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samedi 10 novembre 2018

La splendeur des Anderson

Kitsch und Bitter, Vienne

Wes Anderson, en compagnie de Juman Malouf, présente à Vienne au Kunsthistorisches Museum une exposition à son image. Elle est intitulée  Spitzmaus Mummy in a Coffin and other Treasures. Cela fait partie d'une série d'invitations du KHM à des artistes de composer leur propre exposition à partir des matériaux du musée. L'auteur de La vie aquatique est allé puiser dans les collections du musée pour faire son propre musée.

   Le résultat est assez prévisible: les objets présentés, les vitrines, semblent sortis d'un film d'Anderson: mêmes coqs à l'âne, mêmes miniatures hétéroclites, mêmes boîtes de Cornell, mêmes maquettes que dans les films. Dans nombre de cas, on se croirait dans Grand Budapest Hotel ou  face aux objets mystérieux qui surgissent dans les films du texan, comme l'hyppocampe coloré dans La vie aquatique, ou la tortue sur le ventre (?) de laquelle est écrit "Albert" dans Moonrise




Chaque objet du musée viennois, statuette, peinture, lampe, horloge, bibelot devient un projet de plan filmique. Les objets sont également regroupés par couleurs. C'est comme si on avait vidé le musée, pour le reconstituer dans un autre ordre ailleurs. Comme avec le bateau de Thésée on garde le même matériau; mais à la différence du bateau de Thésée, on ne conserve pas la forme.

    La critique du NYT ne l'a pas trop aimée. Selon elle Anderson a enfermé les objets du KHM dans une sorte de bric à brac sans âme, et surtout sans narration. Elle aurait aimé qu'il y ait un récit, comme dans les films d'Anderson.

    Mais à mon sens elle n'a pas compris.  Les boîtes de Cornell d'Anderson ne sont pas supposées être des récits, ni l'exposition un film. Ce sont des points de départ narratifs, des linéaments d'histoire. J'ai déjà évoqué ici l'exposition à Lyon en 2016 des maquettes des films d'Anderson et de ses marionnettes.  L'effet est le même, à cette nuance près qu'on ne voit pas des objets venus des films effectifs du cinéaste, mais des objets qui auraient pu s'y trouver, et qu'on retrouvera peut être dans des films futurs.

      Mais le KHM est aussi lui même un écho des films passés. On se rappelle que dans Grand Budapest , le notaire Kovacs joué par Jeff Goldblum se rend au Kunsthistorisches Museum




  et s'apprête à s'y faire assassiner par le tueur Joplin. On se souvient aussi que le film est dédié à Stephan Zweig. C'est donc tout autant une rétrospective qu'une prospective.



     L'occasion était trop également belle, pour un auteur kitsch,  de pratiquer le kitsch dans son lieu même d'origine.
    



   

Joseph Cornell, Eden Hotel



   

2 commentaires:

  1. Kitsch, kitsch, hourra!

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  2. plus kitsch encore, ou simplement snob, Jeff Goldblum donne un concert de jazz à Paris le 18.11.18

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