à la mémoire de Federico Tagliatesta
Il est frappant
de constater le nombre de métaphores reptiliennes dans l’academia. Tout professeur a fait l’expérience d’étudiants crocodiles, qui assistent aux cours sans jamais intervenir, et
semblent dormir en ouvrant seulement un œil, mais qui, si l’enseignant fait une
erreur ou dit une bêtise, mordent soudain et ne pardonnent pas quand il s’agit
de défaire une réputation. L’espèce se trouve particulièrement dans les
marécages sorbonicoles, où ils s’entassent sur des bancs étroits, à bonne distance
du professeur (les premiers rangs des amphis sont souvent vides, alors que les
bancs en hauteur sont bondés, pour pouvoir sortir rapidement en cas d’ennui
prononcé). Les normaliens quant à eux ont eu affaire aux caïmans, qui rasent les murs des couloirs de l’auguste école fondée
sous la Convention, et qui peuvent mordre brusquement. Quand l’universitaire se
lance dans la politique académique, il faut qu’il s’attende à trouver nombre de
lézards dans les dossiers qui lui
sont soumis, et s’il entend devenir directeur de quelque chose, il faut qu’il s’attende
à avaler pas mal de couleuvres. S’il
écrit des articles ou des livres, il doit s’attendre à recevoir soit le
silence, tantôt jaloux tantôt embarrassé, de ses collègues, soit des comptes
rendus vipérins. S’il est séduisant,
les étudiantes se glisseront dans son lit la nuit, telles des iguanes. Au moment de sa retraite, ses
étudiants le contempleront comme un dinosaure
et ses collègues verseront des larmes de crocodile
de voir partir ce vieil alligator.
Quel marigot votre histoire!
RépondreSupprimerMais sur ce blog, on boa toujours vos paroles, même si on ne répond pas toujours à vos billets.
j'ai bien sûr oublié les Monty Python
Supprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=kQFKtI6gn9Y
J'ai l'impression que la plupart de ces métaphores n'ont rien de spécifiquement universitaire, à quelques exceptions près, dont caïman (qui a aussi un sens plus noble universitairement parlant...on rêve à un certain âge d'être caïman, non ?). N'est-ce pas que les noms d'animaux en général sont utilisés, quel que soit le domaine, pour déprécier les hommes (loup, rat, renard, mouton, vache, bouc, chèvre, souris et j'en passe...) ? Y a-t-il vraiment un plus grand usage des métaphores reptiliennes dans le discours universitaire ?
RépondreSupprimerBien sûr on en use dans d'autres domaines, et je n'ai jamais dit qu'elles étaient exclusives! J'aurais dû aussi mentionner que le collège de Pataphysique eût comme Vice curateur SM Lutembi, crocodile de son état. les vipères , les couleuvres sont partout, et ramper n'est pas le propre des professeurs.
RépondreSupprimerMais "caïman" , "étudiant crocodile" ou "dinosaure" me semblent spécifiques. Je ne connais pas l'usage "caïman" pour quand on a un certain âge, mais j'ai fait allusion à celui où l'on devient un alligator. Et l'allure reptilienne est plus propre aux hommes d'étude que, par exemple, aux coiffeurs ou aux acteurs, non? Et n'est ce pas le serpent qui inculque à Eve, puis à Adam le savoir ?
Pardon, j'ai été incomplet : je voulais dire "on rêve à un certain âge d'être caïman à Ulm " pour mettre en doute la dimension dépréciative de l'expression ; en tout cas chaque fois que j'ai entendu caïman dans ce sens, c'était neutre ou élogieux. N'est-ce pas un trait tout à fait accidentel du caïman qu'il morde et rase les murs ?
RépondreSupprimerCeci dit, c'est intéressant d'associer un type d'animal à un type de métier mais je ne sais pas du tout s'il y a vraiment là un usage constant. Certes vous avez une expérience de ces animaux-là que je n'ai pas. Cependant un coiffeur avec sa langue de vipère et ses larmes de crocodile pourrait aussi bien me faire avaler des couleuvres... Ceci dit, encore une fois votre billet doit refléter des usages que j'ignore complètement, sans doute en partie pour vivre dans un milieu professionnel plus modeste, où les relations de pouvoir sont peut-être plus discrètes, moins présentes (on est tous plutôt des moutons, les loups sont rarissimes et les bergers guère pris au sérieux...)
L'essence du caïman ou d'autres sauriens n'est pas de mordre - c'est en effet accidentel - mais de se tenir , à demi-endormi, dans la vase. Je ne connais pas l'origine du terme, mais cela semble avoir un rapport avec cette stase ( voir Alain Peyrefitte, Rue d'Ulm) . Cela semble difficile à appliquer à un coiffeur. Il est plus facile de comprendre pourquoi certaines îles, devenues paradis fiscaux, s'appellent "Iles Caîman".
RépondreSupprimerJe lis dans le Dictionnaire historique de la langue française (A.Rey)
RépondreSupprimer" par allusion plaisante à la férocité de l'animal, il désigne dans l'argot de l'École Normale, un surveillant-répétiteur (1880)"
C'est donc la férocité qui semble être prise en compte à l'origine plus que la stase. Mais peut-être la conduite évolutive de ceux qui occupent la fonction depuis 1880 fait qu'aujourd'hui c'est la stase ( et plus l'agressivité) qui est notable.
C'es pas à vous que j'apprendrai qu'il y a des définitions nominales ( qu'on trouve dans le dico) et des définitions réelles.
RépondreSupprimerCertes mais par ma vie je n'ai pas accès dans ce cas à la définition réelle...
RépondreSupprimerMais je vous l'ai proposée ! ma suggestion est que l'habitat du caïman (et de la plupart des reptiles ) fait l'animal : il dort dans l'eau du fleuve, et rampe , mordant occasionnellement pour becqueter. Sans faire de lamarckisme, sa physiologie est conforme à cet habitat. Ensuite je vous ai proposé une métaphore. Les métaphores ne sont évidemment pas des définitions réelles, mais elles partent des traits saillants des espèces.
RépondreSupprimerLe monde universitaire de Lodge que je connais un peu fait sourire mais le vôtre fait peur...Et comment traduisez-vous en termes reptiliens les multiples colloques et autres rassemblements qui font rêver les pauvres moutons ?
RépondreSupprimerMon Dieu ! Mais lisez Tagliatesta !
RépondreSupprimerD'accord ! Et le monde universitaire bourdieusien il vous semble une traduction objective et scientifique de ce que vous décrivez si métaphoriquement ? Vos crocodiles et autres bestioles se promènent dans un champ ?
RépondreSupprimermais Bourdieu c'est les bisournous !
RépondreSupprimerAlors c'est de la gloriole de qualifier la sociologie de sport de combat si elle ne produit que des analyses euphémisées de la vie scolastique...
RépondreSupprimerla seule description appropriée du monde scolastique est la satire.
RépondreSupprimerD'accord, c'est en quoi la littérature (si cette satire a valeur littéraire) contribue à la connaissance de la réalité, mais on peut penser que c'est la sociologie qui identifie une partie des causes réelles et souterraines de ce que la satire décrit.
SupprimerJ'apprends autant dans Juvénal sur la Rome classique qu'en lisant Paul Veyne.
Supprimera propos de Bisounours
RépondreSupprimerhttp://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/10/03/un-boa-dans-le-placard_4500274_3244.html
Vous avez au moins un point commun avec Pessoa !
SupprimerHenri Beyle utilisait quelquefois le pseudonyme de William Crocodile.
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