Swift's room, Hazlitt's |
Il y a quelques années, devant faire une conférence à Londres, je passai une nuit au Hazlitt's , dans Frith Street , un hôtel georgien datant de 1718 dans Soho. Je l'avais choisi en raison du fait qu'il a fut la dernière maison qu'habita Hazlitt. Une plaque l'indiquait à l'entrée que William Hazlitt y était mort en 1830.
Mais pas de portrait de lui à l'intérieur. Quoi qu'il en soit, je fus ravi, car on m'avait donné la "Swift room", ornée du portrait de Swift par Jervas.
C'était un hôtel élégant, quoiqu'un peu tape à l'oeil et vulgaire dans certaines décorations. Il y régnait une atmosphère chic, un peu Dorian Gray et donc plus victorienne que georgienne. Je compris plus tard la raison de cette touche de mauvais goût, en notant que l'hôtel était "gay friendly". Mais aucun Lord Douglas n'apparut.
Albert Lewin 1945 , avec George Sanders |
Je ne vis pas non plus le fantôme de Hazlitt. Mais il faut sans cesse relire Du plaisir de haïr, de William Hazlitt (1826),
tr. Oliete Oscos, Allia 2005 et d'autres écrits enfin traduits, ou dans la langue originale. C'est ma très chère amis Patrizia Lombardo qui me l'a fait connaître. Elle était la grande spécialiste sur le continent, Bromwich sur le nouveau monde et Anthony Grayling dans les Isles, ainsi que le grand politicien travailliste Michael Foot.
La haine est le sentiment de saison: Zorglub l'incarne. Quelle préscience chez Franquin. Elle s'étale, se sent, fait vibrer. William Hazlitt fut méconnu de son vivant et reste un auteur pour happy few. Stendhal l’appréciait. Ses chefs d’œuvre sont de courts essais où il change sans cesse de registre : anecdotes, digressions morales et philosophiques. Nous hai¨ssons une pauvre araignée qui parcourt notre tapis. Nous haïssons tout autant ceux qui nous ont fait du bien que ceux à qui nous avons fait du mal. Nous haïssons autant l’intelligence que la bêtise, « l’amertume nous garde en forme comme une bonne décoction de bile ». Nous nous détournons même de nos livres préférés, et pour ne pas avoir l’air pédant, nous sommes prêts à vanter Michel Onfray ou Alain Finkielkraut plutôt que Léon Daudet ou André Maurois. Mais la haine n’a-t-elle pas des raisons, et même de bonnes raisons ? On nous presse de sortir des émotions négatives et des passions tristes. Mais il peut être gai et tonique de haïr. Pourtant sortirons-nous jamais de notre délectation morose ? « Je vois la sottise se joindre à la canaillerie et ensemble façonner l’esprit public et l’opinion publique ». La seule exception, nous dit Hazlitt, est quand nous lisons les vrais livres, et nous plaçons du point de vue de l’universel, de la justice et de l’idéal, dédaignant nos haines locales et communautaires. Mais dès que nos intérêts et passions sont en cause, nous revenons au charme de la haine.
Dans Partir en voyage (premier essai du recueil La solitude est sainte, Quai Voltaire, 2014),
RépondreSupprimeron lit, à propos des bienfaits de la solitude, ce magnifique passage (p.40) :
« On ne peut lire le livre de la nature sans devoir continuellement se donner la peine de le traduire au profit d’autrui. Je suis pour cette méthode synthétique quand je voyage, de préférence à l’analytique. Je me contente alors de faire provision d’une réserve d’idées, pour les examiner et les disséquer par la suite. Je veux voir mes vagues notions flotter comme le duvet du chardon dans la brise, sans qu’elles s’emmêlent dans les ronces et les épines de la controverse. »
oui, Hazlitt a de telles métaphores philosophico poétiques.
RépondreSupprimer