Dolce vita intellectuelle
Autrefois, quand on montrait une femme nue
dans un magazine, on cachait son visage ou ses seins avec un rectangle noir.
Dans Le rouge et le noir, Stendhal
désigne la ville où ont lieu les aventures de Julien Sorel avec Madame de Rénal
par un nom imaginaire, Verrières. Comme il y a quelque chose d’obscène (intellectuellement) et de dangereux (en raison des représailles
et procès en diffamation toujours possibles) à évoquer ouvertement certains
noms, propres et communs, j’ai choisi ici d’anonymiser en écrivant les initiales
des noms suivis d’étoiles. Cela donne
une allure un peu dolce vita à ce
compte rendu.
Que reste-t-il, vingt ans après, du
canular de S**** et des discussions qui ont suivi le florilège de non-s**s
et d’impostures intellect****s qu’il avait composé avec B******? En un sens,
pas grand-chose. On aurait pu penser que l‘affaire S**** aurait porté un coup d’arrêt à l’obscur*****e de toute une
partie de la production en critique littéraire, en philosophie et en sciences
sociales, et que les droits de la r***, du s***** et de l’éth*** intell****
auraient pu, sinon être rétablis du moins à nouveau respectés. Mais les
penseurs post******s que le canular
visait, et qui n’ont vu dans celui-ci qu’une manifestation de scientisme
vulgaire, ont continué à prospérer : D****, D******, K*******, L*****,
S*****et autres gloires de la pensée ch** française sont toujours honorés et
lus avec ferveur. La French T**** a certes
vécu, et le cons*****e en philosophie des sciences ne fait plus recette, mais
des idéologues dogmatiques comme B***** et Z****** tiennent toujours le haut
du pavé en France comme ailleurs. La pensée glissante et chatoyante d’un L*****,
l’une des principales cibles de S****, n’a rien perdu de son pouvoir de
séduction. Pire : le journalisme
pseudo-philosophique, qui pense par analogies et qui ne vit que d’actualité et
de sociologie rapide, a assis son emprise sur le monde des media et de
l’édition. La meilleure preuve que rien n’a changé est la récente vague de
discussions autour de la « post-***** » qui a agité le monde
politique mondial. On s’est étonné que T***** et ses amis aient déclaré qu’il
n’y a pas de f**ts, mais juste des interprétations, ou que la v**** est juste
une notion idéologique. Mais très peu de gens choqués par ce cynisme ont
remarqué que ces idées étaient celles-là même que promouvaient les post-m*****,
les « pr****tistes » à la manière de R*******et les penseurs radicaux
comme F******, que visait déjà S****. Pire encore : récemment des charlatans comme le sociologue M***** et le philosophe B******* ont eux-mêmes été victimes de canulars
semblables à celui de S****, des revues à leur gloire ayant accepté des
articles bidon inspirés par leurs vues fumeuses, sans pourtant que ces scandales
int*****s aient vraiment écorné leur réputation.
Tout ceci pourrait inspirer un diagnostic
pessimiste : les pouvoirs de la r****, l’éth*** de la sobriété et de la décence
seront toujours minoritaires, et le monde de l’int**** n’est jamais à l’abri
des vagues successives d’irrationalisme qui alimentent la pensée romantique et
religieuse, et en définitive le fas***me rampant que la puissante emprise des
medias et d’internet ont à présent sur les esprits. Le plus triste est encore
de voir que cet ant****sme a atteint même les intellectuels, qui ont perdu le
sens de la critique en la caricaturant, et qu’il y a même des penseurs pour
nous dire que la r**** n’aura jamais de pouvoir sur les esprits et que les faits ne nous feront jamais changer
d’avis. Alors, comment résister ? D’abord en reconstituant l’université,
qui a perdu son monopole, et le système de l’expertise scientifique. Ensuite en
dénonçant une véritable n*******tura
qui a la main sur le monde de l’*******et des medias, et fait peser la censure
sur quiconque dénonce ces pratiques. Enfin, en organisant partout où c’est
possible une résistance à l’obs*****e, sans craindre d’apparaître m***liste
dans tous les domaines de la vie de l’es***t.