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dimanche 9 octobre 2016

Les lectures de Trump


     On a soutenu à tort que Donald Trump , dont les propos sur les femmes ont suscité un tollé, était inculte , grossier, ubuesque, et qu'il ne lisait rien.  C'est une grossière erreur. Il lit au contraire beaucoup,
et surtout des romans policiers, et notamment ceux des années 50 de Chase, Cheney et des beaux jours de la série noire. Seuls les gens
eux mêmes incultes n'ont pas pas vu que les discours de Trump étaient truffés d'allusions à ces polars, et que le procès qui lui est fait d'être sexiste, misogyne et vulgaire est un pur produit de la political correctness qu'il dénonce lui-même.






                                                      Seule une Amérique pudibonde peut condamner ces manifestations d'une culture policière qu'on a aujourd'hui perdue.
    Mon professeur de philosophie avait deux sortes de livres chez lui, les uns sur Kant, sa spécialité, les autres des séries noires, qui tapissaient tout son appartement. Je voulus l'imiter, non pas dans son kantisme (bien que je reconnûs qu'il y excellât, et qu'il m'ait beaucoup appris; qui par exemple aurait aujourd'hui comme sujet de dissertation en khâgne "Y a t il plusieurs sortes de nécessité?"). J'achetai donc moi aussi beaucoup de séries noires cartonnées, et j'eus à un moment plus de deux cent. Je les ai bêtement revendus.




                                                 
Hillary Clinton n'est pas en reste. Elle aussi lit beaucoup de romans policiers pour se reposer d'une campagne fatigante. Mais l'Amérique blanche, si irlandaise dans ses racines, devrait relire
Sally Mara, mais aussi Peter Cheney.



22 commentaires:

  1. Il est plutôt réjouissant de savoir que les candidats américains lisent des auteurs anglais de polars de l'entre-deux-guerres, Cheyney et Chase, qui avaient peu voyagé, qui écrivaient leurs livres avec des dictionnaires d'argot américains et une documentation géographique, journalistique, etc. Je crois que Sally Mara était en réalité Raymond Queneau, et au rayon du polar pataphysique, il faudrait ajouter Vernon Sullivan, alias Boris Vian.
    En outre, si j'ai bonne mémoire, l'agent du FBI Lemmy Caution est détaché en France, au Maroc sous protectorat français, ou en Italie. Jean-Luc Godard l'enverra même en mission à Alphaville.
    Si les Américains sont aussi europhiles en matière de polar, ils doivent avoir adopté Eddie Constantine en Lemmy Caution, qu' ils trouvaient caricatural dans les années 50.
    James Hadley Chase écrivait plutôt des romans noirs. Les troupes américaines l'ont lu en Angleterre pendant la Guerre, puis les Américains l'ont redécouvert dans les années 2000. C'est sans doute à cette époque que Donald Trump s'est rué dans les librairies pour le lire.
    Quant à Hillary Clinton, elle aurait tort de se priver des polars délicieux de dames américaines comme Charlotte Armstrong, Edna Sherry, etc.

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  2. En effet Sally Mara est Queneau, qui a republié ces Mémoires plus tard sous son nom. Je crois que le pseudo de Vian a tenu très peu. Je me demande quels polars les agents du FBI lisent aujourd'hui. M'est avis qu'ils lisent plutôt Le Carré.

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    1. Moi, je ne sais pas, j'hésite car j'aime les gens qui ont, comme lui, une profonde culture. Mais quelques rares intellectuels français se sont déclarés pour Hillary. (voyez le lien)

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  4. Ah zut j'oubliais ! Votre nouvel avatar est un pseudo-défenseur de Trump qui masque un vrai défenseur des polars aux titres si peu corrects. Vous avez tant de masques avec en plus celui du démasqueur... je m'y perds.

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    1. Mais non, je suis un individu simple et franc; quasi naïf, qui aime qu'on parle "straight", comme un bon coup de Bourbon.

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  5. Si l'on cherche un titre politiquement incorrect à la Donald Trump, il faudrait citer l'un des plus grands succès de la Série Noire, "Douze Chinetoques et une souris" ("Twelve Chinks and a Woman"), de James Hadley Chase. Le titre anglais était aussi insultant pour les Chinois que le titre français, mais dans les années 40 il passait, et il a été changé bien plus tard.
    En réalité, ce doit être par le cinéma que les Américains ont connu Chase. Une vingtaine de ses romans ont été portés à l'écran. Mais dans son film "Eva", tiré du livre de Chase qui avait Hollywood pour décor, Joseph Losey avait situé l'histoire en Italie, comme pour rappeler que Chase était un faux américain du polar. Et Venise était bien mieux que Los Angeles !
    Dans les années 50, la Série Noire a publié deux James Bond, peut-être les meilleurs, dont le titre m'intriguait beaucoup quand j'étais lycéen : "Entourloupe dans l'azimut" ("Moonraker" au cinéma) et "Chauds les glaçons !" ("Les Diamants sont éternels"). Le premier surtout est intéressant. Bond fait beaucoup d'heures de bureau, comme un vrai espion qui passe son temps à éplucher des documents, et il ne quitte pas l'Angleterre. Dans le second, à l'occasion d'aventures délirantes aux USA, où mène le pipe-line du trafic mondial des diamants, une rarissime femme entre dans sa vie privée, Tiffany Case, qui n'est pas une éphémère James Bond Girl, et qui vivra quelque temps chez lui.
    Marcel Duhamel avait inauguré la Série noire de Gallimard en publiant des traductions de Peter Cheyney. Mais plus tard, il ne publiera pas ses traductions de John Le Carré dans la Série Noire : "Chandelles noires" ("A Murder of Quality"), et bien sûr "L'Espion qui venait du froid".
    Pourtant, "Chandelles noires" mettait en scène Smiley dans une enquête privée, une pure enquête policière sans espionnage, au sein d'un collège de l'aristocratie britannique. On pouvait voir le commencement de l'évolution du personnage, qui allait aboutir dans "Les Gens de Smiley", vers plus d'ambiguïté, de paradoxe et de lassitude, avec le désir profond chez tout le monde que la Guerre Froide se termine enfin.
    Est-ce vraiment Le Carré que lisent les agents du FBI aujourd'hui ? A mon avis, ils lisent tout.

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    1. votre culture du polar excède bien la mienne. Je voulais juste noter, par ce post qui n'a rigoureusement rien de sophistiqué, que l'on tolérait jadis les titres de la série noire les plus sexistes, alors que je doute qu'aujourd'hui Gallimard publierait des série noires avec titres comme

      "garces de femmes"

      que l'on jette juste un oeil aux titres récents, qui sont très bisounours:

      http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Serie-Noire

      Trump ne lisant pas le français, il n'a pas pu lire San antonio, qui passe mal
      dans la langue de Milton et de Keats.
      Mais c'est sa culture.
      Son dialogue avec le neveu Bush aurait pu sortir de Bérurier.

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    2. Oui, et quel chanteur contemporain chanterait aujourd'hui un texte ressemblant à "S'faire enculer" ?
      https://www.youtube.com/watch?v=nRz3eWZVSTQ

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    3. Je riquerais l'hypothèse que le curseur de la licence de langage s'est déplacé. Personne ne s'étonne qu'une manifestation musicale quasi officielle s'appelle "les enfoirés". D'un autre côté pourrait-on mettre Martial entre toutes les mains ?

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    4. Ce qui est devenu insupportable c'est le jugement dépréciatif porté sur autrui, même vrai bien sûr. En revanche faire semblant de se déprécier soi-même est bien vu (on ne se prend pas au sérieux, on tolère la différence, etc.)

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    5. Ce n'est certainement pas le cas de Trump : il donne dans l'auto appréciation de lui même permanente. Mais ne croyez vous pas que la surappréciation est aussi par chez nous ? cf mon billet sur les superlatifs, qui visait cela justement.

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    6. Choisir ses mots est si souvent associé à ne pas accepter de voir la réalité que ne pas mâcher ses mots est malheureusement associé à voir la réalité en face. Tous les populistes et démagogues bénéficient de cette fausse symétrie.

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    7. Quant à la surappréciation, elle est institutionnalisée à l'école. Tout est fait pour que les reproches soient mêlés à des compliments et donc passent inaperçus. Une certaine école a peut-être produit la honte de soi, la nôtre produit en masse l'autosatisfaction et donc l'indifférence par rapport au savoir apporté.

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    8. Cela ne me gênerait pas que les compliments soient mêlés à des reproches si ceux auxquels ils sont adressés étaient capables de lire entre les lignes , ie de lire des compliments en même temps que des critiques, et vice versa. Mais ils ne sont pas capables de pratiquer cet art.

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  6. Deutrou Danlèle10 octobre 2016 à 18:37

    C' est exact que les titres Gallimard d' aujourd'hui sont cucul la praline.Encore que de parler de praline ne ferait point rougir un Guillaume Apollinaire en goguette érotique.
    Magnifique ce titre " Les femmes s'en balance " que nous rallongerions instantanément d' un " du popotin ", bien machiste et guère goûté de la majorité morale contemporaine.

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  7. En fait c'est Marcel Duhamel qui donnait ce style. SEs traductions de Chandler sont d'ailleurs parfaitement déplacées , notamment les titres : "Sur un air de navaja", "charade pour écroulés". si bien qu'on a dû les retraduire . Mais une chose m'intéresse: y a til un machisme féminin, une vulgarité sexuelle basée sur le sentiment de supériorité des femmes ? Virginie Despentes vient à l'esprit. Qui d'autre ? Mais Despentes, c'est une tout autre culture que celle des truands des années 50 à Paris et Marseille

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  8. Vers la fin de la Deuxième Guerre, le personnage de la femme tueuse blonde s'impose dans ce que les Français ont appelé le film noir américain. La femme douée d'une séduction redoutable, qui couve de noirs desseins sous des dehors aimables, qui porte le mal en elle, etc. Dans la littérature d'avant-guerre qui inspire ces films, il y a déjà ce portrait sarcastique, caricatural et fantasmatique des femmes, cette critique misogyne que les faux américains du polar ont reprise.
    Les sociologues expliquent cela par la libération de la femme, que les deux guerres ont favorisée, et qui a bouleversé la répartition traditionnelle des rôles sexuels.
    Pendant les deux conflits, les femmes remplacent les hommes à l'usine ou dans les bureaux. Elles s'émancipent, elles inventent le personnage de la garçonne, elles obtiennent le droit de vote et vont à l'université, etc. Tout cela provoque une certaine peur, mêlée de fascination, dans le monde masculin. D'où une réaction dans les années 50, avec l'arrivée de la vertueuse Doris Day à la voix de rossignol, vedette des comédies familiales rassurantes, dans le monde de la consommation, de la télévision et de l'équipement électro-ménager.
    Quant au personnage de l'Amazone moderne d'un sexisme à l'envers, il était peut-être présent en filigrane dans les excès de violence langagière de certaines féministes des années 70. S'il existe, il sera probablement psychiatrisé. Dans la classification LGBTQQIAAP des genres, on ne saurait pas où le mettre.

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  9. Trump a sans doute, lui qui est si retro dans son m(f)achisme , trouvé sa tueuse blonde.

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  10. Les livres qu'a publiés Donald Trump sont intéressants, comme "The Art of the Deal", "How to Get Rich" ou "Think Like a Champion". On y découvre un génie de l'immobilier, qui livre toutes les clés du succès, dont la formation et la culture générale, et qui apprend à son lecteur à être toujours un "winner", ce qui est plutôt tonique.
    Néanmoins, son rapport à la vérité semble trouble. Comment peut-on croire à la sincérité d'un ancien animateur de télé-réalité ?
    Il a aussi beaucoup viré de bord en politique. Il a même financé jadis une campagne d'Hillary Clinton, avant d'être son adversaire.
    Son rapport à la science est également révélateur, dans ses boutades, par exemple quand il doute du génie d'Einstein. Si celui-ci était un génie, se demande-t-il, pourquoi n'est-il pas devenu riche ?
    Dans le domaine du polar américain contemporain, les spécialistes associent déjà les "années Trump" à "American Psycho" de Bret Easton Ellis, roman qui met en scène un cadre financier désaxé, qui se dédouble la nuit.

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  11. Excellent ! j'ignorais tout cela. Mais Trump me fait penser à un vendeur de bagnoles d'occasion que j'ai jadis rencontré en Californie (je ne lui ai pas acheté d' auto). Je croyais aussi que Trump avait fait une carrière de catcheur . Est-ce vrai ou une blague ? En ce cas il aurait sa place, aux côtés de l'Ange Blanc et du Bourreau de Béthune, dans les Mythologies de Roland Barthes.

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    1. PS d'autres y ont pensé avant moi

      http://www.philomag.com/lactu/resonances/le-numero-de-catch-de-donald-trump-13787

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