Il m'est tellement souvent arrivé de pester, tel un vieux prof, contre la bêtise et la frivolité de mes étudiants et étudiantes, que je ne peux résister au désir de m'accuser moi-même de les avoir sous estimés (-ées, comme on dit). Quant au secondes, je me rappelle l'une d'elles au Lycée de Londres en 1976, répondant à ma demande d'énoncer la table des catégories de Kant et me montrant ses ongles couverts de vernis brillant et rougeoyant:
" Volontiers , M'sieur, je vous dirai cette table, mais dès que mes ongles auront séché".
Au fond, peut être connaissait-elle la Table en question , et ne demandait-elle qu'un petit répit.
La midinette fait partie de Paris, comme le Titi. Ce fut une tradition, Mais que sont-elles devenues? des fashion victims ? Des mondaines ou à demi telles ?
La lycéenne, l'étudiante de classe prépa, celle de sciences Po, qui deviendront des Marie-Chantal ou des Parisiennes de Chiraz, que sont-elles devenues? Où sont les neiges d'antan?
A n'en pas douter, elles seront remplacées, et auront d'autres allures. Il n'est pas difficile, dans le cas des Parisiennes de Kiraz, de deviner les dialogues. Pas plus que pour ce personnage de la petite bourgeoise française qu'est l'hypokhagneuse. Ni la khagneuse ( celle qui a résisté un an). Mais c'est toujours une surprise agréable, pour un vieillard, plus encore que de voir Suzanne au bain, que d'entendre le dialogue que j'ai surpris Boulevard Saint Germain en janvier dernier.
J'attendais au feu rouge au croisement du Boulevard et de la rue Saint Jacques, vers 9 heures du matin. Deux jolies jeunes filles, mises comme des lycéennes - ni midinettes ni bas bleu mais très hip - apparurent , en grande conversation. L'une d'elles dit : " Je pense que la liberté n'est pas compatible
avec l'égalité" . L'autre lui répond : "Mais si!". Et là dessus d'engager toute une conversation , d'un assez bon niveau.
Je crois que nous autres français avons de grand défauts, et que nos institutions sont pourries. Mais
que deux jeunes filles de 19 ans , à la frontière du VI eme et du V ème arrondissement , se disputent sur ce point, me semble quelque chose qu'on entend peu ailleurs.
Il y a donc encore un peu d'espoir chez les midinettes.
Où sont nos amoureuses ?
Elles sont au tombeau .
Elles sont plus heureuses,
Dans un séjour plus beau !