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jeudi 25 septembre 2014

Le confort intellectuel en philosophie


                                                            L'eau pas dinaire


       Quand j’étais enfant, je n’avais pas accès aux eaux minérales gazeuses, comme Badoit ou Saint Yorre, qui coûtaient cher. Nous avions cependant droit à de l’eau gazeuse, qu’on appelait « l’eau qui pique ». On l’obtenait en ajoutant à l’eau du robinet le contenu de sachets d’une poudre nommée « O’Bull », et qu’on mettait dans des bouteilles à bouchon mécanique, comme celles dans lesquelles on trouve encore aujourd’hui certaines bières. Cette eau qui pique était le Perrier du pauvre. L’eau qui pique n’était pas très bonne, mais elle nous paraissait meilleure que l’eau du robinet, qu’on appelait  avec un rien de mépris « l’eau dinaire ». Il ne me serait jamais venu à l’esprit de priser quoi que ce soit d’ordinaire, à la différence d’aujourd’hui, où plus quelque chose est ordinaire, plus on le prise et le vénère comme si c’était de l’extraordinaire. Signe des temps démocratiques, de l’homme sans qualités, du culte du commun et du quotidien, de l’habituel et du banal. Car du banal peut naître l’extraordinaire. Il suffit d’ailleurs de regarder avec attention quelque chose d’ordinaire, comme le savon de Ponge ou les « choses mêmes » auxquelles la phénoménologie entend nous faire revenir, qui sont bien entendu des choses ordinaires, comme le verre d’eau qu’Aron montra un jour à Sartre et qui décida de la carrière de ce dernier.   

     Pourtant quand les philosophes se réclament de l’ordinaire et du quotidien, comme Husserl, qui définissait la philosophie comme science des banalités, comme Heidegger qui parle de ce qui est "sous la main", des choses banales qu’il appréciait, comme l’eau qu’on va chercher à la fontaine, la hutte dans la Forêt Noire, les chaussures de la paysanne, etc., Merleau-Ponty, Cavell et leurs disciples, ils ne veulent pas nous dire que ce qu’ils défendent est ordinaire ou banal, au contraire. Même s’ils ne cessent de nous dire qu’ils veulent se situer au plus près des choses dans leur ordinarité, ils ne veulent pas dire que leur philosophie est ordinaire, ou qu’elle reflète la pensée du sens commun. Au contraire ils tiennent de toute évidence leurs thèses et leurs « analyses » comme inouïes, étonnantes, originales en diable. Ils ont beau se réclamer de l’ordinaire, ils ne se sentent pas être de la piétaille intellectuelle, et en fait ils adoptent des poses exactement identiques à celles des romantiques. Ils ne sont pas des adeptes de ce que Marcel Aymé appelle le confort intellectuel, dont son personnage de Lepage est le chantre : 

Vous êtes du parti des littérateurs, vous croyez que tout ce qui est étrange, original, singulier, violent, mystérieux, troublant, est une bonne pâture pour les hommes et que toute acquisition de la sensibilité constitue un enrichissement. C’est une extraordinaire naïveté. 

    Pourquoi voulez-vous qu’un jugement soit original ? Pensez-vous qu’il en serait meilleur ?
 Un vêtement, un individu, un tableau, un poème ne sont estimables aux yeux des gens de goût que s’ils peuvent être dits originaux, c’est-à-dire s’ils attirent violemment l’attention. Comment s’en étonner ? Les abus de la sensibilité aboutissent à une rapide dégradation. N’étant plus capable de percevoir la qualité, il lui faut un choc brutal. De fait, nous constatons, chez nos bourgeois cultivés, que les raffinements de sensibilité poétique et artistique rejoignent déjà en plus d’un point la vulgarité. 

      Vous pensez bien que les gens du monde ont autre chose à faire que d’étudier une philosophie dont les propositions et la terminologie même exigeraient de leur part un effort héroïque de compréhension. A la vérité, ils y sont aussi peu préparé que possible. Le romantisme qui les imprègne, en les habituant à se satisfaire d’un contact sensuel avec l’univers et de formules incantatoires qui n’enferment aucune notion solide, les a détournés de l’effort de comprendre et la dégénérescence de leur vocabulaire a encore aggravé le mal. La bourgeoisie française d’aujourd’hui pense approximativement et paresseusement.

   En France, on accorde généralement beaucoup moins d’importance à ce que dit un auteur qu’à la façon dont il le dit. Ce qui compte, c’est un certain ton, un parfum, un je ne sais quoi de vague et de léger qui suffit pourtant à établir ou à confirmer une sorte de connivence entre les gens à la page. Pour ce qui est de la substance même, on s’en désintéresse, on refuse de se poser des questions. Quand on lit un ouvrage, la tête ne doit pas fonctionner ou alors c’est qu’on est un primaire ou un bourgeois, deux espèces également méprisables aux yeux d’un bourgeois. Comprendre, faire travailler sa matière grise n’est pas le fait d’un esprit fin, distingué, sensible, et témoigne plutôt qu’on possède une fausse culture. Chez un homme vraiment cultivé, la connaissance se réduit à une essence très subtile des choses, si subtiles qu’elle ne doit laisser d’autre souvenir que celui d’un frisson, d’un chatouillement discret de la sensibilité. Et s’il autorise à amorcer un jugement, ses seuls critères, d’ordre purement esthétique, sont naturellement empruntés au romantisme : le flou, l’étrange, le ténébreux, le sordide, le violent, etc. Telle est, en face de la littérature, l’attitude de notre bourgeoisie dorée. Mais il ne s’agit pas seulement de littérature. Le mal est beaucoup plus profond. En fait, la littérature a des annexes innombrables et son empire a fini par s’étendre à tous les domaines. La politique, la guerre, la révolution, l’économie, la religion, l’industrie, entre autres, sont toutes par quelque côté des problèmes littéraires et il n’est pas jusqu’aux poètes qui ne s’en soient emparé.



Il y a, dans cette critique du romantisme, ce souci de penser correctement plutôt que brillamment, ce culte du commun, du Benda dans ce livre. On croirait lire telle page de la France Byzantine  ou de Du style d’idées et je me suis souvent demandé avec d’autres si Aymé n’avait pas pris chez le Benda de 1945 une partie de ses jugements dans ce livre de 1949. Evidemment cela sent le réac.

      Que serait un vrai philosophe ordinaire ? 

      Il ne défendrait pas le sens commun. Car les défenseurs du sens commun sont en fait des gens qui eux aussi prennent des poses. Ils défendent le sens commun parce qu’ils pensent, contre les métaphysiciens flamboyants, que la pensée du sens commun est bien plus originale et profonde, dans sa platitude même. L’empiriste, comme Hume, mais aussi le philosophe du sens commun, comme Reid ou Moore, sont fiers de nous dire qu’ils pensent, en fait, comme l’homme de la rue. Berkeley disait, pour défendre ses doctrines fantastiques : « I side in all things with the mob », et ils posent en Irlandais ou en Ecossais venus du peuple, contre les Anglais, hommes de salon.  

      Mais ce philosophe ordinaire défendrait des thèses vraiment ordinaires :

-         Il y a un monde extérieur, qui ne dépend pas de nous, et nous pouvons le connaître
-         Il y a du vrai et du faux
-         Il y a de la connaissance, qui sans être infaillible est capable d’être sûre et robuste
-         Il y a des choses particulières, mais aussi des choses générales et des universaux.
-         Il y a des vérités empiriques, mais aussi non empiriques ou a priori
-         Il y a des vérités modales, sur le possible et le nécessaire
-         Il y a des lois de la nature et des essences
-         Il y a des vérités morales objectives
-         Il y a des jugements objectifs esthétiques
-         Il y a des justifications en politique et des formes de gouvernement plus rationnelles que d’autres
-         On peut, et on doit donner des raisons et des justifications pour ce que l’on avance, en philosophie comme ailleurs
-         La raison est la faculté par laquelle nous pouvons connaître et agir : elle s’étend à nos croyances, à nos actions et à nos sentiments. 


Est-ce que ce philosophe serait un éclectique, comme Cousin ? Non, mais un rationaliste bon teint. 

Le plus bizarre est que ces doctrines banales paraissent à la plupart de nos contemporains extraordinaires, fausses et surtout dangereuses.

   

















fauteuil bête                                                                                                  fauteuil intelligent

22 commentaires:

  1. Merci pour ce texte. Je trouve un vrai plaisir à le lire...

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  2. "Merleau-Ponty, Cavell et leurs disciples, ils ne veulent pas nous dire que ce qu’ils défendent est ordinaire ou banal, au contraire. Même s’ils ne cessent de nous dire qu’ils veulent se situer au plus près des choses dans leur ordinarité, ils ne veulent pas dire que leur philosophie est ordinaire, ou qu’elle reflète la pensée du sens commun. Au contraire ils tiennent de toute évidence leurs thèses et leurs « analyses » comme inouïes, étonnantes, originales en diable."

    Il me semble que Merleau-Ponty s'explique sur ce point au début du Visible et l'invisible.
    "Ce que Saint Augustin disait du temps : qu'il est parfaitement familier à chacun, mais qu'aucun de nous ne peut l'expliquer aux autres, il faut le dire du monde.[Sans arrêt le philosophe se trouve] obligé de revoir et redéfinir les notions les mieux fondées, d'en créer de nouvelles, avec des mots nouveaux pour les désigner, d'entreprendre une vraie réforme de l'entendement, au terme de laquelle l'évidence du monde, qui paraissait bien la plus claire des vérités, s'appuie sur les pensées apparemment les plus sophistiquées, où l'homme naturel ne se reconnaît plus , et qui viennent ranimer la mauvaise humeur séculaire contre la philosophie, le grief qu'on lui fait de renverser les rôles du clair et de l'obscur. Qu'il prétende parler au nom même de l'évidence naïve du monde, qu'il se défende d'y rien ajouter, qu'il se borne à en tirer toutes les conséquences, cela ne l'excuse pas bien au contraire : il ne la [l'humanité] dépossède que plus complètement, l'invitant à se penser elle même comme une énigme.
    C'est ainsi et personne n'y peut rien."

    L'élaboration de conceptions peu ordinaires est présenté comme la conséquence inévitable de l'effort d'éclaircissement des évidences ordinaires, comme si le philosophe n'était original qu'à son corps défendant. Pensez vous que cette invocation d'une nécessité n'est qu'une facilité rhétorique? Pour ma part je suis sensible à la différence de posture par rapport à des philosophies qui promeuvent l'originalité comme valeur en philosophie aux dépens de la vérité (la philosophie définie comme création de concept).
    Votre philosophe qui défendrait des thèses réellement ordinaires pourra-t-il échapper à la difficulté évoquée par Merleau-Ponty?



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  3. Citation très pertinente de Merleau, merci. C'est vrai que Merleau ne revendique pas l'originalité à tout prix, puisqu'il est justement de ceux qui veulent venir au plus près des choses mêmes.
    Mais je crois qu'il confirme plutôt ce que je disais: dans son souci de coller aux choses, il voit encore une forme d'héroïsme. Je trouve que cette revendication de l'ordinaire aussi est une posture.
    "L'évidence naïve du monde devenue une énigme". Mais quelle énigme? La catégorie appropriée est celle de réalité, pas celle d'évidence du monde.

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  4. Monsieur Nel Ratio25 septembre 2014 à 21:58

    Attention, cet article est dangereux, âmes sensibles s' abstenir!

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  5. Pouvez vous me dire en quoi c'est dangereux ? Cela me paraît plutôt du bon sens.

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  6. C'est de l' humour, un peu vulgaire, je m'en excuse...bien platement.

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  7. Bien cher Ange

    Ce serait donc un canard boiteux que la poésie?

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  8. Pas du tout. Rien dans ma liste n'exclut la poésie. Mais peut être y a-t-il poésie et poésie. Les vers de mirliton ne disent rien de vrai, et certain types de poésie n'ont qu'un but musical. Voir Benda, du Poétique, selon l'humanité, non selon les poétes, 1945,

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  9. En somme, la valeur de la philosophie défendue dans ce billet repose sur le fait qu'elle renforce les croyances vraies ordinaires en essayant de les transformer en savoir et, si on doit venir au secours des croyances vraies, c'est pour les défendre des attaques de la philosophie. Comme Wittgenstein, vous êtes un philosophe pour philosophes (égarés par les mauvaises philosophies...)
    Mais pourquoi tant de philosophes ont-il passé leur temps à attaquer les thèses que vous listez ?
    N'est-ce pas aussi que les soutenir se heurte à des objections sensées ?

    Autre point : ce qui frappe dans vos thèses, c'est qu'elles sont philosophiquement réalistes ; or, vous préférez résumer votre position par "rationaliste", ce qui me semble plus vague car on peut s'appeler rationaliste sans souscrire au réalisme esthétique et moral par exemple. Est-ce pour vous que l'usage de la raison conduit nécessairement au réalisme ? Du coup vous vous qualifiez en vous centrant sur le principe (la raison) plus que sur les conclusions réalistes tirées du principe ?

    Enfin comment expliquez-vous que les croyances ordinaires sur les sujets philosophiques sont vraies alors qu'elles sont fausses sur les sujets scientifiques ? Peut-on faire valoir ici une explication évolutionniste ? Si l'humanité avait eu des croyances opposées, elle n'aurait pas survécu ? Ce que en un sens Descartes comprenait dans la première Méditation quand il soutenait qu'il pouvait se permettre de se tromper en niant le monde extérieur, vu qu'il faisait de la théorie pure, sans impact sur sa vie quotidienne ?

    J'espère que vous ne m'en voudrez pas pour tous ces questionnements...

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    1. sur la défense du sens commun je me permets de renvoyer à mon livre Va savoir. Je suis mooréen, mais pas wittgensteinien. Bien vu : Moore est un réaliste, alors que cela me semble bien moins évident de la part de Witters . ( allusions à la fameuse remarque d'Austin )

      Je me permets de renvoyer à ma défense du rationalisme et à mon esquisse de thèse selon laquelle, bien compris, il implique le réalisme.

      Mais cela se trouve sur ma page web, non pas sur mon blog.

      mon blog est un peu la même chose que ma page web, version déboutonnée....

      https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=sites&srcid=ZGVmYXVsdGRvbWFpbnxwYXNjYWxlbmdlbGVoZXNzZnJ8Z3g6MWRmODFkYjBiM2U5OTBjNA


      E Viva il Palazzo !

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    2. "Version déboutonnée" écrivez-vous, dois-je comprendre qu'en fin de compte vous vous encanaillez sur ce blog ?
      Merci en tout cas beaucoup pour ce texte qui clarifie la relation rationalisme-réalisme !

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    3. J'ai appris il n'y a pas longtemps que le Palazzo della Ragione de Ferrare est désormais mieux connu sous le nom de "palazzo del McDonald's". Sic transit...

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    4. oui en effet je m'encanaille. Comme je l'ai dit dans le billet " to kill a blogging bird", le blog est un commentaire indirect , le plus souvent, de mes écrits "sérieux", qu'on trouve sur mon site.

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  10. "... Produire des vérités ultimes de cette sorte, on pourrait s'épargner largement cette peine, car on peut les trouver depuis longtemps à peu de chose près dans le catéchisme, dans les dictons du peuple, etc. – Il n'est pas malaisé, pour saisir de telles vérités en leur indéterminité ou côté tordu, de mettre en évidence à leur conscience, dans elle-même, celles souvent qui sont directement op-posées. En s'efforçant de s'arracher à la confusion qui se trouve occasionnée dans elle, elle sombrera dans une nouvelle et ne manquera pas d'en venir à cette sortie que, d'une certaine façon, pour elle c'est ainsi et ainsi, alors que tout ça ce sont des sophistiqueries ; – un slogan du sens commun contre la raison cultivée, comme le terme de rêveries, l'ignorance de la philosophie l'a retenue une fois pour toutes à l'encontre de celle-ci..."

    http://www.booston.fr/article-hegel-extrait-de-la-phenomenologie-de-l-esprit-le-philosopher-naturel-comme-bon-sens-et-comme-genial-108871833.html

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  11. Absolument d'accord sur le fait que nombre de ces vérités "premières" sont de sens commun, et c'était le sens de mon billet. Mais une chose est de les énoncer, autre chose est de donner des arguments à leur appui. Cela ne va pas de soi de montrer que la morale est affaire de vérité.... Et jamais je n'ai dit que le philosophe doit se contenter de prendre ces vérités comme argent comptant.

    De plus je ne sais pas si le sens commun les valide vraiment toutes. Le sens commun de nos jours est relativiste, par exemple ( mais les gens "cultivés" aussi) . Il n'est certainement pas question de le suivre en cela. Il y a un sens commun des "gens cultivés" qui est tout le contraire du sens commun dont parlait Hegel.

    Je doute aussi qu'il ait des idées bien claires sur les vérités modales. Le sens commun est un nécessitariste ou contingentiste ? Croit il à la réalité du possible ou bien est il actualiste ? je m'accorderai donc avec le sage de Iéna sur ceci

    Pensées vraies et intellection scientifique ne peuvent être gagnées que dans le travail du concept.

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    1. Détestable énoncé de Berkeley, très commune d'ailleurs dans ses procédé d'égrenage nominal superficiel, rappelant ce qu'en disait Bergson : "...on aura les éléments nécessaires à la reconstitution extérieure de la philosophie de Berkeley : tout au plus lui laissera-t-on sa théorie de la vision, qui serait alors son œuvre propre, et dont l'originalité, rejaillissant sur le reste, donnerait à l'ensemble de la doctrine son aspect original. Prenons donc ces tranches de philosophie ancienne et moderne, mettons-les dans le même bol, ajoutons en guise de vinaigre et d'huile, une certaine impatience agressive à l'égard du dogmatisme mathématique et le désir, naturel chez un évêque philosophe, de réconcilier la raison avec la foi, mêlons et retournons consciencieusement, jetons par-dessus le tout, comme autant de fines herbes, un certain nombre d'aphorismes cueillis chez les néo-platoniciens : nous aurons – passez-moi l'expression – une salade qui ressemblera suffisamment, de loin, à ce que Berkeley a fait.
      Eh bien, celui qui procéderait ainsi serait incapable de pénétrer dans la pensée de Berkeley..."

      http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/bergson_pensee/body-5

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  12. Je suis tout aussi admirateur que vous de l Evêque de Cloyne, mais pouvez vous me dire en quoi ce qui est dit de Berkeley est impertinent ou non pertinent ? Il nous dit " I side in all things with the mob", se recommande du sens commun, mais sa philosophie n'est pas conforme au sens commun, que je sache, du moins pas sans pincettes. Le sens commun est il réliste théocentrique?

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  13. Ce qui n'est pas pertinent c'est de présenter une pensée comme un amas de thèses, de points d’affirmations donnés, comme une liste de recette ; cela peut avoir un intérêt si et seulement si on montre leurs compénétrations et leur mouvement nécessaire d'action interdépendante, leur relation d'implication conceptuelle : c'est cette opération de compréhension que ne fait jamais le sens commun qui en reste à des "vérités" ordinaires en tant que "données" (et non dans une relation de compréhension), et il n'est pas étonnant que pour n'importe qu'elle doctrine ou écrits philosophiques une pareille présentation séquencées, donnée apparaisse comme une platitude.

    C'est pour cela que le problème du "sens commun" me semble artificiel. Berkeley se range dans la foule en toute chose, comprend dans la foule « que nous soulevons la poussière et que nous nous plaignons ensuite de ne pas voir », mais pour autant il ne comprend pas toute chose comme et selon la foule : pour reprendre l'image de Bergson là-dessus, si pour Berkeley "la matière serait une langue que Dieu nous parle" la différence entre lui et la foule, c'est que Berkeley prétend en déchiffrer la grammaire mais précisément en évitant ce "risque de ne plus voir".

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  14. Je vous concède que cette liste ne fait pas argument, si c'est ce que vous voulez dire. Je ne peux ajouter à un blog un livre de 500 pages destiné à montrer la correction de ces thèses ( et même si Google acceptait un texte aussi lourd, je suis prêt à parier que vous ne le liriez pas).

    Cela dit, qu'il y ait du vrai et du faux me semble un platitude, quand bien même il me semble bien, en effet, qu'il faille justifier cette platitude aux yeux de ceux qui en doutent.

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  15. Par ailleurs, si on s'attarde un peu sur "I side in all things with the mob", "things", chose, Berkeley veut lui donner toute sa compréhension : "les choses perçues par les sens sont immédiatement perçues ; les choses immédiatement perçues sont des idées, et les idées ne peuvent exister hors de l'esprit ; l'existence des choses dont j'ai parlé consiste donc dans la qualité d'être perçues ; quand donc elles sont actuellement perçues, il ne peut y avoir aucun doute sur leur existence" (Troisième dialogue entre Hylas et Philonous). Ce n'est pas l'identité de la chose perçue qui est en jeu, mais précisément cette "actualité", cette "immédiateté" de la "chose" qui échappe à la foule et que la philosophie de Berkeley fait comprendre.

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  16. Dans cette phrase Berkeley n'emploie pas "things" au sens de son analyse phénoméniste, mais juste au sens de " en tous points" . Et je maintiens que cette phrase est ironique ou rhétorique. Il sait bien que même s'il se recommande du sens commun, sa doctrine en diffère.

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