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mercredi 28 octobre 2015

Une infâme torture



Dans un article sur le bizutage dans le Monde ( 28.10.15) on lit que les bizuteurs soumettent les bizutés à d'infâmes tortures telles que  :

" C’est un vrai lavage de cerveau que les anciens font subir aux nouveaux : privations de sommeil et de nourriture, textes à apprendre par cœur, etc." 

 Ainsi obliger quelqu'un à apprendre par coeur, comme les fables de la Fontaine,  les tables de multiplication et de conjugaison, des poésies de Ronsard, Hugo, Baudelaire et de Mallarmé, de longues tirades de Corneille et de Racine, des centaines de mots latins, grecs, anglais, allemands, italiens, espagnols, le Desdichado de  Nerval, les Tables de la loi les paraboles du Christ, la liste des rois de France, celle des départements, la Marseillaise, la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, les formules algébriques de base, celles des équations du second degré, la liste des règles d'inférence de la logique élémentaire, la table des catégories d'Aristote, l'arbre de Porphyre, la liste des règles de la Méthode de Descartes et ses preuves de l'existence de Dieu, la table des catégories kantiennes et la formule de l'impératif catégorique,  les canons de l'induction de Stuart Mill, les deux règles de justice de Rawls, etc. seraient des formes de lavage de cerveau? 

J'avoue avoir bizuté des générations d'étudiants, en leur infligeant ces sévices, pire que sexuels, après avoir subi moi même les mêmes.






19 commentaires:

  1. Leur avez-vous également infligé la privation de sommeil et de nourriture ?

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  2. mais oui, pour apprendre mes mots latins je ne domais pas ni ne mangeais

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  3. Nouveau sujet pour de prochaines rencontres philosophiques, où qu'elles se tiennent : apprendre, est-ce se bizuter soi-même ?

    N.B.: avec les charmantes illustrations de Benjamin Rabier, retenir les fables de La Fontaine n'a rien d'une torture...Merci de nous les avoir fait (re)découvrir.

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    1. mais oui, c'est se bizuter soi même, si cela veut dire faire des choses pénibles pour apprendre.
      la seule différence avec les bizutages "institutionnels" est que ceux ci n'ont pas pour but d'apprendre quoi que ce soit. Ils visent à établir des relations de pouvoir et de supériorité, et des liens d'appartenance. Rien à voir avec l'apprentissage d'un savoir. Sans quoi les jeunes gens de bonnes famille qui participent à des rallyes n'auraient pas besoin de faire des études.

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    2. C'est pourquoi j'incline à penser que cet article du monde s'en prend au bizutage plus qu'il ne met cause les modes traditionnels d'apprentissage... La citation isolée permet de jouer facilement avec l'ambiguïté.

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    3. le journaliste pourtant l'air de penser qu'apprendre des textes par coeur est une tâche pénible et humiliante. et pourquoi le bizutage serait il violent et abusif si c'était une pratique normale et aisée d'apprendre des textes par coeur ? J'aurais pour ma part compris l'humiliation si on avait écrit " apprendre par coeur des texte de Onfray, Finkielkraut, Regis Debray, etc.)

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    4. C'est une tâche pénible et humiliante lorsqu'elle est imposée du dehors sans aucune autre justification que l'autorité supposée de l'ancien - incarnation temporaire de l'institution - exigeant la soumission du "bleu" ou du "bizuth" comme rite obligé d'intégration ou d'appartenance. Certains d'entre nous ont eu la chance d'échapper à ces pratiques lorsqu'elles ont connu une période de nette désaffection au début des années 70, notamment dans les classes préparatoires : mai 68 était passé par là... Apparemment,elles bénéficient hélas aujourd'hui d'un regain de faveur...

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    5. J'étais en prépa à Paris en 1970-74, et je peux vous dire que ces pratiques n'avaient nullement disparu.... En revanche en 68 j'espérais avoir le prix de récitation ( par coeur, cela va de soi), et les "évenements" ont annulé tous les prix au lycée....

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    6. Je ne disais pas qu'elles avaient disparu, mais qu'elles étaient pratiquées avec moins de stupide arrogance de la part des adeptes, sauf peut-être dans le cadre de l'internat où la tradition résistait sans doute mieux au vent de révolte contre toute forme d'autorité. Celle dont nous parlons ici ne mérite, j'espère qu'il en est de même pour vous, aucune espèce de nostalgie. Quant à ceux qui assistaient directement aux "événements" (sans même y participer), je doute que beaucoup se préoccupaient du sort des prix de récitation. D'ailleurs dans les classes prépas de cette période, la récitation (prose ou poésie) était encore en vigueur dans les cours de français que j'ai suivis et bon nombre se portaient volontaires, qui pour gagner quelques points, qui par amour pour l'exercice, qui pour montrer leur talent de comédien, etc.

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    7. Mais moi je récitais La Fontaine ou corneille avec plaisir, même si je ne me rendais pas compte que ce serait considéré comme un infâme privilège bourgeois. Rien de mieux n'a été dit, à mon sens, là dessus que par Benda dans son discours de 1935 sur la culture humaniste et la culture communiste....

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  4. L'existence sur Internet d'une multitude de "données" encourage à tort à conclure que ce qui compte dans l'éducation est le développement de l'intelligence, laissant la mémoire aux machines. Mais on ne peut s'orienter dans la mémoire des machines que si on dispose d'une masse de connaissances mémorisées, plus généralement la faculté de raisonner sans mémoire tourne à vide. Il y a aussi sans doute dans le passage que vous citez un sophisme du genre : tout bourrage de crâne nécessite de la mémorisation, or l'apprentissage nécessite de la mémorisation, donc l'apprentissage est un bourrage de crâne.

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    1. Il n'en reste pas moins que bien des choses que l'on mémorisait jadis sont passées sur le numérique. Notre mémoire s'est, comme l'ont soutenu Clark et Chalmers, externalisée. Je peux prévoir la réponse à mon billet : "pourquoi apprendre par coeur el Desdichado ou la table des catégories kantiennes si je peux en trois clics avoir le poème ou table sur sur internet? Si ma mémoire est sur mon ordinateur ou ma tablette pourquoi me fatiguerais - je à apprendre par coeur quelque chose que je peux trouver partout ailleurs ?

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  5. Il faut distinguer la mémorisation de faits (par exemple la liste des départements) de la mémorisation d'une oeuvre ou de fragments d'oeuvre. C'est dans ce second cas où il est question d'interprétation que mémorisation va avec rumination, approfondissement, découverte, si bien sûr on a le désir de faire servir la mémorisation à cela.
    Ce n'est pas un hasard si les stoïciens ont valorisé la mémoire des règles : si la simple redécouverte des règles sur le portable du stoïcien ne lui suffit pas, c'est que la mémorisation éclaire conduite et connaissance (ce qui n'implique pas que la conduite se conforme parfaitement à la règle).
    D'où la limite de la comparaison de la mémoire avec la mémoire d'un ordinateur, elle révise excessivement à la baisse la valeur entre autres cognitive de la mémoire.

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  6. Certes. Il y a des différences de complexité et d'usage que l'on fait de la mémoire. Apprendre par coeur le Coran ou les oeuvres de Shakespeare sont des activités cognitives assez différentes. Mais même
    Sarkozy pourrait citer La Princesse de Clèves en utilisant son portable.

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    1. Oui, mais les puissants n'ont pas attendu le numérique pour pouvoir faussement impressionner...

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  7. In fine, à chacun son point de vue !

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  8. Jamais de la vie ! No way. Il existe sur tout un point de vue objectif, même sur la quantité de caramel à mettre dans la crème du même nom.

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  9. Apprendre par coeur le Coran ou les oeuvres de Shakespeare sont des activités cognitives assez différentes ? En quoi ? Il suffit de considérer le Coran comme un oeuvre, et non comme "incréé". Dira-ton qu'alors ce n'est pas le Coran qu'on apprend, mais "autre chose", au motif qu'on ne le lit pas alors comme coin devait le lire, c'est-à-dire comme le Coran prescrit qu'on le lise ?

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  10. TRouvez moi l'ironie et l'humour shakespeariens dans le Coran....

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