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vendredi 8 juillet 2016

Bibi Fricotin métaphysicien

                                                           Bibi n'a pas peur du réel


        La Société pour la métaphysique des sciences - qu'on croyait plus sérieuse - annonce, au sein de son grand colloque de 2016 , en septembre 2016, dont on apprend qu'il va se tenir à Genève, une communication sur " What laws ? Which physical past? Meillassoux realism of physical laws and its physical consequences"par Michael Ardoline (Lebanon Valley College, USA) dont le résumé est le suivant :



"The work of Meillassoux set out in After Finitude is often critiqued for its inability to escape the problem it diagnoses, that of correlationism. However, this critique falls flat as Meillassoux has not attempted to dismantle correlationism, but to inoculate it against idealism by radicalizing the correlate so as to develop a speculative materialism as well as a justification for contemporary science. This inoculation is the first step of Meillasoux's attempt to restore "the great outdoors" to philosophy. With the proper goals of his work in mind, I will show that the ontological conclusion of Meillassoux's argument, the state of hyper-chaos, is unable to support his criteria for a legitimate grounding of science. To do this, I must first show that Meillassoux is committed to a realism of physical laws. I will then argue that the implications of this principle, in the form of hyper-chaos, coupled with Meillassoux's realism about physical laws actually prevents him from being able to meet his stated criteria of success against the aporia of the arche-fossil; not the lack of a correlation, but that the theory have the possibility of interpreting diachronic statements of science literally. This will be done by asking after all the possible interpretations of the effect of a hyper-chaotic on physical laws. These interpretations will be shown to either conflict with Meillassoux's requirement for literal statements about the past, or to be untenable as an explanation of contemporary scientific practice. The implicit support of realism about physical laws will be shown to be a barrier to the great outdoors. Ultimately, I will argue that in order to remain consistent and not propose a new form of scientific practice, Meillassoux must reform his arguments without the crutch of a realism of physical laws."


     Le sérieux, la qualité et le professionnalisme de la SMS ne peuvent être mis en cause. Mais le fait qu'une telle société, qui se veut , à l'instar d'une autre société, cambridgienne, un lieu de "métaphysique sérieuse" , ait pu laisser passer un tel article dans ses communications sans que le comité se sélection et les organisateurs y voient malice, laisse penser qu'il pourrait s'agir d'un autre de ces canulars qui défraient la chronique. La malicieuse Benedetta Tripodi aurait-elle encore frappé en vue de ridiculiser les métaphysiciens des sciences? ( voir ici même "La capitaine et les garnements") Va-t-on commenter son nouvel exploit à la manière dont on l'a fait lorsque cette Némésis  du badivisme métaphysique a frappé il y a deux mois ?

       La métaphysique analytique se retrouve dans le même sac que les Badiou Studies, et l'on découvre que les philosophes analytiques, qui se veulent impitoyables dans leurs procédures de sélection des articles dans leur revue, attentifs à ne laisser passer aucun paralogisme, aucun argument flou, et qui prétendent écrire et penser clairement et argumentativement , acceptent sans sourciller dans leurs colloques les fumisteries de la " métaphysique" post-badivine. L'auteur de la communication, mais donc aussi ceux qui l'ont accueillie dans ce colloque, n'ont pas l'air de trouver à redire au fait qu'il y soit question du soi-disant "corrélationisme" ou de l'"hyper-chaos", et l'on fait comme si ces soi-disant thèses de Meillassoux méritaient discussion autant que la théorie du Ground de Kit Fine, ou la théorie des multi-univers de Everett.  Ceci devrait apporter de l'eau au moulin de ceux qui voient dans sa revendication de l'argument un "épouvantail", et qui soutiennent que la scholastique analytique ne vaut pas mieux que les badiou Studies  et les contenus qu'elles véhiculent; et on est, dans ce cas, tenté de leur donner raison.

Asinus asinum fricote ? 


                                                  Bibi et le jet contingentiste de Genève 




PS c'est par pure coïncidence que la conférence plénière de la SMS est donnée par Helen Beebee.

8 commentaires:

  1. Quand on parle de monde hors-science, contingentiste, réaliste spéculatif, etc., on pense tout de suite à la science-fiction. Hume entrevoit ce monde au cours d'une partie de billard, mais le désordre de l'hyper-chaos est celui de l'esprit que l'habitude et les principes d'association vont fixer.
    La BD nous donne aussi un aperçu du monde hors-science. Dans "Le Secret de la Licorne", Tintin dépasse les lois de la physique. Enfermé dans la cave de Moulinsart, il parvient à soulever une poutre trop lourde pour lui, au moyen d'un drap accroché au plafond, pour en faire un bélier et défoncer un mur. C'est impossible, car la poutre pèse toujours le même poids ! Il faudrait le secours des biceps du Capitaine Haddock, habitué à hisser le grand foc, pour soulever la poutre.
    En philosophie, un jeune loup de la rue d'Ulm essaie d'explorer de nouvelles pistes après la finitude. Il est assez fascinant de penser que dans un monde absolument contingent, Dieu peut virtuellement et logiquement surgir ex nihilo. Nous tenons une nouvelle preuve, sophistique, de l'existence de Dieu : c'est parce qu'il n'existe pas qu'il faut y croire !
    Il faut dire à la décharge de Quentin Meillassoux que la physique est difficilement séparable de la métaphysique. On le voit bien avec la théorie du Big Bang, même si elle s'étaye sur de nombreuses preuves expérimentales, et même si elle explique tout, jusqu'au champ de Higgs et son boson vecteur. Les problèmes que pose le Big Bang sont loin d'être résolus : la platitude, la courbure de l'univers, les monopôles, etc..
    En amont du modèle du Big Bang, les théories sont invérifiables, comme la théorie des cordes cosmiques qui prétend expliquer l'apparition des galaxies et des quasars mieux que la théorie de l'inflation de la matière noire, dont on ignore la nature exacte. Il y a même une théorie des supercordes, qui seraient supersymétriques et qui précèderaient le Big Bang.
    Mais avec le Big Bang, il n'y a pas d'instant initial.
    Il est aussi intéressant de voir les rapports de la physique moderne et de la religion. Einstein disait que Dieu ne joue pas aux dés. À l'origine du Big Bang, il y a un curé catholique belge, et même Pie XII a donné son avis sur cette théorie. Les catholiques ont beaucoup d'imagination, mais ils positivent, à l'inverse des protestants qui ne font que critiquer et réformer. Ainsi, on doit à Teilhard de Chardin la géniale théorie aristotélicienne du Point Oméga, ce néo-cortex d'intelligences fédérées qui deviendra Dieu, et qui retrouve une actualité avec l' utilisation universelle des machines équipées de processeurs.

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  2. Sartre, jeune loup jadis de la rue d'Ulm , avait comme maxime : " science c'est peau de balle, morale c'est trou de balle". Il ne connaissait pas Tintin, mais il n'avait pas pu ne pas lire Bibi Fricotin, puisqu'il lisait Pardaillan.

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  3. Il y a un "dans" en trop (première ligne).

    Bien à vous,

    G.

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  4. Ne peut on pas dire qu'on annonce une communication dans un colloque, ie comme faisant partie d'un colloque ? ce n'est pas la même chose qu'annoncer un colloque

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  5. Le débat porte maintenant sur la forme, mais nous ne nous éloignons pas vraiment du sujet. Une année, le sujet d'agrégation de philo était : "Le fond et la forme". Je crois que Michel Serres était dans le jury, mais il était beaucoup moins stressant que la terrible Francine Markovits, foucaldienne et marxiste.
    Il fallait se demander si le fond précède la forme, ou si c'est l'inverse. Il était souhaitable de citer Léon Brillouin et son application de la théorie de l'information à la physique, via l'entropie de la thermodynamique. L'utilisation de la théorie de l'information en microphysique lui a fait faire un grand bond en avant. Mais la métaphysique de la contingence nécessaire ne s'intéresse pas à cela. Son bagage scientifique est ultra-léger !
    Si l'on parle de Sartre et de la BD, on retient qu' il lisait "L' Épatant" dans sa jeunesse. Dans "Les Mots", il écrit : « J'inventai un univers difficile et mortel – celui de Cri-Cri, de L'Épatant, de Paul d'Ivoi ». Mais Sartre en rajoute un peu. La forme d'esprit la plus étrangère à Sartre aura été l'humour.
    C'est ce que disait Orson Welles. Il y a un article de 2014 dans "Vanity Fair" sur "Orson Welles et les maudits français", qui est fort intéressant à ce sujet. Sartre n' avait rien compris à Citizen Kane. Welles : c'était en réalité "une comédie – pas du genre à se rouler par terre – mais toutes les ficelles de la tragédie y sont parodiées." Welles trouvait que Sartre était plutôt bon quand il se prenait pour un philosophe allemand, mais que tout ce qu'il avait écrit sur le monde contemporain était "dummy", complètement bidon. Il ajoutait que Sartre se croyait à l'époque de Paul Bourget. Quand il ne vous aimait pas, on vous retenait physiquement pour ne pas l'approcher. Cela rappelait en effet l'époque des querelles d'écrivains qui s'envoyaient leurs gants à travers la figure.

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  6. Pour ceux que la métaphysique en question intéressent, ils peuvent lire

    http://zilsel.hypotheses.org/2103

    L'Epatant était le journal où paraissaient les Pieds Nickelés de Forton

    Quant à Vanity Fair , je ne l'ai cité ici qu'une fois

    http://lafrancebyzantine.blogspot.fr/2013/08/vanity-fair.html

    et pour Michel Serres , voir "just do it" et

    https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=sites&srcid=ZGVmYXVsdGRvbWFpbnxwYXNjYWxlbmdlbGVoZXNzZnJ8Z3g6NmQ0YTRmZDgxY2UxMWIwYg

    mais vous me forcez à radoter , et à me rendre compte que je devrais sans doute fermer ce blog, pour éviter de me répéter

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  7. Belle tentative d'adaptation de la philosophie continentale aux formes favorites d'expression et de développement de la philosophie analytique. Mais tentative probablement vouée à l'échec: https://aristarqueblog.wordpress.com/2016/07/20/philosophie-analytique-philosophie-contemporaine-on-a-la-philosophie-de-son-temps/

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  8. ????
    c 'est plutôt ici la philosophie analytique qui
    se montre trop accueillante. Les philosophes analytiques se vantent d 'être rigoureux, mais ils prennent au sérieux une communication sur Meillassoux. Qui sait? peut être ce dernier deviendra- til une des gloires de la philosophie analytique. Mais que voulez vous ? Même des banques sérieuses peuvent être victimes de traders indélicats.

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