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dimanche 25 septembre 2022

LES ROYAL WINDSOR et TENENBAUMS

 


      Il m'avait complètement échappé que le film de Wes Anderson The Royal Tenenbaums était en fait une parodie de la famille royale britannique. Le titre français "La famille Tenenbaum" en effaçant "Royal" manque parfaitement cette connotation.

       Pour la première fois Wes Anderson présente sur son affiche les personnages comme pour une photo de famille, comme il le fera par la suite dans presque tous ses films. On a affaire à une galerie, exactement comme les photos de la famille royale Windsor

                                                                      The royal Windsor


  C'est le style  de tous les portraits royaux depuis des siècles 


     Mais aussi des photos de classe 

                                 



         Il y a une énorme différence entre cette dernière photo et celle des Windsor, mais aussi des Royal Tenenbaum . Les enfants à l'école ne sont pas là par les liens du sang, mais le hasard, aidé par les déterminismes géographiques , sociaux et économiques.  C'est une photo d'école publique. Il s'agit de l'Ecole du Cap d'Antibes, laïque et obligatoire. Autour il y avait des villas, des résidences luxueuses. Leurs enfants allaient dans des écoles privées, pas dans celle là. 
        Les Royal Tenenbaum du film peuvent, comme les Windsor, se prendre pour une sorte de dynastie, leurs enfants sont géniaux, mais comme les Windsor ils sombrent misérablement dans le monde 
commun: divorces, échecs, drogue, tentatives de suicide. 
         Les analogies abondent ente le film d'Anderson et le roman photo ou la série télé des Windsor: mariage de Etheline avec un noir, Danny Glover en écho à celui de Harry avec Megan , Margot Tenenbaum enfant adoptée et malheureuse en mariage ( avec Raleigh Saint Clair comme Doddy el Faied) comme Diana, enfants géniaux comme William et Harry , raté comme Eli Kash en double du prince Andrew, fils sportif comme Richie parallèle de Charles joueur de polo, et à défaut d'être amoureux. Royal lui même est une sorte de Queen Mother dépensière et fofolle.  Jusqu'aux uniformes de marins dans la scène fameuse où Margot descend du bus en manteau de fourrure, attendue par Ritchie. Les Windsor sont sans cesse entourés d'uniformes. L'accident que provoque Eli Cash n'est pas sans rappeler celui dans lequel Lady Di meurt en 1997.
 
         


       L'obsession d'Anderson pour les chansons des Rolling Stones est un clin d'oeil à la Britishness.  L'hotel dans lequel Royal échoue comme portier indique clairement que tout roi qu'on est on peut subir des retournements du sort, comme ne cessent de nous en montrer les tabloïds et Gala sur le thème "Pauvre petite fille riche". La famille Tenebaum a aussi un serviteur indien, reste de l'empire britannique.

 On me dira que Ritchie est inspiré de Borg, pas de Doddy el Faied.Que Sherman est inspiré par Koffi Annan. Qu' Etheline est plutôt l'équivalent d'Elisabeth II. Que Diana n'a jamais écrit le moindre livre. Qu 'Eli Cash n'est pas de la famille, et qu'il n'y a pas de Dudley Heinsbergen chez les Windsor. Que l'inspiration d'Anderson est plus proche de Salinger que des Forsyte de Galsworthy. Que le New York des Royal Tenenbaum n'est pas le Londres des Windsor. Que leur maison n'est pas un Buckingham. Certes.Mais le récit de la splendeur passée d'une famille (comme celle des Amberson que Anderson reprenait d'Orson Welles ) est bien le lien qui unit les deux sortes de Royals. 
     Et Royal lui même finit, comme le Duc Philipp d'Edimbourg , enterré dans sa Jeep.
 


          


7 commentaires:

  1. DjileyDjoon@orange.fr25 septembre 2022 à 23:02

    À vrai dire, ce sont les petits-enfants des familles royales, dont l'une d'entre elles est alliée aux Windsor, qui avaient décidé de se déguiser en Margot, Richie et Chas pour fêter Halloween, si l'on en croit les tabloïds.
    Plutôt que d'aller de la parodie à son modèle, il faudrait peut-être remonter d'un modèle à la parodie qu'il a supputée.

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  2. DjileyDjoon@orange.fr8 octobre 2022 à 14:46

    Après la disparition des ancêtres taillés dans le marbre, les familles royales s'intègrent dans le monde de la jet-set, ou il ne s'agit pas d'être riche, mais de jouer à l'être. Cela pourrait être une façon de résoudre le problème des inégalités, qui semble mystérieux pour toujours. Il est urgent de lire Thomas Scanlon, "What we owe each other: A new social contract".

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  3. DjileyDjoon@orange.fr9 octobre 2022 à 19:06

    Une édition de 2009 contient, en plus, des objections et une réponse de Scanlon.
    Son livre "Why does inequality matter ?" vient d'être traduit ("Pourquoi s'opposer à l'inégalité").
    En réalité, dans le contexte de la mondialisation néo-libérale, l'égalité des chances fait le malheur du transfuge de classe, en aggravant son symptôme de l'imposteur. Autrefois, l'ascension sociale était abrupte, mais elle est devenue un enfer définitif, dépeint par Annie Ernaux dans une écriture neutre, assez académique et datée. Cette ascension est précaire et elle ne s'arrête jamais. Ernaux repasse en boucle ses films Super 8 des années 1970, quand à l'arrivée les parvenus étaient heureux. Au contraire, les familles royales se déclassent joyeusement, car, pour elles, être transclasse reste un bonheur.

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  4. A t il fallu attendre Annie Ernaux pour savoir que les étudiants des générations précédentes issus de la classe ouvrière, de la paysannerie ou de la petite fonction publique (instituteurs, policiers, employés des impôts) etc étaient des transfuges de classe quand ils accédaient à des postes universitaires ou à des postes de haute fonction publique? Au siècle passés il y a avant la noblesse de robe, et dans les contes de Perrault des petits tailleurs se mariant à des princesses, ou des chats bottés devenant marquis. Avons nous avec Annie Ernaux une histoire du même genre, où une Cendrillon épouse un prince ?

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  5. DjileyDjoon@orange.fr10 octobre 2022 à 23:54

    Par une auto-analyse, Pierre Bourdieu essayait de comprendre pourquoi il était un transclasse insatisfait, alors que Georges Canguilhem, qui venait à peine de la génération précédente, et qui était du même milieu social et géographique que lui, était un transfuge heureux. Derrida avait une explication. C'était parce que Bourdieu n'était pas parvenu à faire de la sociologie une science première, à la place de la philosophie. En réalité, Bourdieu était devenu insatiable, comme un anarcho-marxiste libéral. On admire la modestie de Bruno Latour, qui avait su trouver un bon second souffle, après avoir été un post-scientiste de fin de siècle.
    Groucho Marx disait déjà : je suis parti de rien pour arriver nulle part. C'est pourquoi, quand on meurt, on ne fait que changer de crèmerie.
    Quant à Annie Ernaux, la longue série de ses illusions perdues commence avec la prise de conscience que son prince charmant est une brute, et que tout le monde pense que c'est son droit.

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  6. même quand on offre à un passager de seconde de passer en première, il reste un passager de seconde

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