Pages

jeudi 14 juillet 2016

Fâcheux, vulgaires et goujats


"Sous quel astre, bon Dieu, faut-il que je sois né,
Pour être de fâcheux toujours assassiné !
Il semble que partout le sort me les adresse,
Et j'en vois chaque jour quelque nouvelle espèce"

     Les invités à un colloque qui ne viennent que pour donner leur exposé et repartent immédiatement après. Ceux qui, souvent les mêmes, ne viennent pas au colloque  ou à la soutenance de thèse mais sont présents au cocktail.
    Les organisateurs d'un colloque ou d'une table ronde qui s'invitent eux-mêmes à donner un exposé et font de l'événement l'instrument de leur auto-promotion.
    Les organisateurs d'un colloque qui en annoncent la tenue la veille, afin de décourager ceux qui aimeraient y assister , afin de pouvoir rester en petit comité d'admiration mutuelle.
    Ceux qui insistent pour que les exposés et conférences dans les colloques soient filmés et diffusés urbi et orbi, mais  écartent les vidéos et podcasts où il apparaît nettement que le public n'excédait pas cinq personnes, les autres conférenciers (quand ils n'ont pas quitté la salle) compris.
    Les auteurs d'un livre qui en font eux-mêmes la publicité sur des listes de diffusion par internet, sur face book, sur Twitter , etc. à la manière dont les hôteliers "postent" anonymement sur Tripadvisor tout le mal qu'ils pensent de leurs concurrents en se faisant passer pour des clients de ceux-ci.
   Ceux qui, profitant de la vitesse des moyens contemporains de communication, voient passer l'annoncer d'un colloque ou d'un atelier, et qui, voyant qu'il pourrait constituer une concurrence potentielle, en organisent immédiatement un autre similaire.
     Ceux qui, écrivant un livre, s'inquiètent de ce qu'un autre a pu en écrire un sur le même sujet, et cherchent par tous les moyens à s'en procurer les épreuves avant qu'il paraisse, pour pouvoir sortir le leur au même moment. 
    Les critiques de livres qui font manifestement partie des amis de l'auteur et lui passent la brosse à reluire. Ceux qui, même quand ils ne sont pas amis de l'auteur, semblent confondre critique et éloge.
    Ceux qui, sans qu'on ait jamais eu affaire à eux avant, vous tutoient de but en blanc ou vous appellent par votre prénom pour vous manifester leur camaraderie intéressée. Ceux qui partent du principe que s'adresser à un professeur ou une personne dotée d'un peu d'autorité ( y en a-t-il encore?) consiste à lui dire "Bonjour" , comme si on le rencontrait par hasard chez le boulanger ou au bistrot, un peu comme si le contact par internet vous mettait en libre service.

"mais on en voit paraître,
De ces gens qui de rien veulent fort vous connaître
Dont il faut au salut les baisers essuyer,
Et qui sont familiers jusqu’à vous tutoyer."


    Les mêmes  qui, quand il s'agit de solliciter un avantage, s'adressent à vous en vous donnant des titres ronflants ( "M. le professeur en Adjectifs Comparatifs, Madame l'Administratrice des Institutions du Devoir...") mais les oublient si les enjeux deviennent moindres, ou si leurs sollicitations n'ont pas abouti. Les mêmes encore qui font comme si les questions de genre étaient essentielles quand on s'adresse à quelqu'un ( Madame la professeure vs Mr Madame le professeur, etc.), mais qui oublient soudainement ces modes d'adresse quand il s'agit d'un service escompté rapido presto.
    Ceux qui vous plagient allègrement, ou vous excluent systématiquement des bibliographies de revues ou collectifs et vous adressent fièrement leurs articles ou leurs livres dont  vous êtes scrupuleusement absent de la bibliographie.
    Ceux qui vous sollicitent pour un service - compte rendu, lettre de recommandation, évaluation pour un éditeur ou une revue - et n'estiment même pas nécessaire, une fois le service rendu, de vous remercier ou même de répondre à une acceptation.
    Ceux (souvent les mêmes) qui vous écrivent un courrier électronique comminatoire demandant une réponse immédiate, et qui, quand on leur fait la réponse aussi immédiate, n'éprouvent même pas le besoin de vous en accuser réception et encore moins de vous en remercier.
     Ceux qui créent des sites web dans lesquels il est question essentiellement d'eux- mêmes.
    Les auteurs de thèses ou de mémoires de maîtrise qui vous proposent un sujet relevant des "me-studies" (par exemple Untel vit à Bécon-les-Bruyères et est employé de mairie, et vous propose un mémoire sur les employés de mairie à Bécon-les-Bruyères, X est savoyard et vous propose une thèse sur la fondue, ou sur le Lac d'Annecy) (1)
     Ceux qui, sur les mêmes raisons, sous couvert de vous présenter leur chien, leur bébé, leurs photos de vacances ou leur résidence secondaire, visent surtout à vous imposer leurs demandes, leur présence et leur importance.
     Ceux qui maquillent leur CV, ou le remplissent jusqu' à indiquer la date de leur obtention du brevet de natation.
      Ceux qui reçoivent un prix ou une médaille, la refusent, mais prennent bien soin de le faire savoir, afin qu'on les félicite à la fois du prix et de l'avoir refusé.
     Ceux qui reçoivent un   Festsschrift à l'âge de 50 ans  et en  profitent pour faire leur autobiographie, vous donnant rendez vous pour dans vingt ans pour la suite des hommages rendus à leur personne.
     Ceux qui écrivent leurs mémoires à trente ans.
     Ceux qui ne peuvent pas passer une journée sans twitter , sans facebooker: leurs amours, leurs maladies, leurs érections, leurs menstrues, leurs pensée métaphysiques, etc.
  
      On me dira  - outre que tout ceci s'applique autant à moi-même et que je ne fais que décrire ma propre bassesse d'esprit et de coeur - que toutes ces malotruteries, toutes ces vilénies ne font qu'illustrer la main invisible qui permet l'expansion du savoir, ou le phénomène mandevillien des vices privés transformés en vertus publiques, et des states which are byproducts de Elster.  Les cupides héritiers du laboureur ne savent pas que:

 "Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août.
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
            Où la main ne passe et repasse.
Le Père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
            Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le Père fut sage
            De leur montrer avant sa mort
            Que le travail est un trésor"

Tout intellectuel , tout administrateur de l'esprit, est ce laboureur , y compris les fonctionnaires de la Culture et du Savoir. L'ignorance même permet l'expansion du savoir - quasi trivialement - car plus ces épisodes de non savoir ou de déni de savoir se répandent,  plus le savoir, minimalement et marginalement progresse.Cause to rejoice !



   (1) comme on a déjà eu l'occasion de le noter sur ce blog, les Badiou-Studies, les Zizek Studies, les Latour Studies, etc. relèvent de ce genre.

30 commentaires:

  1. Si l'on cherche un modèle de philosophie, rien ne vaut Montaigne ou l'honnête homme du XVIIème siècle. Fuir les casse-pieds, ne se piquer de rien, méditer sur la sagesse des Anciens dans sa bibliothèque, et dialoguer avec ses amis.
    Il y a eu un excellent film à la fin des années 40, "Les Casse-Pieds", avec le chansonnier Noël-Noël, à qui nous devons aussi le Festival de Confolens en Charente.
    En ce qui concerne les chaussettes dans les sandales, est-ce une attaque voilée contre les sujets du royaume d'Hamlet ? Faut-il en finir avec l'Europe après le Brexit ? En réalité, cela pose une difficulté logique, celle du cliché qui est vrai. Quand on dit en société que les Danois mettent des chaussettes dans leurs sandales, on vous rit au nez en vous disant que vous avez la tête remplie de stéréotypes. Par contre, tous les gens qui rentrent du Danemark disent que c'est vrai ! Mais s'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que la blonde idiote n'existe pas. Je ne l'ai jamais rencontrée, et aucun de mes amis non plus !

    RépondreSupprimer
  2. Non, je vous prie cher ami, pour moi c'est La Bruyère, non Montaigne, et je me sens mieux avec Malebranche qu'avec Pascal.
    Merci beaucoup de Noel - Noel , libre adaptateur de Poquelin.
    Et merci aussi d'avoir vu que les chaussettes sont, dans la seconde moitié du Xxme siècle où nous vécûmes , le centre de la vie civilisée. Rappelez vous celles, noires, d'Eddy Mitchell, puis celles de Bérégauvoy.

    Quant aux blondes , j'ai icy même tout dit avec la plus belle , Gloria Grahame.

    RépondreSupprimer
  3. Si vous permettez, je voudrais partager avec vous ce passage du "Double" de Dostoïevski: "Je n'ai rien à vous cacher, Christian Ivanovitch. Je suis un homme petit, vous le savez vous-même; mais pour mon bonheur, je ne regrette pas d'être un homme petit. Et même tout au contraire, Christian Ivanovitch; pour tout dire, je suis même fier de n'être pas un grand homme, mais un petit. Pas un intriguant, de cela aussi je suis fier. Je n'agis pas par en dessous, mais ouvertement, sans finasseries, et pourtant je pourrais nuire à mon tour, et beaucoup si je le voulais, et je sais même à qui et comment je pourrais le faire, Christian Ivanovitch, mais je ne veux pas me salir, et dans ce sens-là, je me lave les mains" [...]Je vais tout droit, franchement et sans biaiser, parce que je méprise les chemins détournés et les laisse aux autres. Je ne cherche pas à abaisser ceux qui valent peut-être mieux que vous et moi [...] Je n'aime pas les demi-mots; je n'use pas de misérables duplicités, j'ai en horreur la calomnie et les racontars. Je ne mets de masque qu'en carnaval, je n 'en porte pas quotidiennement devant les gens".
    Je trouve que ce passage résume parfaitement le contre pouvoir qu'il convient d'établir pour contrer tous ces fâcheux, ces vulgaires, ces goujats. Un philosophe français écrivait un jour "comment rester insensible?". Je pense que c'est dans ce genre de situation qu'il faut le rester. Dans ce genre de cas, le manque de sensibilité (à la connerie, à la bassesse etc) est une vertu.

    RépondreSupprimer
  4. Je suppose que vous ne choisissez pas cette nouvelle de Dostoievski par hasard. Car son héros y rencontre son double. Je suis moi même l'un des fâcheux que je fustige. Moi aussi je ne réponds pas aux mails, je ne vais qu' à mes exposés aux colloques, etc.

    RépondreSupprimer
  5. Le choix est totalement fortuit figurez-vous.
    Accepter une certaine division de l'esprit )sans pour autant basculer dans la psychanalyse), et surtout admettre qu'il y a une part de nous qui n'agit pas selon une maxime universelle, ou plus simplement selon le bon usage de la courtoisie, me semble tout à fait différent du cas du "Double" où finalement c'est le lèche-cul, l'arriviste, le traître, qui prend le pas sur l'intègre. Dans le roman, l'un est choyé, plébiscité, l'autre est enfermé à l'hospice.
    J'ai l'impression que ce vous décrivez est bien plus un mode de vie, un certain style, une certaine attitude vis-à-vis d'autrui. Tout est uberisé, même la recherche. Dans ce monde, ce n'est plus le concours de beauté de Keynes (quoique) mais le concours de connerie. C'est même un signe de reconnaissance, un signe de ralliement. Il y a même les maîtres en la matière et les disciples qui redoublent de vacheries pour être au niveau. Ces gens là n'ont aucun complexe.
    Voyez vous, ce type de posture est bien différent de celle consistant à se lasser parfois des usages, à contrevenir aux règles par dépit ou pour tout autre chose.
    Est parfois plus chrétien celui qui ne suit pas les dogmes du christianisme.

    RépondreSupprimer
  6. Je ne pense que le fâcheux soit un con. C'est plutôt un sot, mais aussi un sot égoiste et vain, comme le sont la plupart des sots. La goujaterie peut arriver aux gens les plus intelligents et les plus "fins", qui se comportent très souvent comme des rustres ( voyez Saint Simon et sa dépiction de la cour à Versailles) . Je distingue le sot du con, même si j'admets que beaucoup de cons sont sots et vice versa. Voyez jusqu'où la finesse taxinomique peut aller!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le sow Prince qu' on sort15 juillet 2016 à 20:46

      Très consonant tout ça!

      Supprimer
  7. On ne se débarrasse pas facilement de Montaigne. Il reste toujours en avance sur son temps, et l'on s'en aperçoit périodiquement. On l'a vu avec le mariage pour tous. Montaigne se serait bien marié avec La Boétie, mais ni les moeurs, ni les lois de son temps ne le permettaient.
    Le choix du "Double" me semble excellent. C'est le casse-pieds qui s'installe dans votre vie, comme le coucou dans un nid, pour finir par prendre votre place, en profitant de la compétition sociale, professionnelle ou entre les âges (l'aîné et le cadet). Le mélange et la confusion avec son double sont inévitables. Mon sosie est fâcheux, mufle et goujat, parce que, dans le fond, moi aussi je suis comme cela !
    Le remède suprême contre les casse-pieds est sans doute le lâcher-prise à la Julien Benda ou à la Gloria Grahame. Au XIXème siècle, nous avons eu aussi les Jemenfoutistes qui, avec les Zutistes, les Hydropathes et les Fumistes, ont annoncé les Décadents.

    RépondreSupprimer
  8. Si Montaigne avait été obligé d'héberger Séraphin Lampion dans sa tourelle, il aurait en effet moins bien écrit. Mais n'a t il pas poussé le bouchon un peu loin dans l'art du camouflage de soi, quand, maire de Bordeaux, il a vite détalé dès que la peste s'y est déclarée? Que dirait on si Juppé décidait de se la couler douce dans un chateau bordelais si un attentat tuait cent personnes dans sa ville ?

    RépondreSupprimer
  9. Il est vrai que pour la peste, Montaigne n'a pas été en avance sur son temps. Mais à son époque, il n'y avait pas encore de politique de santé publique, et s'occuper des épidémies n'entrait pas obligatoirement dans les attributions des pouvoirs locaux et royaux, même si l'on a peine à le croire.
    Avec ce fléau absolu qu'était la peste, capable de décimer la moitié des populations, on ne savait trop que faire. Je crois que le cordon sanitaire a été un progrès, au XVIIIème siècle. La polémique sur la peste à Bordeaux était un peu anachronique, mais on peut dire que, dans l'affaire, Montaigne n'a pas été un visionnaire.
    Séraphin Lampion n'est pas hostile, même si l'intention inconsciente du casse-pieds est toujours de faire dégager les autres. Je trouve beaucoup plus inquiétants les appels téléphoniques qui demandent la Boucherie Sanzot, à toute heure du jour et quand les plombs sautent à Moulinsart durant l'orage.
    Mais s'il faut l'optimisme de Leibniz pour justifier le calamiteux Séraphin Lampion, on peut dire en effet que son intervention avec les Turlurons est providentielle, dans "Tintin et les Picaros", pendant l'affrontement des deux généraux d'opérette, pour permettre le succès de la rébellion sans une goutte de sang.
    Il semble plus difficile de faire entrer Séraphin Lampion, petit-bourgeois bruxellois qui porte ceinture et bretelles, dans la théorie d'Elster. On le passerait plutôt au crible de la sociologie des loisirs.
    D'ailleurs, Elster méritait-il vraiment le Collège de France ? Il n'a fait qu' importer en sociologie marxiste l'idée de l'agent économique qui n' est pas rationnel, et qui a valu quelques Prix Nobel à la micro-économie éclairée par la psychologie (Kahneman et la maximisation des petits gains, etc.).
    Grâce au lâcher-prise, on échappe aux casse-pieds, et les psychologues (encore) l'ont bien vu. Il y a la théorie célèbre de Michael Balint, qui oppose les ocnophiles et les philobates. L'ocnophile est celui qui s'accroche au monde. Le philobate est celui qui danse sur le fil du rasoir, qui surfe sur la vie.

    RépondreSupprimer
  10. "Ceux qui vous plagient allègrement, ou vous excluent systématiquement des bibliographies de revues ou collectifs et vous adressent fièrement leurs articles ou leurs livres dont vous êtes scrupuleusement absent de la bibliographie."
    Vérifient-ils aussi scrupuleusement leur présence dans les bibliographies des livres qu'on leur adresse ?

    RépondreSupprimer
  11. sûrement ! Mais comme disait l 'autre il vaut mieux subir une injustice que la commettre.

    RépondreSupprimer
  12. On ne mesure pas assez l'importance de Séraphin Lampion dans "Tintin". Dans ce monde de personnages qui avaient des professions très connotées sur le plan romanesque (le capitaine au long cours, le savant rose-croix théosophe, le grand reporter à la Albert Londres, les détectives casse-cou), Séraphin Lampion incarne la banalité du monde moderne. Il exerce le métier d'assureur, comme Kafka. À cause de lui, Tintin vieillit de façon imperceptible, parce que son monde change.
    D'ailleurs, dans les "Fâcheux", de Molière, Beauchamp et Lully, les parvenus d'Ancien Régime, qui ont pris l'ascenseur social et qui ont du temps libre, sont surreprésentés. Les danseurs du ballet, fâcheux en puissance, sont eux-même très quotidiens : des joueurs de boule, des jardiniers, des bergers, etc.. Les aristocrates sont marginaux (le marquis ridicule, le duelliste à la Cyrano). Au point que Louis XIV avait demandé à Molière d'ajouter un vrai aristocrate, qui bassinerait tout le monde avec ses histoires de chasse.
    Ce qui me fait dire qu'à toutes les époques, le casse-pieds, c'est presque toujours l'homme moderne de la classe montante !

    RépondreSupprimer
  13. Un vrai casse-tête. Pourquoi est-ce si mal vu de mettre des chaussettes avec des nu-pieds? Cela n'a rien à voir avec les fâcheux, les vulgaires et les goulags évoqués plus haut, si? Merci de répondre vite histoire que je corrige le tire...enfin sue je retire l'un ou l'autre quoi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le titre du billet était "fâcheux, vulgaires et goujats". Les sandales sont faites pour avoir les pieds à l'air. Mettre des chaussettes peut cacher nos cors aux pieds, mais heurte le bon sens. La vulgarité est une atteinte au bon sens. De même le col du polo relevé. De ces fautes de goût vestimentaires à l'impolitesse du fâcheux il n'y a qu'un pas.

      Supprimer
  14. Seraphin Lampion, en homme sans qualités ? Oui et non. C 'est plutôt M. Prudhomme, ou Homais , ou Salavin, voire M. Perrichon. Dans la littérature américaine, c 'est Babbit. Dans littérature de langue allemande, c'est un heros de Durrenmat. Il est une sorte de senor Oliveiras de Figueiras belge. de Figeueiras est comme lui sympathique,et plus inventif. Mais en effet, l 'épisode où il s'installe à Moulinsard est paradigmatique. C 'est incarnation du mal, le bêtise.

    RépondreSupprimer
  15. Il me semble que deux aspects se mêlent ou se superposent chez les fâcheux et que l'on pourrait théoriquement distinguer les "fâcheux objectifs" des "fâcheux subjectifs", fâcheux de nature & fâcheux ds certaines circonstances, c-à-d importuns.
    Par exemple l'ami(e) dont on partage les centres d'intérêt et goûte d'ordinaire la conversation — voire l'artiste que l'on rêvait de rencontrer et qui vous est enfin présenté ou le subordonné que l'on a cherché à joindre tte la journée pour "lui dire deux mots", i.e. le tancer d'importance — mais qui, là, "tombe mal" & vous empêche de rejoindre l'aimé(e).
    Ou l'inverse : Eraste et Orphise une fois unis, les priorités resteront-elles les mêmes ?
    La distinction est bien un peu artificielle (sauf concours extraordinaire de circonstances, comique de répétition conjugué au comique de situation) car un ami attentif verra votre impatience et sera capable d'attendre une autre occasion pour vous entretenir ; c'est en effet l'égoïsme ou l'égocentrisme qui constitue le dénominateur commun. Le fâcheux est trop plein de lui-même pour prendre en considération l'agrément des autres — qui n'existent d'ailleurs à ses yeux que comme objets, moyens ou éléments du décor. Seul au monde, il n'a pas d'alter ego, alors pourquoi se gêner ?
    Malgré Horace et Molière, on a souvent l'impression que le genre "fâcheux", qui a tjs existé, trouve aujourd'hui un climat particulièrement favorable à sa prolifération : dans la logique de l'entretien d'embauche étendue à l'ensemble de la vie en société, on reprochera à celui qui ne se met pas en avant, ne se vante pas, de n'être pas assez "proactif". Ds un contexte de mise en concurrence générale & de surenchère, le tact & la discrétion, la politesse, la modestie ou la moindre tendance à l'auto-dérision deviennent des caractéristiques de losers.
    (Merci pour le lien, disons étonnant, preuve que le vrai peut ne pas sembler vraisemblable — il m'a fallu m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un canular très élaboré).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Est-ce a dire que dans le cas de l'ami, la charité empêche le fâcheux subjectif de devenir un fâcheux objectif? Mieux, la charité nous préserve-t-elle de la "fachosite"?

      Supprimer
    2. Ds le cas de l'ami, une partie des "irritants", des occasions de friction, disparaît d'emblée (on peut supposer des affinités, une certaine conformité de goûts, d'intérêts, de mœurs — voire de styles vestimentaires). La proximité & les souvenirs des bons moments incitent le rasé occasionnel à une indulgence qui relève de l'intérêt bien compris & permettent à l'incommodé occasionnel de dire sa hâte ; en revanche il me semble que la sécurité d'une longue fréquentation, l'idée que notre présence ou notre conversation seront bien accueillis, que l'intérêt de l'ami ns est acquis, peuvent faire baisser notre vigilance & ns transformer en raseur ou terzo scomodo occasionnel.
      Mais y a-t-il ds l'importunité (en fréquence ou en intensité) un effet de seuil, un point critique au-delà duquel l'amitié ne résiste pas ? Est-il variable & si oui, en fonction de quoi ?
      La charité paulinienne, celle qui n'envie pas, ne cherche pas à se faire valoir, ne cherche pas son propre intérêt, celle qui ne s'irrite pas & pardonne, est volontaire, délibérée, & "coûteuse" si elle est universelle. À défaut, la politesse ("hypocrite" si l'on veut, mais hautement souhaitable) est censée mettre de l'huile ds les rouages de la vie en société. La question demeure : pourquoi le vice n'a-t-il plus besoin, n'estime-t-il plus nécessaire de rendre hommage à la vertu

      Supprimer
    3. En relisant vos analyses, je me suis dit qu'il pourrait etre intéressant de penser la distinction entre "fâcheux avec des raisons" et "fâcheux sans raisons"
      Ainsi donc le premier serait susceptible de se "soigner" ou disons d'adoucir sa fachosite via l'amitié ou l'amour par exemple. Les raisons de sa fachosite iraient déclinantes et ne suffiraient bientôt plus à faire de lui un fâcheux. Ce serait l'image socratique de lhomme incapable de faire le mal volontairement. Dans le second cas au contraire, le fâcheux n'a guère besoin de raisons. Il l'est instinctivement et rien ne saurait lui insuffler le vent contraire. Il calcule, soupèse et n'hésite pas à nuire sans raisons, a tout va. Cette peuplade trouve d'ailleurs son habitat naturel a l'université.
      Peut être que cette distinction recoupe la vôtre ou n'en est qu'un cas particulier.

      Supprimer
    4. Voulez-vs dire que la fâchosité ne serait pas, ds certains cas, une "mauvaise volonté", mais s'expliquerait plutôt par un manque, une ignorance — l'amitié ou l'amour déclenchant une prise de conscience parce que l'autre devient alors réel pour moi ?
      Ds cette hypothèse, celle d'une révélation, je bute sur son pouvoir de "conversion" radicale, sur l'extension à ts des privilèges éventuellement accordés à un "Toi". Il me semble que le fâcheux-goujat a plutôt tendance à intégrer en qq sorte ses proches (conjoint, amis, enfants, "disciples") à son moi. On passerait simplement de "tt m'est dû" à "tt ns est dû".
      Mais je m'égare peut-être.





      Supprimer
    5. je perds un peu le fil de vos réflexions. Pour moi le fâcheux n'est pas juste quelqu'un qui sonne à votre porte et vous dérange et est importun, mais quelqu'un qui le fait avec obstination, et dans le but de vous entretenir de omni re scibili, en particulier des choses le touchant. La goujaterie et la vulgarité sont autre chose. Mais l'accompagnent souvent

      Supprimer
    6. Justement Ange! C'est pour cela que je voulais introduire les raisons d'agir au cœur du problème. Le "fâcheux dans raison" s'obstine bêtement sur son chemin car tel est son programme. Sa voie. Son égoïsme à outrepassé sa personnalité. Ce n'est plus un trait mais un genre, un mode.
      Pour Nescio: oui je voulais dire que la conversion peutvsurvenir a mon sens pour le fâcheux subjectif qui se tempere par amour ou par amitié. Il y a aussi ceux qui se convertissent via les malheurs de la vie comme les accidents.
      Le fâcheux objectif s'obstine à contre courant même lorsque tout porte à droite que c'est peine perdue. Ceux par exemple qui ont fait de la duperie un art de vivre, un réflexe.

      Supprimer
    7. Ah, cruel dilemme : montrer comment & pourquoi la conversation a dérivé, m'autogloser pour expliquer par le menu ce que je n'ai pas été capable d'exprimer clairement — bref tenter de me justifier & surtout croire que de tels "éclaircissements" s'imposent & pour ce faire squatter indéfiniment l'espace des commentaires, c'est précisément donner ds le fâcheux webesque.
      Mais arrêter les frais, ne pas répondre du tout (sous prétexte de ne pas ennuyer ou agacer davantage), c'est tomber sinon dans la goujaterie du moins ds l'impolitesse…
      Mieux vaut en rire (comme disait la rubrique d'un illustré de ma jeunesse).

      Supprimer
    8. Je crois que nous avons fini par faire un portrait bien trop riche du fâcheux. Je n'ai pas voulu dire que le titre de ce billet était conjonctif , ie que tout fâcheux etait vulgaire et goujat, mais disjonctif. Et j'ai donné des exemples ( exl'homme qui vient au colloque juste pour son exposé) qui ne sont pas ceux de fâcheux, mais de goujats.

      Supprimer
  16. Merci de ce commentaire très utile. je parlais des fâcheux subjectifs. Bien sûr on est toujours en un sens le fâcheux de quelqu'un, même avec de bonnes intentions et même pour ses amis, qui sont capables de faire la part des choses. Le fâcheux subjectif, le fâcheux professionnel est différent. Il est en effet égoiste, et vain - la vanité est une des composantes essentielles de la bêtise, voyez La BRuyère sur les sots dans le chapitre sur Des jugements - et il étale son mauvais goût. Ce n ' est pas un simple trait de caractère, mais c'est , comme je l'espère mes exemples le suggèrent - un trait d'époque. Je voulais attirer l'attention aussi sur la prolifération de la fâcherie ( fâchosité?) que l'internet crée: plus l'écrit se diffuse vite, plus le web-fâcheux se manifeste.

    RépondreSupprimer
  17. Emerson disait : “Every hero becomes a bore at last”. Il semble qu'il parlait du raseur, cet importun bavard, et non du casse-pieds, sinon il aurait dit "a pain in the neck" ou mieux, "a drag", pour rendre l'idée du boulet que l'on traîne. Les transcendantalistes préféraient s'écrire, pour s'éviter ce genre d'ennuis. Mais quant aux héros, je ne crois pas que ceux d'Homère soient devenus des raseurs.

    RépondreSupprimer
  18. Sans doute Emerson pensait il, par anticipation à Superman, à Spiderman, ou à Batman, qui sont si ennuyeux que même leurs petites amies baillent. Parmi les heros homériques, certains semblent être des raseurs, comme Nestor. et si Pâris a manifestement des charmes au lit auxquels Helène n'est pas insensible, il semble n'avoir eu pour lui que sa belle gueule et peu d'intelligence, comme le montre l'épisode ( Illiade, III, 379-82) déjà commenté ici , voir

    http://lafrancebyzantine.blogspot.fr/2013/10/homere-et-les-cas-de-frankfurt.html

    où Pâris affronte Ménelas, qui va lui faire sa fête, et qui ne se sauve pas grâce à sa vaillance ou son intelligence, mais grâce aux dieux.

    Je crois aussi que Philoctète était un peu raseur et radoteur, sur son île.

    RépondreSupprimer
  19. En effet, la question des héros homériques a été traitée, et avec quel talent, par ce blog et ses contributeurs. L'épisode un peu kitsch d'Aphrodite et Pâris manifeste la richesse infinie de l'œuvre poétique, qui résiste à tous les commentaires et à toutes les interprétations !
    Pour ma part, je me permettrai une lecture naïve de cet épisode. Une histoire de cocufiage, c'est plutôt l'affaire d'une pièce de boulevard ou d'une opérette. On dirait qu'Homère plagie par anticipation Offenbach, qui rira des héros de l'Antiquité comme un potache qui s'était barbé en cours de grec.
    Aphrodite aide sûrement Pâris à aller au bout de son intention de fuir le combat avec Ménélas. Je crois que Pâris veut s'échapper du combat, parce qu'il n'a vraiment pas envie de tuer un homme qu'il fait cornard et qui, de son côté, est surmotivé.
    Aphrodite est débitrice sans fin envers Pâris, depuis qu'il lui a remis la pomme de discorde.
    Pâris ne craindra pas d'affronter Philoctète, lequel avait pratiqué la restriction mentale, en ne révélant pas verbalement la cachette des flèches d'Héraclès, mais tout en désignant du pied sa sépulture.

    RépondreSupprimer
  20. Pâris aurait il pu tuer Ménélas ? Il n'avait aucune chance. C'est pourquoi Aphrodite intervient, paniquée. Pour moi Pâris est un gommeux, et Helène une sorte de Madame Bovary avant la lettre ( elle s'emmerdait à Argos, elle voulait voir du pays )

    RépondreSupprimer