Mur de la peste 1720 Lagnes (Vaucluse) |
Je me souviens avoir, au lycée, traduit le passage fameux de la peste à Athènes de Thucydide (IV, 108 sq).
J'étais alors très mauvais en grec, et serais encore plus incapable aujourd'hui de le faire. Thucydide nous rapporte que l'épidémie dura quatre ans. On trouvera sur Persée et ailleurs une traduction, mais ce serait bien de garder un peu de grec dans ce monde disparu. le § L III en particulier est sans doute prophétique.
LIII.
πρῶτόν τε ἦρξε
καὶ ἐς τἆλλα τῇ
πόλει ἐπὶ
πλέον ἀνομίας
τὸ νόσημα. ῥᾷον
γὰρ ἐτόλμα τις
ἃ πρότερον
ἀπεκρύπτετο
μὴ καθ' ἡδονὴν
ποιεῖν,
ἀγχίστροφον
τὴν μεταβολὴν
ὁρῶντες τῶν τε
εὐδαιμόνων
καὶ αἰφνιδίως
θνῃσκόντων
καὶ τῶν οὐδὲν
πρότερον
κεκτημένων,
εὐθὺς δὲ
τἀκείνων
ἐχόντων. [2] ὥστε
ταχείας τὰς
ἐπαυρέσεις
καὶ πρὸς τὸ
τερπνὸν
ἠξίουν
ποιεῖσθαι,
ἐφήμερα τά τε
σώματα καὶ τὰ
χρήματα
ὁμοίως
ἡγούμενοι. [3]
καὶ τὸ μὲν
προσταλαιπωρεῖν
τῷ δόξαντι
καλῷ οὐδεὶς
πρόθυμος ἦν,
ἄδηλον
νομίζων εἰ
πρὶν ἐπ' αὐτὸ
ἐλθεῖν
διαφθαρήσεται·
ὅτι δὲ ἤδη τε
ἡδὺ
πανταχόθεν τε
ἐς αὐτὸ
κερδαλέον,
τοῦτο καὶ
καλὸν καὶ
χρήσιμον
κατέστη. [4] θεῶν
δὲ φόβος ἢ
ἀνθρώπων
νόμος οὐδεὶς
ἀπεῖργε, τὸ μὲν
κρίνοντες ἐν
ὁμοίῳ καὶ
σέβειν καὶ μὴ
ἐκ τοῦ πάντας
ὁρᾶν ἐν ἴσῳ
ἀπολλυμένους,
τῶν δὲ
ἁμαρτημάτων
οὐδεὶς
ἐλπίζων μέχρι
τοῦ δίκην
γενέσθαι
βιοὺς ἂν τὴν
τιμωρίαν
ἀντιδοῦναι,
πολὺ δὲ μείζω
τὴν ἤδη
κατεψηφισμένην
σφῶν
ἐπικρεμασθῆναι,
ἣν πρὶν
ἐμπεσεῖν
εἰκὸς εἶναι
τοῦ βίου τι
ἀπολαῦσαι.
Pour l'Antiquité grecque, Alphonse Allais énumérait les sept villes qui se disputaient l'honneur de la naissance d'Homère : Argos, Athènes, Chio, Colophon, Rhodes, Salamos et Smyrne. Il y en ajoutait une, "car la voix populaire a consacré Allaure comme la huitième. Ne dit-on pas Homère d'Allaure ?".
RépondreSupprimerParmi les lectures de confinement, il y a "Mes Mémoires, Histoire de ma vie et de mes idées" de John Stuart Mill, avec son démarrage vraiment accrocheur : "Je dois, au début même de cet essai de biographie, faire connaître les raisons qui m'ont déterminé à laisser après moi un souvenir d'une vie aussi dépourvue d'événements que l'a été la mienne. Je ne m'arrête pas un seul instant à la pensée que ce que je vais raconter puisse exciter l'intérêt du public, soit par le charme du récit, soit parce que ma personne en fait le sujet.". C'est incroyable, mais cela donne une irrésistible envie de continuer. Ce doit être l'effet de la "captatio benevolentiae".
En songeant à Allais.... Un de mes camarades au Lycée, qui avait plein d'humour, dessinait, sous forme de BD, des aventures qui arrivaient aux élèves de la classe. L'une d'elle, gentille mais objet de nos quolibets ,s'appelait Berge. Mon camarade la portraitura en maillot de bain
RépondreSupprimer, sortant de l'eau, avec l'un d'entre nous, qui lui disait : "On n'est pas sortis de l'eau, Berge."
Dans l'Anthologie "D'Alphonse à Allais" (Bibliomnibus), Chapitre "Chez Salis au Chat Noir", se trouve la lettre d'Alphonse Allais et Maurice Donnay, rendant compte à Rodolphe Salis de leur visite au Sâr Joséphin Péladan, que Salis, patron du Chat Noir, provoquait en duel. Seuls Pierre Dac et Francis Blanche se souvenaient encore du Sâr, avec leur parodie "Le Sâr Rabindranath Duval" (cf. "les Sârs dînent à l'huile", etc.).
RépondreSupprimer"Mon cher Salis,
Nous nous sommes présentés chez le Sâr Péladan à midi sonnant. Nous avons été reçus par sa bonne, qui nous a répondu : "Messieurs, le Sâr dîne !..."
Nous sommes revenus à trois heures. Le Sâr nous a déclaré qu'il ne vous devait pas d'excuses, puisque vous aviez la priorité d'insulte. Quant à la réparation par les armes, le Sâr n'y consent pas davantage, pour les raisons suivantes :
1. Quoique bon catholique, se trouvant en délicatesse avec la Cour de Rome, dont il a menacé d'excommunier le chef, il encourrait infailliblement, en cas de duel, l'excommunication papale, ce qui ferait la partie trop belle à Sa Sainteté ;
2. À cause de certains pouvoirs occultes, il est sûr de vous tuer, ce qui constituerait un assassinat ;
3. Cet assassinat entraînerait pour lui l'impureté hermétique et, comme il n'existe pas, en ce moment, de collège Magique pour le purifier, le Sâr ne se soucie pas d'une pareille tare.
Ayant pris bonne note de ces raisons, nous avons considéré, mon cher Salis, notre mission comme terminée, et vous prions d'agréer nos meilleurs sentiments, en vous confirmant qu'après avoir appris notre visite le Sâr-dîna-pâle...
ALPHONSE ALLAIS, MAURICE DONNAY".
Nous ne prendrons pas l'authenticité de cette lettre "cum grano Salis".
quel dommage qu'il ne reste aujourd'hui de cette tradition que les titres yau de poële du Canard et de Libé. au moins Allais et Dac faisaient l'effort de faire une histoire. Tout ceci révèle la décadence de l'humour, qui est devenu la perte du mot. Seul Devos reste dans cette lignée
RépondreSupprimerLe théâtre d'Alphonse Allais est, lui aussi, intéressant. Il y a eu le paradoxe mystificateur de la "Partie de dominos", pièce tirée de sa nouvelle "Un drame bien parisien", qui a été commentée par Umberto Eco. Allais a écrit également "Innocent" avec Alfred Capus, qui parle en filigrane de l'Affaire Dreyfus, et qui a abouti au roman "L'Affaire Blaireau" édité par "La Revue blanche".
RépondreSupprimerUne autre pièce, en un acte et écrite avec Tristan Bernard, retient notre attention. "Silvérie, ou les Fonds Hollandais" (1898), explore un angle mort de l'économie, à savoir le pari entre particuliers, que le droit ne veut pas connaître, et qui n'engage que la conscience des parieurs vis-à-vis d'une dette d'honneur. Il s'agit donc avant tout de morale. Dans la pièce, Victor Dodeau a parié de l'argent sur la fidélité de Silvérie, avec un riche Hollandais. Mise au courant par Victor, Silvérie a compris le contraire de l'enjeu et a fait le nécessaire, si bien que Victor, ivre de colère, donne aux "fonds" le sens de fonds abyssaux de l'âme féminine. Néanmoins, Silvérie fait gagner à Victor son pari en demandant au Hollandais de mentir. Victor se retrouve dans le rôle de l'entremetteur. Pour s'excuser, il dit avoir perdu tout sens moral après une chute de cheval, selon la théorie du traumatisme crânien qui change la personnalité.
Malgré la pirouette de la dernière réplique de Victor Dodeau, pétillante comme du champagne, cette pièce est énigmatique. Elle pose le problème du fumisme et de la morale. Après vingt ans de fumisme et d'hydropathie, a-t-on le droit de se défausser moralement avec des théories comme celle des fonds sous-marins de la psyché féminine, ou bien en accusant la malchance, qui est en réalité la fatalité ? Le suicide envisagé par Victor Dodeau n'est pas existentiel. C'est le contenu d'argent de la lettre du Hollandais qu'il ouvre, qui le fait renoncer à utiliser son revolver. Sa survie de chevalier d'industrie, qui est celle d'un siècle épuisé et de sa jeunesse, ne tenait qu'à un fil. Néanmoins, le grand mystère de la pièce reste Silvérie, au-delà de la projection métaphorique dans les abymes du Pacifique. Pourquoi Silvérie s'engage-t-elle de façon prédestinée dans un schéma prostitutionnel ? L'augustinisme de Silvérie ne s'oppose-t-il pas au quiétisme de Dodeau ? Comme le vaudeville d'Eugène Scribe, "Les premières amours", analysé par Kierkegaard, "Silvérie" est un drame métaphysique.
merci , je ne connaissais pas cette pièce du maître.
SupprimerEtonnant qu'elle ne soit pas jouée,cela fait penser à du Feydeau
Dans "La Nuit blanche d'un hussard rouge" d'Allais, le monologue du Hussard comporte une énigme. Comment peut-on oublier le sens d'ouverture d'une porte que l'on vient de franchir ? Et n'essaie-t-on pas de la rouvrir dans tous les sens, sans s'obstiner dans un sens ? Il est vrai qu'à l'intérieur il n'y a qu'un loquet, et pas de poignée. Il est vrai aussi que le Hussard est dans l'état de frénésie guerrière de la conquête amoureuse, et qu'il perd la tête. Néanmoins, on dirait qu'Alphonse Allais utilise un procédé d'écriture à contrainte, qui a sa philosophie propre, et qui libère l'imagination à partir de deux couleurs.
RépondreSupprimerIci, ce sont le rouge et le blanc, le rouge du Hussard de Monaco et le blanc de la nuit blanche, dans un écart que l'écriture du monologue va tenter de combler. Au risque de faire hurler les stendhaliens, car ce procédé pré-oulipien est davantage concevable dans le texte allaisien, il y a déjà chez Stendhal une contrainte sur le rouge et le noir, et sur le rose et le vert. D'ailleurs, Stendhal ne disait-il pas qu'il serait lu en 1880 ? Dans "Le rose et le vert", les couleurs ne l'inspirent pas encore beaucoup. Ou alors, les idées qu'elles lui donnent nécessitent de tout arrêter et de commencer "La Chartreuse de Parme". Est-ce une légende ? On dit que le vert serait la couleur de la liqueur Chartreuse, et que le rose deviendrait celui du jambon de Parme.
là aussi brillante analyse, digne d'un traité de zutisme transcendantal
RépondreSupprimerLa pièce la plus philosophique d'Alphonse Allais est sans doute "Le Pauvre Bougre et le Bon Génie", féerie néo-contemporaine. Elle porte sur l'effet-boomerang de la quête du bonheur. En demandant une petite rente quotidienne au Bon Génie, le Pauvre Bougre connaît le nombre d'années qui lui restent à vivre, car le Bon Génie la lui verse en bloc. Il a suffi d'une règle de trois pour savoir. Le Pauvre Bougre ira tout dépenser en bambochant, sans souci de l'avenir. Le bonheur est dans le pré. À la fin, il y a le Couplet du Pernod, sur l'air de "Faust".
RépondreSupprimerD'ailleurs, on trouve toujours un calcul plus ou moins économique dans les pièces d'Alphonse Allais. La femme assure l'équilibre économique, à base de vénalité déguisée, dans "Silvérie", et dans "Une femme scrupuleuse" (mais c'est de nos jours que l'on joue au théâtre cette nouvelle). Ce rôle est imparti à Blaireau dans "Innocent". La vie du village de Montpaillard repose sur l'économie informelle de Blaireau. Son incarcération détraque tout au village.
Néanmoins, "La Partie de dominos" (tirée de la nouvelle "Un drame bien parisien") est à part.
Il y a une relativité généralisée, ou une physique quantique, de la vie amoureuse des Parisiens et Parisiennes, où tout le monde trompe tout le monde, et cherche à piéger l'infidèle avec les mêmes moyens et les mêmes déguisements, en ne sachant plus qui est qui, dans le chahut du carnaval. Mais cela pourrait s'analyser en terme comportemental, dans la microéconomie des ménages. C'est ce que rate Umberto Eco dans son analyse ("Lector in Fabula").
Merci infiniment de ces gloses . Georges Bizet s'en est souvenu. Son héroine n'apparait jamais alors qu'elle est là tout le temps : c'est l'allaisienne
RépondreSupprimerLorsque l'on demanda au poète latin de combien de "métamorphoses" il était l'auteur, il surprit tout le monde.
RépondreSupprimerIl s'éclaircit la voix, toussa dans son coude et annonça :
-"Quinze..."
En effet, tout le monde s'attendait à ce qu'Ovide dise neuf...