Topaze enseignant la morale laïque
Une critique fréquente que l’on adresse
aux MOOCs est de donner une image trop
aseptisée et déshumanisée des enseignants qui les présentent et de l'enseignement en général, et de faire perdre tout ce qui fait partie d’un
cours en « présentiel » : l’ambiance de la salle de cours, l’hésitation
de l’enseignant, les mille signes qui lui font sentir que son auditoire s’ennuie
ou s’enthousiasme, les rires ou les soupirs qui accompagnent tel développement,
la vivacité des questions, voire l’ennui qui peut se dégager, etc. Mais voici
quelques propositions destinées à améliorer cet état de choses, destinées aux
concepteurs de MOOCs et aux animateurs de
plateforme.
1)
Utiliser la
technique des sitcoms en diffusant
des rires préenregistrés qui émailleront le propos de l’enseignant – que l’on
obligera aussi à faire des blagues toutes
les 5 minutes pour amuser l’auditoire. De même on pré-enregistera des soupirs d’ennui,
des raclements de gorge et des
toussotements pour les passages les plus ardus du MOOCs, ce qui donnera aux
auditeurs non seulement un sentiment de sympathie avec ceux qui souffrent sur
des équations ou un point difficile de jurisprudence, mais aussi qui signalera
que ce sont les passages où il faut se concentrer. On pourra aussi pré-enregistrer
en début de Mooc des bruits de tables et de chaises qu’on pousse, ou un
brouhaha d’amphi, pour donner de l’ambiance. Et surtout on ne manquera pas d’émailler
le MOOC, à intervalles réguliers, de sonneries de portables de toutes sortes,
voire de voix d’étudiants répondant au téléphone (« Attends je suis en
cours, je te rappelle dans 5 minutes »).
2)
Les enseignants
des MOOCs sont trop avenants pour être crédibles, ils ont l’air de
représentants de commerce ou de laborantins de pharmacie dans une pub pour médicaments, et pas de profs. On les obligera donc à porter des
vêtements plus éculés, des pantalons tirebouchonnés, des chemises mal repassées,
des cravates mal ajustées, des vestes qui baillent au col et aux manches, etc.
et pour les dames des tailleurs boudinants, des chemisiers effilochés, des
bas filés, des chignons en bataille. Ainsi les enseignants ressembleront-ils
comme deux gouttes d’eau à ceux qu’on trouve dans les amphis, et leur habillage
sera à l’image de leur salaire réel. En plus, on n’aura pas à changer les Moocs
tous les cinq ans : car la mode change et un enseignant filmé avec des
habits neufs à la mode d’il y a quelques années a vite l’air désuet - son cours aussi - tandis que des habits éculés restent tels plus
longtemps et ont un petit air d'éternité qui sied au savoir.
3)
On n’oublie
pas les odeurs. Dans nombre d’amphis aux Etats Unis, les étudiants amènent leur
manger et leur boire et jouent des mandibules ou glougloutent sous le nez de l’enseignant. Il y a un remède à cette lacune. Si la
technologie ne permet pas encore de diffuser des odeurs de synthèse à partir
des ordinateurs – cela viendra sûrement, la cyber-olfaction fait des pas de géant
– on peut néanmoins disposer devant le professeur filmé des hamburgers, des boîtes de
coca et des sachets de chips, qui donneront un petit air de familiarité au décor.
4)
Une critique
fréquente est que les MOOCs ne permettent pas de saisir le « tremblé »
véritable d’un cours , et surtout le rythme du séminaire: le fait que l’enseignant
puisse buter sur ses mots, se reprendre, répondre à des questions de la salle,
revenir en arrière, bref tout ce qui fait qu’un cours est vivant, et une sorte
de petit théâtre, avec ses mouvements divers et variés, ses accelerati et ses diminuendi . En fait ce n’est pas difficile à réaliser. Il suffit de
recruter quelques enseignants bègues, d’autres excités ou hystériques, d’autres
encore ennuyeux – ce qui ne devrait pas être trop difficile – pour donner l’impression
d’être comme en classe. On pourra aussi répéter deux fois la même séquence,
pour donner l’impression de répétition. Et on pourra aussi demander aux
enseignants d’être obscurs et confus, pour faire real life.
Bref tout ce que le Truman Show réussissait
à faire peut être fait sur MOOC, avec un peu d’imagination et d’effort. De même
que McDonald’s a réussi à offrir à ses consommateurs des hamburgers campagnards
au fromage de chèvre ou qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à la baguette
jambon beurre, les MOOCs peuvent
aisément intégrer l’ambiance d’un amphi bondé au sein d’une fac délabrée,
couverte de graffitis et d’affiches, avec des étudiants et des professeurs
absents. C'est même ce qu'ils imitent le mieux.
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