commencé à regarder régulièrement la télé qu'à l'âge adulte, dans les moments de déprime.
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