Maison natale de TS Eliot 2635 Locust, St Louis, et ci-dessous aujourdhui |
2635 Locust, the Waste Land |
Dès 1928, T.S Eliot salua la Trahison des clercs dans un compte rendu* ( The Complete prose of TS Eliot , vol. III, John Hopkins University Press, Faber and Faber, London). Il note la remarque frappante ( qui devait aussi , encore nous frapper dans notre contexte contemporain, un siècle après):
"On
est frappé, quand on étudie par exemple les guerres civiles qui agitèrent la
France au XVIe siècle et même au fin du XVIIIe, du petit nombre de
personnes dont elles ont proprement trouble l’âme; alors que l’histoire est
remplie jusqu’au XIXe siècle de longues guerres européennes qui laissèrent la
grande majorité des populations parfaitement indifférentes en
dehors des dommages matériels qu’elles leur causaient, on peut dire qu’aujourd’hui
il n’est presque pas une âme en Europe qui ne soit touchée,
ou
ne croie l’être, par une passion de race ou de classe ou de nation et le plus
souvent
par les trois. . . . Les passions politiques atteignent aujourd’hui à
une universalité qu’elles n’ont jamais connue. " Et il concourt avec Benda sur son diagnostic sur la culture, qu'il rapproche de celui de Matthew Arnold:
"It is because criticism has so little
kept in the pure intellectual sphere, has so little detached itself from
practice, has been so directly polemical andcontroversial, that it has so ill
accomplished, in this country, its best spiritual work." (“The
Function of Criticism”)
Il est parfaitement d'accord avec Benda sur la nécessité de séparer les valeurs de l 'esprit et les valeurs sociales. Mais il fait l 'erreur usuelle sur Benda, de penser que sa thèse est celle du retrait du monde. Benda ne soutient pas qu 'il faut au clerc, tel Rancé, aller à la Trappe,mais qu'il lui faut intervenir dans le monde politique au nom de la vérité et non pas au nom de la politique. Je ne reviens pas sur ce point.
Eliot était très intéressé, et très proche, des idées de Maurras, et comme beaucoup, il interprète Benda comme une sorte de sous-Maurras. Mais là il se trompe complètement:
"His
case against M.
Maurras is ironic. He accuses M. Maurras, among others, of exciting political passions, of devoting to party what was meant for mankind. And yet
his thesis is fundamentally the same that Charles Maurras expounded in
1905, in his book L’Avenir de l’Intelligence. For M. Maurras then wrote to
express
his regret exactly that the clerc was nowadays mingled in public
affairs:
his book was a protest against conditions under which the intellectual,
who
should be occupied with intellectual matters purely, was forced
to
mix in the quarrels of the market place. “La dignité des esprits est de penser,
de
penser bien, et ceux qui n’ont pas réflechi au véritable caractère de cette dignité
sont seuls flattés de la beauté d’un rêve de domination.” Thus
M. Maurras in 1905; and M. Maurras
then, as M. Benda now, took pains to
point out how much better things were
managed in the reign of Louis XIV,
when the government was strong and
settled and the clerc could go about
his own business
Le problème est que Maurras fit exactement le contraire. Il fonda un parti, agita les passions politiques contre la démocratie, prêcha l'antisémitisme. On a eu bien tort de refuser la commémoration de Maurras
l'an passé. Les leçons pour aujourd'hui seraient plus intéressantes que celles relatives à Céline ( ici encore nos contemporains ont perdu le sens des mots, il ont compris cela comme une célébration).
* (The Idealism of Julien
Benda1
A second review of La Trahison des clercs, by Julien Benda (l'article connut deux versions
Paris: Grasset, 1927. Pp. 306.
The Cambridge Review, 49 (6 June 1928) 485-88