Je n'avais pas du tout remarqué la consonance très semblable de ces trois noms: Julien Benda, Julien Torma, Jules Lermina (sur ce dernier voir mon billet précédent). De Torma, Jean Wirtz, qui lui consacra un essai ( Metadiscours et déceptivité Peter Lang 1996), soutenait qu'il aurait « laissé (ou fait) croire à sa propre inexistence ». D'autres ont dit que c'était une invention du Collège de Pataphysique. On peut se demander si son nom n'a pas été forgé par ses créateurs sur le modèle de Julien Benda.
Mais la vérité est que Torma était, et entendait être un objet meinongien. Meinong distinguait les objets complets ( comme Emmanuel Macron) et les objets incomplets (unvollständig) comme le triangle en général qui, tant qu'on n'a pas précisé ses autres propriétés (comme être équilatéral) n'est pas complet. Or Torma est notamment l'auteur d'Ecrits définitivement incomplets. Cela nous met sur la piste: il était donc un objet incomplet. Il est mort dans une excursion dans le Tyrol. Or Meinong était de Graz, près du Tyrol. Il distinguait l'existence (Existenz) et la subsistance (Bestand) . Torma serait un inexistant. Mais c'est faux. Torma subsistait. C'était donc un objet incomplet subsistant et incomplet, mi-Torma, mi Benda. Mais Meinong ne dit pas ce qui se passe quand on accole un objet complet (Benda) à un qui ne l'est pas (Torma), ni quel est le mode d'existence d'un être mi-existant (Benda) mi subsistant (Torma). Est-ce comme les centaures?
Torma en quasi Pléiade |
Cela a peut-être quelque chose à voir avec le problème de la vérité littéraire. Sherlock Holmes a fini par acquérir une forme d'existence réelle. Inversement, une personne de l'état civil comme Torma tend à devenir un personnage littéraire. Or, comme dans le rapport entre l'art et la vie, il y a une circularité entre ces deux modes d'existence-inexistence. Néanmoins, la pataphysique ne semble pas poser le problème de cette façon. Elle évite même de le poser, en cultivant le mystère.
RépondreSupprimerla pat. est la sc. des sol. imag.
RépondreSupprimerÉcrits définitivement incomplets n’est pas un titre de Julien Torma mais le titre donné par l’éditeur à l’ensemble des textes connus de ce mystérieux auteur.
RépondreSupprimerCertes, mais pas plus que pour Le grand Troche ou Euphorismes, et pas plus que les écrivains défunts ne sont responsables du titre "Oeuvres posthumes" que l'on met sur leurs publications post mortem.
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