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mercredi 6 septembre 2017

Il fumo





      
                                                                           
                                                                     





Le prime sigarette ch’io fumai non esistono più in commercio. Intorno al 70 se ne avevano in Austria di quelle che venivano vendute in scatoline di cartone munite del marchio dell’aquila bicipite. Ecco: attorno a una di quelle scatole s’aggruppano subito varie persone con qualche loro tratto, sufficiente per suggerirmene il nome, non bastevole però a commovermi per l’impensato incontro.
Penso che la sigaretta abbia un gusto più intenso quand’è l’ultima. Anche le altre hanno un loro gusto speciale, ma meno intenso. L’ultima acquista il suo sapore dal sentimento della vittoria su sé stesso e la speranza di un prossimo futuro di forza e di salute. Le altre hanno la loro importanza perché accendendole si protesta la propria libertà e il futuro di forza e di salute permane, ma va un po’ più lontano.
Ma allora io non sapevo se amavo o odiavo la sigaretta e il suo sapore e lo stato in cui la nicotina mi metteva. Quando seppi di odiare tutto ciò fu peggio. E lo seppi a vent’anni circa. Allora soffersi per qualche settimana di un violento male di gola accompagnato da febbre. Il dottore prescrisse il letto e l’assoluta astensione dal fumo. Ricordo questa parola assoluta! Mi ferì e la febbre la colorì: Un vuoto grande e niente per resistere all’enorme pressione che subito si produce attorno ad un vuoto. Quando il dottore mi lasciò, mio padre (mia madre era morta da molti anni) con tanto di sigaro in bocca restò ancora per qualche tempo a farmi compagnia. Andandosene, dopo di aver passata dolcemente la sua mano sulla mia fronte scottante, mi disse:
– Non fumare, veh!
Mi colse un’inquietudine enorme. Pensai: «Giacché mi fa male non fumerò mai più, ma prima voglio farlo per l’ultima volta». Accesi una sigaretta e mi sentii subito liberato dall’inquietudine ad onta che la febbre forse aumentasse e che ad ogni tirata sentissi alle tonsille un bruciore come se fossero state toccate da un tizzone ardente. Finii tutta la sigaretta con l’accuratezza con cui si compie un voto. E, sempre soffrendo orribilmente, ne fumai molte altre durante la malattia. Mio padre andava e veniva col suo sigaro in bocca dicendomi:
– Bravo ! Ancora qualche giorno di astensione dal fumo e sei guarito!

Italo Svevo, La coscienza di Zeno


     Pourquoi ne fume-t-on plus ? Je ne veux pas dire qu'il n'y a plus de fumeurs , plus de gens tirant obsessivement sur des cigarettes et les écrasant comme des insectes nuisibles une fois leur forfait accompli. Mais plus de fumeurs tenant nonchalamment leur cigarette entre index et majeur, la main retournée en arrière, comme le fait la belle Lucia Berlin sur cette photo (dont la plupart des éditeurs ont fait disparaître la cigarette)


   On voit fumer sur les trottoirs les employés d'entreprises chassés des étages de bureaux, grillant leur clope rapidos. On voit fumer des gens qui font leur PMU dans les terrasses dédiées des cafés, où ils se regroupent l'hiver sous des chaufferies pour ne pas geler. On voit fumer dans les aeroports des êtres serrés dans des cages de verre à cet effet.  Peut être des collectionneurs de cigares dans des clubs sélect. On voit sans doute vapoter. Mais ces narguilés électriques sont ils des vrais fumer? On ne voit plus fumer quiconque comme dans les années 60, à la manière de Marie Laforêt dans Plein soleil ou Monika Vitti dans La notte. 

        Moi aussi, la plupart des tabacs que j'ai fumés n'existent plus. Les cigarettes Craven A ou Players, les boîtes de tabac pour pipe Kong Fredrik que je trouvais au Danemark, les cigarettes grecques Santé  ( dont le nom anticipait ironiquement les campagnes anti-tabac de 30 années plus tard) ou Karelias (au paquet alexandrin) sont des choses du passé.



                                                 
                                         

6 commentaires:

  1. Il existe un site du fan-club de Lucia Berlin, la reine de l'attitude sophistiquée de la fumeuse à la coiffure en pétard, au look de féministe faussement assagie de la seconde vague : http://www.readlucia.com/. Il existe aussi un compte Twitter du groupe, qui est encore meilleur : https://twitter.com/readluciaberlin.
    Il y a eu une période de cohabitation entre fumeurs et non-fumeurs, qui étaient en fait des fumeurs passifs. Il faudrait parler des salles de cours (Vincennes) ou des bureaux enfumés, et dans les trains, des wagons fumeurs où l'on était bien obligé d'aller s'asseoir, quand toutes les places étaient prises. Il est exact que nous avons marginalisé physiquement les fumeurs, qui n'osent pas se plaindre. Les buralistes ne vendent plus que des paquets neutres, sans logos des marques ni mention de la composition des produits du tabac, pour éviter la comparaison et l'illusion que des produits sont moins nocifs que d'autres. Le paquet neutre cherche surtout à protéger la jeunesse.
    On reste plus tolérant avec l'alcool, car en buvant on ne gêne pas son voisin, à moins de s'enivrer. Néanmoins en buvant en public, on donne tout de même un mauvais exemple.
    Autrefois, on vivait moins vieux et on mourait plus tôt d'un tas d'autres choses, avant d'avoir le cancer du poumon. De nos jours, on prend le temps de mourir et on rêve même d'être immortel. La médecine et les politiques de santé publique ont éradiqué beaucoup de maladies, et en principe les guerres ont disparu. Pourtant, on peut encore faire le choix de mourir jeune, après avoir épuisé tous les plaisirs de la vie, plutôt que d'avoir à affronter un jour les rigueurs de l'âge. Cela a diablement un parfum d'Années Folles.
    On dit que l'utilisation du tabac à l'italienne, c'est-à-dire dans un but thérapeutique, remontait à Catherine de Médicis, qui l'utilisait pour soigner ses maux de tête. D'ailleurs, le tabac produit une molécule qui stimule les facultés intellectuelles.
    Les souvenirs des anciens fumeurs ne se limitent pas au goût du tabac blond. Il y a eu le goût mentholé, la saveur du somptueux Havane et le charme acidulé du tabac néerlandais ou belge. Sans parler du pétard que l'on a continué à fumer, à l'occasion, avec d'anciens baba cools, devenus des "Vitelloni" quadragénaires.

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    1. je ne suis pas du tout certain que Lucia Berlin ait été féministe. C'est pas son genre.
      Ce qui me désole, dans le tabac aujourd'hui, est que fumer ne semble plus avoir rien d'agréable. Mais qu'en sais-je?

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    2. Do you smoke, Mister Scalpel?

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  2. Mis à part le fait que le tabagisme est à peu près tout ce qu'il reste à éliminer, pour devenir immortel, - mais que fera-t-on de la religion, de la résurrection et de la croyance en l'immortalité de l'âme ? - la vie et l'œuvre d'Italo Svevo sont fort intéressantes. Ce n'est pas seulement parce qu'il a passé sa vie à penser à sa dernière cigarette, comme l'alcoolique parle de son dernier verre. Ou parce que "La Conscience de Zeno" réfléchit, dans un monologue intérieur, la crise européenne de la première guerre mondiale qui ne finit pas, malgré les armistices. Ou bien encore parce qu'il a eu l'audace décrire : « C’est une autobiographie, mais pas la mienne ».
    Il a surtout vécu et écrit dans un type de société, et un type de famille, qui étaient encore vivants jusque dans les années 50 et au début des années 60. Les baby-boomers ont donc eu les conditions pour devenir des écrivains ou des poètes, maudits de différentes manières, conditions qui étaient : société étouffante et pétrifiée, famille abusive, habitude du culte personnel de la chose littéraire dans le jardin secret d'une Ville, etc.
    C'était tellement vrai que Mauro Bolognini adaptera "Senilità" de Svevo au cinéma en 1962, œuvre publiée pour la première fois en 1898, avec les décors de Trieste des années 1920. Le film a été bien reçu, sans doute parce que l'atmosphère de cette époque était encore bien présente au début des années 1960.
    Néanmoins, on sait ce que Julien Benda pensait du mythe de ce type de littérature.
    Je me suis laissé dire qu'il y a une Via Italo Svevo à Venise.

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  3. Benda était sans pitié pour D'annunzio. Mais il ignorait tout de Svevo, Joyce, et bien sûr Musil. Il n'y a rien d'Adriatique chez Benda. C'est dommage.

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