Bergson sous les eaux (Forez Info, 2 juillet 2009 |
Jean Pierre Salgas a parlé, au sujet de Gombrowicz , de "structuralisme de la rue" .Il y a une Ulica Gombrowicza à Varsovie.
Les écrivains ont leurs rues, et juste après le prix Nobel, la pléiadisation et l'acadéfraisation, pour un écrivain avoir sa rue est la consécration suprême. Il y a évidemment des rues Pascal à Clermont-Ferrand et à Rouen, des rues Descartes partout, une rue Badiou à Toulouse (mais il s'agit de l'ancien maire de la localité), une rue et une piscine Stuart Mill à Avignon, à l'emplacement de son ancienne résidence, et ainsi de suite.
Maison de John Stuart Mill, Avignon, aujourd'hui détruite |
Il y a une rue Bergson à Saint Etienne, alors qu'à ma connaissance Bergson a plutôt enseigné à Clermont. Cette rue, d'allure très années 60 style
Playtime de Tati, dont un plan de la ville nous montre qu'elle croise la rue Jean Guitton, est bordée de commerces : Optique Bergson, La boulange Bergson, Pizzeria Bergson, EHPAD Bergson, etc.
A Strasbourg, il y a une ruelle de l'Esprit. et il est intéressant d'apprendre que l'auteur de L'énergie spirituelle donne aussi son nom à un caviste vendeur de spiritueux à Saint Etienne. Et on apprend que Bergson est passé dans le rayon littérature des librairies. Il était déjà dans le roman d'Echenoz, Ravel, sous la forme de la place de Paris (place Bergson, dans le 8eme) où Ravel fut victime d'un accident de taxi, qui provoqua la maladie dégénérative qui lui coûta la vie.
Sur le principe du Marabout,bout de ficelle, on notera encore que la musique de l'Heure espagnole a été dite reposer sur le temps bergsonien et la durée (je suppose qu'on peut en dire autant du Boléro, qui dure)
Par chance, il y a à Carcassonne une rue Benda, et on peut louer à Saint Cyprien, pas loin de la plage, une villa Benda.
Villa Benda, les pieds dans l'eau, Saint Cypien, Aude |
Depuis l'an 199O, il y a une Place Alphonse-Allais, dans le quartier du Bas Belleville à Paris. Un rapport, ou du moins une explication, même malicieuse, existe toujours entre une place et son nom. Or, personne ne saurait dire ce qui a motivé la décision du conseil municipal de Paris.
RépondreSupprimerAu contraire, dans le XIIIème Arrondissement, s'il y a une Place Paul-Verlaine, c'est parce que Verlaine y est monté sur les barricades pendant la Commune de 1871.
Non loin de la Place Alphonse-Allais, se trouve la Rue de l'Élysée-Ménilmontant, à l'emplacement d'un ancien bal célèbre qu'Alphonse Allais fréquentait peut-être. Il y avait des palmiers en fer et des girandoles (voir "Le Bal Public" de Jean Béraud, 1880). Allais était-il un habitué des guinguettes de Ménilmontant et de Belleville ? Ses errances de noctambule le menaient plutôt à l'ouest, de Pigalle aux Batignolles qu'il habitait, en passant par la Place Clichy, où il laissait Alphonse Daudet s'endormir sur un banc, puis s'émerveiller de trouver des pièces dans son chapeau à son réveil.
Or, il y a bien pourtant une explication au nom de la Rue des Pyrénées, à Ménilmontant. L'idée de son nom était venue au conseil municipal, simplement parce qu'elle est en pente. Incidemment, Allais a dû penser sans doute que "le pire est né" de cette idée qui a germé dans la tête d'un édile de Paris.
Ce qui est plausible, c'est que la Place Alphonse-Allais est primo-avrilesque. Initialement, son nom cadastral était " Voie CU/20". Comme c'était une place sans nom, mais qui en avait quand même un, il a dû sembler logique de l'appeler "Place Alphonse-Allais".
En réalité, le lieu du Bas Belleville est fantasmatique chez les cinéphiles. Dans "Touchez pas au grisbi", Max le Menteur y habite une fausse Rue Alphonse-Allais. Menacé d'enlèvement, Max rejoint une planque dans une autre fausse rue, aux Batignolles, là où il cache ses lingots. Pour un hommage à Allais le Fumiste via Max le Menteur, il aurait plutôt fallu débaptiser la Place des Ternes.
La Place Alphonse-Allais a été végétalisée. Elle commence à être champêtre, et l'on y joue de la musique. On se croirait en Normandie. Le conseil de quartier ajoute que les riverains ne payent jamais leurs amendes, parce que leur montant est devenu astronomique, à force de ne pas payer.
Merci de ces belles évocations allaisiennes. Une piste: le Capitaine Cap voudrait se présenter aux élections dans le 9em e, pour évacuer la bureaucratie. Je l'ai évoqué dans un billet ici même (voir Une brillante idée). Allais ne serait il pas plutôt du côté de la rue Blanche ? Et sauf erreur le Chat noir est à Montmartre? donc que vient faire Belleville par là ?
RépondreSupprimerEn principe, on ne débaptise plus rien, dans le cœur des vieilles villes, à cause de l'intérêt historique et touristique qu'il présente. Pour réparer les oublis dans les noms de rues, il faut attendre les plans d'urbanisation des quartiers excentriques, où il y a des terrains vagues, des immeubles insalubres et des noms de voies à moitié effacés, que personne ne regrettera. C'est pourquoi le Quartier Bergson de Saint-Étienne est tout neuf. Le Conseil municipal, de culture bergsonienne à cause de Jean Guitton et de Léon Husson, a ainsi choisi d'honorer le maître de ces philosophes natifs de la ville. D'ailleurs, Jean Guitton y a aussi sa rue.
RépondreSupprimerLa même chose s'est produite à Belleville. Le plan d'aménagement concerté d'une zone à réhabiliter a permis la création d'une Place Alphonse-Allais, pour donner corps à un lieu fantasmatique de l'imaginaire cinématographique, et parce que le Conseil municipal ne pouvait rien débaptiser à Pigalle, dans le Bas Montmartre qui hébergeait le Chat Noir. C'est la culture de Saint-Germain-des-Prés incarnée par Boris Vian, attirée par le polar de la Série noire en même temps que par les humoristes de la Belle Époque, qui a inspiré Jacques Becker, quand il a domicilié le Bellevillois Max le Menteur dans une fausse Rue Alphonse-Allais. D'ailleurs, l'argot d'Albert Simonin, qui avait survécu à la Guerre de 14-18, mais qui etait démodé après la Deuxième Guerre, était encore celui de la Belle Époque.
En effet je signale la rue Guitton, je n'avais pas remarqué la rue Husson, etes vous sûr qu'il y en a une ? ( à ne pas confondre avec le lorrain qui dessinait des boîtes de Camebert) Husson a écrit un livre, L'intellectualisme de Bergson, 1947, que Benda a flêtri dans la Revue de métaphysique et de morale, et auquel Husson a répondu.
RépondreSupprimerHusson est aussi auteur aussi d'un Éléments de morale sexuelle à l'usage des maîtres de l'adolescence,1948. Il fut ami de Jacques Chevalier, professeur à Grenoble , ministre vichyste, et bergsonien. Les bergsoniens pullulèrent aussi à Grenoble. Il y a bien un bergsonisme Rhônes-Alpes, et Lyon se révèle capitale de la Résistance autant que celle de la collaboration.